Stéphane Séjourné est nommé ministre des Affaires étrangères le 11 janvier. L’actualité, rapidement éclipsée, mérite néanmoins une analyse approfondie. L’inexpérience du secrétaire général de Renaissance à ce poste nous donne un premier indice sur le projet d’Emmanuel Macron. D’abord agacé par la relative indépendance de Jean-Yves Le Drian, puis gêné par la maîtrise technique de Catherine Colonna, la présidente de la République, qu’un homme inébranlable, sans base politique, lui permette de réaliser plus facilement sa philosophie institutionnelle chère : la fusion de tous les ministères avec les installations de l’Elysée.
Cette sélection nous renseigne sur les véritables objectifs politiques d’Emmanuel Macron pour le reste de son mandat. Ces cours sont d’autant plus sérieux qu’ils seront au cœur des négociations pour l’installation de la prochaine Commission européenne et de son programme.
Aujourd’hui, le Parlement européen est l’expression la plus pure du macronisme
Stéphane Séjourné dit avoir apprécié l’esprit de négociation et de compromis du Parlement européen. Son expérience bruxelloise lui a servi de boussole au Quai d’Orsay. Il faut dire que le Parlement européen en est, à ce jour, l’expression la plus pure. Macronisme : la grande majorité des équipes politiques font confiance à une Commission européenne aussi colorée que percutante, se privant ainsi mécaniquement de la force de négociation de l’agenda européen.
Les peintures de Stéphane Séjourné à la tête de l’organisation Renaissance sont bien documentées : votes, discours, inscriptions à l’ordre du jour, etc. Les décisions du ministre sont examinées dans toutes les chancelleries depuis 4 ans, afin que chacun ait une idée transparente de ce qu’il veut. Cela représente déjà un grave danger pour les diplomates français dans le monde. Peu populaire au Maroc, le nouveau ministre des Affaires étrangères a également voté des deux mains une avalanche de résolutions condamnant des dizaines de pays à travers le monde. et en particulier en Asie centrale, au Moyen-Orient et en Amérique du Sud : bonne chance aux ambassadeurs qui seront conquis par les effets des votes de M. Séjourné au Parlement européen pour leurs prochaines rencontres diplomatiques.
Ne doutons pas que M. Séjourné démissionnera discrètement de ses fonctions, arguant que s’organiser sur le terrain n’est rien d’autre qu’une trahison des intérêts français pour profiter du « grand tout » européen et de la foi des droits de l’homme et des minorités. C’est là que réside l’ultime penchant néfaste de l’ancien protégé de Dominique Strauss-Kahn.
Sa philosophie générale peut se résumer en une phrase : faire avancer le programme de Macron d’abandon de la politique étrangère de la France au profit de l’Union européenne et du Service européen pour l’action extérieure.
À Bruxelles, les députés d’Emmanuel Macron soutiennent l’élargissement de l’Union européenne jusqu’à l’absurde. Il faudrait se préparer à une Union européenne à plus de 30 membres, peut-être même à 35 ou 36 comme l’a déclaré Bernard Guetta, en commission des affaires étrangères du Parlement européen le 27 avril 2023. À nous les conflits nationaux et religieux des Balkans, à nous l’influence de la Turquie qui règne en maître chez de nombreux pays candidats, à nous l’intégration aux forceps de l’Ukraine et son dumping social et agricole. Le projet des petits soldats de la Macronie est le même que leurs cousins technocrates bruxellois : dissoudre les pays fondateurs de l’UE dans un magma qui penchera de plus en plus à l’est plutôt que vers l’Atlantique et la Mer Méditerranéenne. Une tendance qu’Emmanuel Macron a embrassée depuis longtemps, soldant par ses errements les reliquats de notre influence en Afrique et au Moyen-Orient.
Lundi 23 janvier, la motion Renaissance demandait une révision des traités pour les adapter à un élargissement qu’elle juge souhaitable et inévitable. Au cœur de cette révision se trouvent un certain nombre d’évolutions qui constitueraient une véritable trahison de la souveraineté nationale, comme l’abandon de la règle de l’unanimité au Conseil pour les décisions de politique étrangère ou de défense. Derrière ces termes techniques, il y a une authenticité pratique : la fin du droit de veto des États. L’Union européenne imposera des sanctions aux pays ennemis, financera l’armement d’alliés impliqués dans un conflit militaire et, qui sait, demain elle soumettra ses armées à des puissances qui n’ont ni force militaire ni politique étrangère indépendante. Déclaration de Vienne, signée par Stéphane Séjourné le 26 septembre 2023, qui stipule : « L’Union européenne doit être en mesure d’agir rapidement de manière décisive, nous devrons donc mettre fin au vote à l’unanimité sur les décisions de politique étrangère et de sécurité » Avec ces « actions décisives », menées au nom de l’UE, La France ne peut tout simplement pas s’en dissocier ou s’y opposer, car son veto aurait disparu.
C’est la fin de la lutte séculaire de la France pour l’indépendance de l’Europe. La lutte de Philippe Auguste, de Richelieu et du général de Gaulle, celle qui a justifié les sacrifices de la Résistance et l’audace du Gouvernement provisoire de la République française, est déserte. comme un héritage trop lourd et trop imposant pour les petites mains d’Emmanuel Macron.
Cette progression sera déguisée. Séjourné et Macron parleront de la volonté d’aller de l’avant, d’accepter le progrès dans le monde, ou ils parleront de l’Europe-puissance stratégiquement autonome que les fédéralistes offrent aux autres depuis le début de la construction européenne. La vérité est bien différente : n’ayant aucune confiance dans le peuple français, les hommes de Macron veulent confondre leur destin avec celui du Léviathan idéalisé de Bruxelles. Au contraire, tout le monde observe que les nations qui misent sur l’indépendance parviennent à dominer leur destin. Il suffit de regarder la haine de Viktor Orban pour l’indépendance éhontée de la Hongrie à Bruxelles pour s’en convaincre.
Enfin, avec la nomination de Stéphane Séjourné au Quai d’Orsay, Emmanuel Macron entend mettre un terme définitif à l’ère de l’indépendance diplomatique française. L’extinction du corps des conseillers aux affaires étrangères et des ministres plénipotentiaires, en vigueur depuis le 1er janvier 2023, est le prélude au transfert des compétences humaines et souveraines à Bruxelles, où Macron organise la migration des dernières lignes droites de la souveraineté française. C’est aussi logique : pourquoi rester avec un cadre d’excellence qui fait rayonner la France dans le monde ?Force est de constater que l’accélération de l’élargissement de l’UE et la fin du droit de veto, conjuguées aux impératifs de coordination de la politique étrangère des États membres déjà prévus par le traité de Lisbonne, ont rendu les Français dépendants de la loi du nombre au sein de l’Union européenne. Conseil.