Lors d’une rencontre avec son homologue autrichien Karl Nehammer le 18 août à Salzbourg, le chancelier allemand Olaf Scholz a déclaré que les contrôles aux frontières intérieures de l’Union européenne étaient « indispensables » tant qu’il n’y aurait pas de réaction européenne globale au défi de l’immigration anormale sur le continent.
Bien que la tension migratoire n’affecte pas nos vieilles nations sans défense, qui en 2022 ont enregistré environ un million de programmes d’asile à travers l’UE (52% par rapport à 2021), et que l’Allemagne n’absorbe qu’un quart de ces programmes, certains cherchaient après que Berlin se réveillait. L’Allemagne est-elle si généreuse en 2015-2016 et depuis, malgré tout, prend-elle la mesure réelle et multifactorielle du phénomène migratoire ?Percevez-vous que l’immigration n’est pas une variable indéniable de la politique économique, mais une question existentielle dans la mesure où elle affecte l’identité et la permanence des peuples ?
Ce serait une erreur. Se tromper au point de prendre pour argent comptant les propos d’Emmanuel Macron lorsqu’il a dit cette semaine dans Le Point, possibilité du calendrier, qu’il entend « réduire significativement l’immigration ». Parce qu’Olaf Scholz et Emmanuel Macron disent toujours non. Tous deux, sous la pression d’une droite qui se développe sérieusement dans les sondages (l’AfD en Allemagne, le RN en France), envoient des signaux à l’électorat mais n’agissent pas. Pour eux, ce serait se tromper, et se tromper deux fois.
D’abord parce que les chiffres et les faits contredisent son ambition proclamée pour l’immigration, qu’elle soit légale ou illégale. Rien, puisqu’ils sont à la tête de leur pays (vingt mois pour Olaf Scholz et six ans pour Emmanuel Macron) n’indique que c’est le cas. En 2022, l’Allemagne a accueilli 1,462 million d’immigrants légaux sur son territoire. Le pays n’avait jamais connu une immigration nette aussi élevée. Quant à la France, elle dépasse les 475 000 entrées (en ajoutant les 320 000 locations d’appartements accordées et les 156 000 demandes d’asile). Un record là aussi.
Et cela ne devrait pas le remplacer, puisque l’Allemagne a adopté le 23 juin une nouvelle loi sur l’immigration professionnelle qui fixe le nombre minimum d’entrées sur son territoire à 400 000 immigrants par an. Obsédé par la perte de compétitivité de son économie, Berlin ne voit dans l’immigration qu’un moyen de charger la main-d’œuvre. Leurs œillères économistes cachent les réalités sociales et culturelles du phénomène migratoire. Et il en va de même, quoique plus modestement, en France, avec le projet de loi sur l’immigration de Gérald Darmanin annoncé pour cet automne et qui prévoit la création d’une renonciation cohérente aux « affaires en tension ».
Mais ce serait un moment opportun, car Olaf Scholz et Emmanuel Macron promettent une « solution européenne » qui n’est qu’une fiction. Incapables d’agir au niveau national ou de répondre aux attentes majoritaires des peuples auxquels ils doivent leur choix, ils attribuent à l’Union européenne et à la réforme en cours des règles d’asile de l’UE, une capacité à répondre au défi migratoire qu’elle n’a tout simplement pas. Pour preuve : le seul point qui a été obtenu jusqu’à présent est la création d’un nouveau « mécanisme de solidarité » qui vise à la répartition obligatoire des demandeurs d’asile entre tous les États membres. L’UE assume la responsabilité du partage des charges.
Et il y a une explication à cela. D’abord parce que la vision des dirigeants des établissements européens est largement « sans frontières » et alignée sur celle des ONG sans frontières : « l’affaire Frontex » l’a prouvé en 2021-2022. Deuxièmement, et c’est le plus important, parce que l’UE est incapable de répondre aux situations exigeantes de la grande politique : « la » politique, au sens du philosophe Julien Freund, par opposition à « la » politique. Il n’est pas conçu pour cela, ce n’est pas un acteur politique à part entière. , et sa légitimité est incohérente.
L’immigration est l’un des problèmes politiques les plus graves et les plus urgents de notre époque. Comme on l’a dit, elle est existentielle pour nos sociétés européennes en déclin, qui doutent de leur style et qui accueillent déjà une immigration importante depuis cinq décennies. C’est cette triste vérité que les déclarations d’Olaf Scholz et d’Emmanuel Macron cherchent à masquer plutôt qu’à confronter.