Dans les années 1920, Al Capone était une superstar. Quand les médias prenaient des proportions industrielles, le roi du crime donnait des conférences de presse tapageuses et nourrissait les premiers tabloïds de scandales et de photos. Comme toute célébrité, il rêvait de conquérir Hollywood. Le 11 décembre 1927, Capone s’installe au Biltmore, en plein centre de Los Angeles et dès le lendemain, la police l’escorte jusqu’à la gare. La Cité des anges chasse le diable incarné : « Je me suis fait beaucoup d’argent à Chicago et j’en ai plein à dépenser, lance-t-il, vexé, à un journaliste du Los Angeles Times. Je reviendrai. » Le mafieux ne reviendra pas mais sa lourde silhouette et sa gueule balafrée ne cesse de hanter les studios.
Cinq ans plus tard, une immense affiche s’étale sur Broadway, « Sans dieu, sans amour, sans cœur, voici Scarface, la honte d’une nation ». Récit d’une petite frappe qui escalade l’échelle du crime avant de mourir mitraillé, le film d’Howard Hawks s’exprime librement du destin de Capone. À la même époque, le Petit César de Mervyn LeRoy propose une autre variation sur la figure du boss de Chicago avec Edward G. Robinson.
Dans l’ennemi public de William Wellman (1931), le personnage de James Cagney évoque encore Al Capone. Mafieux pervers, il lègue à la postérité un plan terrible, en écrivant un demi-pamplemousse sur la frimousse de Mae Clarke. Cependant, le 5 décembre 1933, la prohibition est officiellement abolie. La presse de Chicago se régale d’une gigantesque nouba au bar du Drake et d’une pépette en petite tenue dans un coupé de champagne de trois mètres de haut.
Alors que Capone croupit en prison pour fraude fiscale, l’âge d’or du film noir va s’échapper avec son empire. En 1934, le fameux code Hays entre en application. Désormais, la représentation de la nudité et de la violence sera étroitement encadrée et les sinistrexploits des truands vont perdre de leur saveur.
À la fin des années 1930, Benjamin Siegelbaum, alias Bugsy Siegel, règne sur les collines de Beverly Hills. Initiateur de l’industrie du jeu à Las Vegas, il a notamment mis la main sur le syndicat des figurants. Tout en rackettant Los Angeles, il s’y est largement intégré. Dans la Mafia à Hollywood (New Monde Editions), Le journaliste Tim Adler décrit un gangster people qui tri avec Lana Turner ou Ava Gardner, choisit Jean Harlow comme marraine pour sa fille, joue au craps avec les nababs Jack Warner et Louis B. Mayer et trinque sous les palmiers avec Cary Grant, Clark Gable ou Gary Cooper.
Quelques curieux spécimens ont traversé l’écran. Louis Eppolito, un flic véreux du NYPD qui officiait comme tueur pour la mafia, incarne un petit rôle dans les Affranchis en 1990. Après ses débuts chez Scorsese, il joue notamment dans Coups de feu sur Broadway de Woody Allen en 1994 et Lost Highway de David Lynch trois ans plus tard. Une condamnation à perpétuité a rencontré fin à sa carrière d’acteur en 2006. Dans sa cellule de Tucson, Eppolito a long travaillé à l’adaptation de son autobiographie. Plusieurs studios se sont montrés mais, comme fils d’auteur, le projet hne resté à l’ombre.
Les mafias de cinéma sont donc des PME voire des entreprises familiales. La trilogie du Parrain, sans doute la plus flamboyante saga criminelle d’Hollywood, débute en 1972. Alors même que se creuse le fossé culturel entre les parents et les baby-boomers, la nation s’identifie aux Corleone, regroupés autour du totémique Don Vito. En pleine guerre du Vietnam, Coppola offre à son pays fragilisé une solide dynastie princière à l’européenne. Il cultive l’image d’un seigneur américain, que le cinéaste finira par incarner lui-même, avec ses vignes en guise de terres et ses hôtels de luxe comme palais. Son Parrain se fait gardien de la mémoire, archiviste de très longues traditions que les Etats-Unis ont gommées. Quand les Américains tranchent leurs racines, le sang des Corleone reste sicilien, à travers la gastronomie, l’opéra, la langue…
Si le film de mafia est associé à Hollywood, Cineccittà, Hong Kong ou Tokyo, il existe aussi une veine française.
En 2009, Jean Reno incarnait un train arménien dans le premier Cercle de Laurent Tuel. Cinq ans plus tard, les Lyonnais d’Olivier Marchal retracent l’histoire du gang des Lyonnais dans les années 1970.
Avec Bob le flambeur (1956), Le Doulos (1962) ou le Cercle rouge (1970), Jean-Pierre Melville reste le cinéaste français le plus associé à l’univers du milieu.
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