Emmanuel Macron aux Glières : comment ce maquis, symbole de la Résistance, lieu de pèlerinage politique

C’est un oiseau blanc géant aux ailes déployées qui fend le ciel du plateau des Glières. Un monument qui prend la forme du « V » de la victoire, hommage au combat des 465 maquisards qui s’y sont accumulés, en plein hiver. et à 1 500 mètres d’altitude, pour obtenir des parachutages d’armes de la part des Alliés.

Le maquis de Haute-Savoie est entré dans l’histoire de la Résistance française il y a 80 ans. Une position qui a un lieu de mémoire, cultivé au fil des hommages successifs des responsables politiques. Le premier d’entre eux fut le général de Gaulle, qui arriva ici en novembre 1944 pour se recueillir sur le site de Morette, qui n’abritait à l’époque que 80 tombes surmontées de croix en bois.

Le chef de la Résistance, devenu le premier président de la Ve République, revient plusieurs fois aux Glières jusque dans les années 1960. Le 29 mai 1947, la nécropole nationale de Morette abritera 105 tombes dont 88 sont celles des maquisards de Glières.

Celle-ci sera suivie à travers le monument par le sculpteur Emile Gilioli, qui ancre l’esprit du maquis dans l’histoire. Le premier écho des Glières, pas les explosions. Si tant de nos concitoyens l’ont entendu dans les flots turbulents, c’est parce qu’ils ont découvert en lui l’un des plus anciens langages de l’homme : celui de la volonté, du sacrifice et du sang », a déclaré André Malraux, alors ministre de la Culture, lors de l’inauguration en 1973.

« Et maintenant, le merveilleux oiseau blanc de Gilioli a planté ses serres ici. Avec son aile d’espoir, son aile amputée de combat, et entre les deux, son soleil levant. Avec sa position de contemplation, sa statue, dont les bras tendus sont présentés bras », a-t-il décrit, rendant hommage au sacrifice et à la bravoure des maquisards.

Une multitude de cérémonies se succédaient dans un silence merveilleux. Plus de 30 ans s’écoulent, jusqu’en 1994, sans qu’aucun président de la Ve République ne vienne rendre un hommage fort aux héros des Glières. Jusqu’à ce que François Mitterrand, un an avant la fin de son dernier mandat, déclare : « C’est une tragédie, mais jamais une défaite. »

La place de Morette est ainsi devenue un lieu de culte avec son lot de controverses et de tentatives en ce sens. En compagnie du général Valette d’Osia, ancien résistant de Haute-Savoie qui avait rejoint le Front national, Jean-Marie Le A Pen est empêché par arrêté préfectoral de lui rendre hommage en novembre 1997.

« Vous direz au préfet que je le retrouverai après sa libération au tribunal correctionnel d’Annecy », a lancé le président du parti d’extrême droite aux gendarmes qui lui barraient la route, sous les applaudissements d’une petite organisation de militants. À Annecy, une manifestation a rassemblé 10 000 personnes, dont d’anciens résistants, opposés à l’arrivée du Front national.

« Il y a des barrières ou des fils rouges qu’il n’est pas nécessaire de franchir. Tant qu’on ne joue pas le jeu de la République, on n’a pas de position à Morette ou sur le plateau des Glières », explique Gérard Métral, président de l’association des Glières.

Le 4 mai 2007, le même accord qui permet de garder vivante la mémoire du pouvoir a refusé d’être mis en œuvre lorsque Nicolas Sarkozy, alors candidat à la présidentielle, est venu sur le plateau à la veille du second tour. héros de ma jeunesse, il y a Tom Morel », a-t-il déclaré aux journalistes.

Quelque chose qui prend une tournure plus politique à Petit-Bornand, lorsque le candidat prononce un discours qui ressemble à un meeting. « Ce qui est nouveau avec Nicolas Sarkozy, c’est qu’il est venu ici en tant que candidat. Cela a été perçu comme une sorte de réunion non publique. et l’appropriation partisane de la mémoire consensuelle des Glières. De toute évidence, cela a suscité la controverse. Il a brisé le consensus sur la mémoire en la transformant en un lieu partisan », explique l’historien Gil Emprin.

Nicolas Sarkozy est revenu aux Glières chaque année jusqu’en mai 2011, affirmant qu’il était « bouleversé » par ce lieu. « Le truc, c’est que j’ai eu une sorte de coup de foudre », explique l’ancien président dans une interview accordée à France. 3 Alpes. C’était mon premier arrêt aux Glières et je me suis juré que chaque mois de mai de mon quinquennat, je viendrais aux Glières car la rencontre entre la beauté du paysage et l’histoire dramatique de ce lieu, en fait un lieu inoubliable, irremplaçable et incomparable.

Cependant, après sa première visite, d’anciens résistants et quelques militants de Haute-Savoie organisent une manifestation pour protester contre cette appropriation. Plusieurs milliers de personnes, dont l’ancien résistant Stéphane Hessel, se rassemblent chaque année autour du monument sur le plateau. .

En mars 2019, à l’occasion du 75e anniversaire du maquis, le président Macron est venu y célébrer la « leçon d’honneur et de courage » du maquis. Dans la neige des Glières, ils n’étaient plus paysans, enseignants, ingénieurs, ouvriers, soldats, catholiques, juifs, communistes ; ils étaient des équivalents et des frères dans la lutte, tous résistants », a déclaré le chef de l’Etat dans son discours.

Des commémorations avec une mise en scène soignée. Car au-delà des hommages, l’intérêt politique n’est jamais loin. Mais l’esprit des Glières s’avère avoir triomphé, au-delà des clivages politiques. L’histoire des Glières est constante, tout comme sa mémoire », résume Gil Emprín. « Après ces années de polémiques, Les Glières occupent à nouveau un lieu de mémoire nationale, sans tensions commémoratives ou politiques. »

Quatre-vingts ans après la chute du maquis, Les Glières apparaît comme un vaste alpage non-violent où repose l’armée des ombres. Un espace préservé, un espace d’espoir, qui reste impassible face aux luttes partisanes.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *