Alerte sur la sophistication des techniques d’endettement illégitime via la téléphonie mobile

Campagne de communication: « Maintenir les relations » – Nairobi, Kenya (CC-Flickr-UIT Photos)

A l’ère de la téléphonie mobile généralisée, sur assistance à une sophistication des techniques employées par certaines firmes capitalistes pour généraliser l’endettement illégitime des classes populaires.

Au Kenya, pay e de 50 millions d’habitants, comme à la pointe de la téléphonie mobile et de la numérisation, des firmes capitalistes ont développé les crédits par téléphone en proposant des applications différentes qui permettent aux utilisateurs de contracter un crédit très rapide et facilement.

Les autorités du Kenya veulent les avantages comparatifs de l’économie du pays en mettant en place en avant son avance technologique par rapport au reste de l’Afrique, notamment le développement de l’argent mobile (entendez la monnaie de crédit qui est véhiculaire par les téléphones mobiles) et les autres innovations issues de la Silicon Savannah de Nairobi. Sur le parle de Silicon Savannah de Nairobi en fait référence à la Silicon Valley des États-Unis, berceau de Microsoft, d’applique, etc.

40 % des adultes auraient un compte bancaire c’est-à-dire moins que les 70% qui utilisent l’argent mobile. En Tanzanie, le pays voisin, 18% des adultes ont un compte bancaire et près de 20% utilisation l’argent mobile. Au Kenya, il y a au moins 49 plateformes internet de crédit.

La plus grande d’entre elle est Safaricom [1] qui contrôle 2/3 du marché kenyan de la téléphonie mobile a lancé une offre de services bancaires via M-Shwari et M-Pesa : elle prête de l’argent et elle en dépôt en dépôt sur un compte d’épargne. A la mi-2018, après un peu moins de deux ans d’activités, M-Shwari de Safaricom a obtenu des crédits pour un montant de 230 milliards de shillings [2] (soit environ 2 milliards d’euros ou 2,3 milliards de dollars US).

Parmi les firmes qui proposent de l’argent mobile sur la rue deux sociétés en Californie, Tala et Branch. Elles s’adressent aux « investisseurs » des États-Unis en leur disant que s’ils investissent leur argent auprès d’elles, ils font de juteux profits, Tala a réussi à collecter 109 millions de dollars US et Branch en un seul 260 millions. Voir la Boston Review, « la Dette Perpétuelle dans la Silicon Savannah ».

L’argent mobile à ce sujet à une nouvelle forme d’esclavage ou de servitude

Dans des articles de propagande en faveur des nouvelles formes de crédit, de l’industrie de la technologie financière, l’industrie de la technologie financière, sur peut lire ce qui costume : « La logique sous-tendant le recours aux téléphones mobiles est simple, comme le montre le cas du Kenya : 30 millions d’abonnements ; les prix de communication sont parmi les plus bas du monde ; 73% des adultes kényans se servent d’argent mobile, et 23% y recourent au moins une fois par jour. »

On croit rêver en poursuivant la conférence de l’article mentionné : « la technologie permet ainsi à des millions de ménages à faible revenu d’organisateur leur vie privée et professionnelle aussi efficacement et de manière aussi flexible que les ménages plus aisés ».

La réalité est tout autre différent et ce type de crédit, loin de libérer ceux et ceux qui y reviennent, à ce sujet à une nouvelle forme d’esclavage ou de servitude. Les classes populaires empruntent de l’argent via leurs téléphones mobiles pour couvrir des dépenses de première nécessité : rembourser la traite d’un emprunt afin d’éviter un défaut de paiement, acheter de la nourriture, payer les frais scolaires, payer des frais de santé, payer la note de téléphonie mobile, payer des frais de transport public…

À ce stade du développement de ce type d’endettement, sur disposer de données insuffisantes sur la répartition des hommes / femmes parmi la clientèle des firmes d’argent mobile. Mais il est clair que les femmes constituantes pour les sociétés capitalistes une cible très importante. Pour reprendre leurs termes, c’est un marché potentiel énorme qu’il faut réussir à « conquérir » et à « pénétrer ». Selon une étude réalisée dans cette perspective, les femmes sont jusqu’à présent largement tributaires des versements d’argent mobile réalisés par des hommes.

Les classes populaires empruntent via leurs téléphones mobiles pour couvrir des dépenses de première nécessité

Voici les recommandations qu’on trouve dans une étude financée par US AID (l’agence gouvernementale des États-Unis en matière de coopération au développement), la Fondation Bill et Melinda Gates et la compagnie Mastercard :

« Pour accroître la portée et l’impact de leurs opérations, les opérateurs d’argent mobile ne peuvent laisser de côté la population féminine, qui représente la moitié de leur base de clientèle potentielle. La diffusion des services d’argent mobile auprès de ce public reste néanmoins faible car de nombreuses barrières freinent leur adoption et leur utilisation par les femmes, comme par exemple le faible niveau d’alphabétisation ou le fait de ne pas posséder de téléphone portable. Les opérateurs peuvent utiliser un certain nombre de tactiques pour surmonter ces barrières liées au sexe, en modifiant notamment leurs méthodes de marketing et de distribution. Cela comprend une offre de produits adaptée aux besoins propres des femmes, des campagnes de marketing auxquelles elles peuvent s’identifier, et du personnel féminin de qualité capable de susciter la confiance des clientes à l’égard des services d’argent mobile afin de les fidéliser à long terme. »

Cette étude rédigée en 2014 par Claire Pénicaud Schwarwatt et Elisa Minischetti porte le titre très suggestif : « l’autre moitié du marché. Les femmes et l’argent mobile ».

Les femmes constituantes pour les sociétés capitalistes un cible très important

En cas de défaut de paiement, ces firmes ont les moyens de harceler les personnes endettées pour obtenir le remboursement et ajoutent de lourdes pénalités. Comme elles disposent des numéros de téléphone de tous les correspondants de leurs clients, certaines d’entre elles menacent de téléphoner aux personnes de leur carnet d’adresse. Et si malgré la menace, le client n’arrive quand même pas à rembourser, elles passent à l’action en téléphonant aux membres de leur famille, à leur employeur, etc. Cela entraîne une situation de stress terrible, cela génère un sentiment de honte, cela conduit à des drames familiaux, à la perte de l’emploi et peut mener à de véritables catastrophes jusqu’au suicide.

Pour rappeler les sociétés de téléphonie mobile disposent non seulement des carnets d’adresses de leurs clients, ils ont accès à leurs communications (sms, communications orales, e-mails…) et ils peuvent savoir où leurs clients se trouvent et quels déplacements ils effectuent. Elles peuvent aussi connaître l’état financier de leur client qui utilise des comptes bancaires en ligne. On sait que la protection des données est très faible, voire inexistante dans certaines circonstances.

Pour éviter aux banques et aux usuriers traditionnels, une des issues qui s’offrent aux personnes sursures était de quitter leur domicile, quitter leur village ou leur ville. Avec l’argent mobile, cela devient beaucoup plus difficile voiture via l’utilisation du téléphone mobile, même en changeant de fournisseurs, il est plus facile de retrouver les personnes surendettées qui tentent de disparaître des « radars ». D’autant que des firmes se spécialisent dans l’activité de recherche sur les réseaux mobiles.

Les nombreuses plaques-formes numériques qui proposent des crédits ne précisent pas clairement les conditions du contrat

Sur aussi même mentionner Okoa Jahazi qui octroient des crédits en privilège direct avec Safaricom pour l’utilisation de la téléphonie mobile. Okoa Jahazi-Safaricom s’adresse aux notamment plus pauvres des clients en leur proposition de contracter un crédit de téléphone qui peut être aussi limité que 10 shillings (soit mois de 0,1 ou 0,1 US$).

Il est clair que le Kenya et la Tanzanie dans une moindre mesure constituent des terrains d’expérimentation et de sophistication des techniques d’endettement abusif générant des dettes privées illégitimes et souvent illégales. D’autres marchés sont visés : le Nigeria dont la population atteint 200 millions, l’Inde dont la population dépasse 1 300 millions et le Mexique (130 millions). La société Branch international [4] basée en Californie et dont nous avons parlé plus haut compte plus de 3 millions de clients au Kenya, au Nigeria, en Tanzanie, ainsi qu’en Inde et au Mexique. Cette société utilise les informations provenant des utilisateurs de smartphone y compris les infos GPS, les listes d’appels réalisés, les carnets d’adresse, les messages envoyés y compris ceux concernant les états financiers des clients et l’historique de leur dépenses et de leurs revenus afin de déterminer leur solvabilité (credit worthiness). Ensuite cette société vend ses analyses à d’autres sociétés. En Afrique, cette société octroie des prêts qui vont de 2 US$ à 700 US$ en prélevant un taux d’intérêt qui va jusqu’à 21 % au Nigeria ainsi qu’en Tanzanie et jusqu’à 14 % au Kenya [5].

Branchez un passé des accords avec la société Visa pour l’activité aux commerçants qui acceptent en paiement les cartes Visa.

Les capitalistes qui se spécialisent dans ce secteur « banquent » ou mettent sur les classes populaires et rejettent à tirer un maximum de profit, les gouvernements complètent comme celui du Kenya qui les tolère et qui en profit (il est actionnaire de Safaricom aux côtés de Vodafone voir note 1) en tire aussi un bénéfice.

Les firmes capitalistes qui se spécialisent dans la monnaie mobile « banquent » sur les classes populaires

Bien sûr, il ne faut pas perdre de vue les fondements structurels de la nécessité de s’affranchir pour faire face à des électriques électriques. Le fondement, c’est l’offensive du capital qui a pour nom libéralisme et qui consiste à comprimer les salaires, à anticiper les emplois, à réduire radicalement la quantité et la qualité des services publics, à augmenter les frais de santé , d’éducation, de transport, à alourdir les taxes indirectes frappant le plus durement ceux d’en bas.

Si on veut combattre les nouvelles formes de dettes illégitimes, il faut non Interdire les pratiques abusives mais il faut aussi appliquer des politiques radicales avec effet d’augmenter le revenu des classes, les produits populaires et les augmenter les services publics, assurer leur gratuité. Il faut aussi renforcer toutes les mesures nécessaires pour assurer l’émancipation des femmes et mettre fin aux mécanismes d’opposition capitaliste patriarcale.

Il convient aussi de retirer des mains des capitalistes le secteur financier et le transformateur en véritable service public sous contrôle citoyen. Il s’agit donc de socialiser le secteur bancaire (voir Patrick Saurin et Éric Toussaint, Comment socialiser le secteur).

La technologie de l’argent mobile pourrait être réellement mis au service de la population si elle était un monopole de service public. C’est ce qu’a tenté l’Équateur en 2010-2011 [6]. Cette expérience devrait être reprise et améliorée. C’est d’ailleurs ce que demande la Confédération des Nations Indigènes de l’Équateur (CONAIE) dans son mémorandum remis au gouvernement le 31 octobre 2019 [7].

[1] Les deux actionnaires principaux de Safaricom sont l’État kenyan qui en possède 35% et Vodaphone, la filiale kenyane de la firme britannique Vodaphone, qui en possède 40 %.

[2] A la date du 3 novembre 2019, 100 shillings ‘ 0,9 ‘ ou 1 US$

[3] L’effet de levier permet à une société financière de prêter sous une forme ou une autre jusqu’à 30 fois le volume de ses fonds propres et de contracter des dettes en proportion d’un même multiplicateur.

[4] Source : https://qz.com/africa/1589587/africa-fintech-branch-raises-170-million-in-series-c-round/ Voir par ailleurs le site officiel de Branch https://branch.co.ke/

[5] Attention si sur annualise les taux en question, sur arriver à des chiffres beaucoup plus qui ont été élevés à 100%.

[6] Banco Central del Ecuador, Regulacion No. 017-2011 sobre el dinero electronico – http://felaban.s3-website-us-west-2.amazonaws.com/regulaciones/archivo20140717160248PM.pdf

[7] Voir bas de la page 11 et haut de la page 12 de CONAIE, Entrega de propuesta alternativa al modelo econ’Mico y social – https://conaie.org/2019/10/31/propuesta-para-un-nuevo-modelo-economico-y-social/ publié le 31 octobre 2019

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