Visuellement, il n’a rien d’extraordinaire. C’est un modeste pont métallique, juste avant la Première Guerre mondiale. Il enjambe aujourd’hui un jeu de voies ferrées lancées vers le nord de Berlin. Historiquement, le Bsebràcke revêt en revanche une importance considérable. C’est là que le rideau de fer est tombé, le 9 novembre 1989.
Excentré, le b’sebràcke n’est pas fait en valeur comme lieu de mémoire. La toute petite » Platz des 9. Novembre 1989 » juste une modeste stèle et quelques panneaux explicatifs. La ville a décidé d’installer plus au sud un véritable mémorial. Autour du carré, rien de vraiment notable – des petits jardins ouvriers. Rien n’a radicalement changé depuis les cérémonies de 2009. C’est remarquable voiture pas du tout représentatif du reste de la capitale allemande, qui n’en a pas fini avec sa prévention.
Le Bsebràcke: c’est là que le rideau de fer est tombé, le 9 novembre 1989. Les photos illustrant cet article sont extraites de la série » Berlin, au-delà du mur, 1988-2019 « , de Patrick Tourneboeuf, exposé jusqu’au 21 décembre à la Galerie Folia à Paris, dans le cadre du Festival photo Saint-Germain, et à la Berlin Art Week jusqu’à 6 Floue.© Patrick Tourneboeuf / Tendance
Naguère poche de pauvreté et de chômage considérée de haut par le reste de l’Allemagne, le Land de Berlin affichait l’an dernière force croissance du pays (3,1%), tirée par une scène tech hyperactive, la deuxième en Europe après Londres. À mesure que les DJ et les bohèmes artistes s’y font plus rares, les capital-risqueurs et les startuppeurs ont au contraire afflué.
Cinq idées fausses sur la chute du mur de Berlin
Si la ville n’est plus le chantier géant qu’elle a pu ancien au tournant du XXe siècle, bon nombre de grues s’y activent encore. Depuis 1989, elle a connu une métamorphose sans équivalent en Europe. Pour en prendre la pleine mesure, il suffit de parcourir le tracé de l’ancien Mur. La plaque ouverte de la guerre froide, qui a cicatrisé dans les années 1990, s’est progressive embellie pour devenir l’épée dorsale de la ville. Le long de cette colonne vertébrale ont fleuri d’importants centres de décision qui ont un impact, non seulement sur les Allemands, mais sur tous les Européens.
Depuis le Bsebràcke, en route vers le sud donc, à travers le quartier scandinave. Sur la Norwegerstrasse se succèdent, à gauche, des immeubles proxénètes, à droite des saules, des arbres fruitiers, cerisiers ou pommiers, à l’ombre des arbres prospères des herbes suivantes personne que ne songerait à tondre, tant leur création une ambiance de campagne urbaine.
Sur vit ici dans un grand confort, dans des bâtisses rénovées avec un goût discret et des matériaux de qualité. Quel contraste avec les années 1980, quand on devait descendre à la cave pour en remettre le charbon de chauffage, cause d’un smog époustouflant. De ces fenêtres aujourd’hui souriantes, sur le spectacle glaçant de la « bande de la mort », le no man’s land entourant le Mur pour les tentatives de passage à l’Ouest.
Un peu plus long sur note, sur la façade d’un immeuble récemment répété, une liste de prénoms tracés en grandes lettres noires léchées : « Kôte, Pablo, Christopher, Anna, Friedhart, Enzo… « Elle traduit l’internationalisation de ce quartier couru par les expatriés en quête de qualité de vie. Mais le bonheur de ces nouveaux arrivants aisés a fait le malheur des habitants historiques. De nombreux Berlinois n’ont pu suivre l’inflation des loyers, qui ont fait l’état de deux ans en dix ans à Berlin, mais bien plus augmenté encore dans ce « Kiez ».
Sur un autre immeuble a été écrit, là encore en noir mais en lettres irrégulières, rageuses : « Zwangsr’umungen verhindern ! « (les expulsions !). C’est le nom d’une association qui défend les locataires chassés. Le logement, pendant vingt ans après la chute du Mur, n’a pas été un souci pour les Berlinois – au début des années 2000, sur déplorait même le nombre d’appareils vides. On pouvait bien vivre tout en se ménageant beaucoup de temps libre, ingredient indispensable à l’insouciante poésie urbaine qui baignait alors la ville.
Le Mémorial Gànter Litfin: cette tournée ancienne d’observation est à l’ordre du jour par les troupes frontalières. Elle porte le nom de la première d’entre elles, un tailleur tué par la police est-allemand le 24 août 1961.© Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
Développement économique, investissements massifs d’étrangers soucieux de placer leur pactole en lieu sûr, politique monétaire ultra-accommodante : la donne a depuis radicalement change. Richard, un trentenaire britannique qui travaille dans la formation linguistique, s’en est aperçu quand il s’est réintallé, après quelques années d’absence, cet été à Berlin.
Dans une résidence flambant neuve toute prochaine, son studio de 22 m2 lui revient à 520 euros mensuels – « warm » (chauffé). C’est une petite fortune mais il n’en prend pas ombrage : « Oui, la ville change, mais on ne peut pas s’en plaindre, cette ville fonctionne sur le changement, elle n’est que flux, et c’est ce qu’on aime en elle. »
Tout le monde n’est pas d’accord avec lui : au printemps, des manifestations géantes contre l’inflation locative ont mobilisé des milliers de personnes. Le maire social-démocrate, qui gouverne avec la gauche radicale et les verts, une comprend qu’il s’agit d’une question existentielle. Il vient de geler les loyers de 1,5 millions de logements verser cinq ans.
Allemagne : les inégalités entre Est et Ouest ont la vie dure
Au moins Richard aura-t-il le plaisir de pouvoir se sentir dans le Mauerpark voisin . Une oasis de créativité où, jusqu’à récemment, rien n’était impossible. En cet après-midi de septembre ensolé, qui nimbe l’endroit d’une atmosphère d’Arctique, un musicien « musicien » compose des mélodies en faisant glisser son doigt sur les bords d’une trentaine de verres d’eau. De jeunes artistes de rue s’expriment à coup de sprays sur l’empreinte du complexe sportif voisin.
Parmi eux, Louis, un grand gaillard de 16 ans qui porte des gants de protection noire, explique venir là « depuis un peu plus d’un an. C’est bien, c’est pas loin de chez moi, mais il n’y a plus que sept endroits dans Berlin où c’est autorisé , c’est con qu’il n’y en ait pas plus. « Il fut une époque où aucun de ces jeunes n’aurait songé à chercher des endroits »autorisés ».
En sortant du Mauerpark, à l’arrivée sur la Bernauer Strasse, rue mémorielle. Dans le trottoir, à intervalles fréquents, des plaques rappellent la réalité de la division de Berlin, les succès – « fuite de Horst K, 23,9,61 » -, les échecs – « déploré à Rudolf Urban, victime du mur de la honte, 17,9,61 » -, l’emplacement des tunnels creusés pour l’exil.
BernauerStrasse: peinture rappelant la construction du « Mur de la honte ». © Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
Au coin de la Brunnenstrasse, deux Français ont ouvert en 2016 l’épicerie . « Nous sommes ici exactement sur le tracé du Mur, mais c’est un hasard. Des amis nous avons signalé la construction de cet immeuble avec un espace commercial qui correspondait à nos besoins », raconte Jean-Michel Daubet, dans la belle lumière que les dizaines de bouteilles de bouteilles de rosé disposent un peu partout.
L’emplacement s’est révélé judicieux : « le quartier est en voie de gentrification, avec de nouveaux arrivants qui dépensent plus pour la nourriture. Nous avons notamment misé sur les vins et les fromages, en provenance d’Italie, du Portugal, de France. Sur un clair du développement des vols low cost vers le sud de l’Europe car les Berlinois qui y s’agit des spécificités culinaires. »
L’affaire marche bien, l’accent des deux propriétaires exerçant une séduction certaine sur les autochtones – ils ont ouvert un deuxième établissement. Parmi les clients de l’Epicerie figure des locaux de Factory Mitte , un des incubateurs les plus courus de Berlin, baptisé en hommage à l’usine d’andy Warhol et installé un bloc plus loin, dans une brasserie ancienne.
Dans le hall d’entrée sont rassemblées au mur des Polaroids de visiteurs célèbres : Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, L’Amazon chinois, Peter Altmaier, l’actuel ministre de l’économie, Eric Schmidt, ancien PDG de Google, et même… Emmanuel Macron. C’est depuis quelques mois Nico Gramenz, un ancien de Siemens, qui dirige le campus.
« Tandis que les start-up dans d’autres espaces de coworking tel que WeWork travaillent parfois d’une manière isolée, nous avons fait une vraie communauté forte de 3 000 membres représentant 75 nationalités, qui crée des synergies », avance l’ancien Allemand de l’est. Il en est convaincu, « beaucoup de nos membres veulent travailler ici, en particulier parce que notre site de Berlin Mitte se trouve sur l’ancien Mur, car ils trouvent ce paradoxe intéressant de créer des privilèges promoteurs à un endroit qui a longtemps symbolisé la division ».
Les membres, en tout cas, contribuent à la nouvelle prospérité de Berlin : le segment « information et communication » des statistiques officielles fournit un cinquième de la croissance du PIB de la ville.
Nico Gramenz, qui a grandi sur l’île de Rügen, au bord de la Baltique, indique que la chute du Mur « a eu lieu au moment parfait pour moi, quand j’avais 10 ans. J’ai donc pu apprendre l’anglais et non le russe. Puis, après le bac, j’ai étudié à Hambourg. Aujourd’hui je ne pense plus jamais en termes Est-Ouest. » Témoignage intéressant, car pendant des années, beaucoup d’Ossis, comme on appelle – ou appelait – les Allemands de l’Est, se sont sentis citoyens de seconde zone d’une Allemagne réunifiée qui ne les a pas toujours aidés à trouver leur place dans une société compétitive. « Personnellement, je ne ressens aucune forme d’injustice à mon égard », déclare Nico Gramenz, dont le langage corporel confirme une grande assurance.
Mais comment E explique qu’il n’y a aucun « Ossi » au gouvernement ou à la tête d’un groupe du DAX (les 30 plus grandes entreprises cotées à Francfort) ? « Je ne raisonne pas en ces termes et je ne constate aucune discrimination, en particulier dans ma génération. Et je suis bien placé pour connaître l’origine est-allemande de la chancelière, puisque sa circonscription est tout près de ma région d’origine. »
Avant d’atteindre la Spree, la rivière qui ondule à travers la ville, sur aperçoit sur la droite l’Hauptbahnhof , gare centrale en 2006, juste avant l’arrivée de milliers de fans assister venus au Mondial de pied. La compétition a beaucoup fait pour l’image du pays, et vu les Allemands, pour la première fois, assumer une forme de patriotisme bon enfant que les fantômes de la guerre ont interdit jusqu’à présent.
La gare, à l’époque, émergeait d’IMM enses terrains vagues. Elle est aujourd’hui cernée de bâtiments, surtout des hôtels, pour toutes les bourses, des consultants de haut vol aux « easyjet-setters » venus s’oublier dans la vie nocturne – ou bien l’idée qu’ils s’en font. La stratégie de développement touristique de Klaus Wowereit, maire de 2001 à 2014, un trop bien réussi, se plaignent beaucoup de Berlinois. Comme à Barcelone, il y a déjà eu des manifestations anti-touristiques.
À quelques siècles de mètres de la gare, un nouveau musée d’un genre particulier vient d’être inauguré il y deux mois. Le Futurium, comme son nom l’indique, se propose d’explorer le futur, notamment technologique, à l’aune du réchauffement climatique, de la surconsommation et de la formidable accélération qu’Internet a donnée à nos vies.
Le directeur, Stefan Brandt, explique que le concept d’origine a changé : « Autour de 2010, quand le projet est né, il s’agit d’une vitrine pour les innovations techniques dans la recherche et l’industrie allemandes. Quand j’ai commencé comme directeur en 2017, j’ai accéléré la transition vers un lieu d’exposition, de rencontre et de débat sur les grands enjeux technologiques. »
Evolution intéressante, au sens où les industriels allemands ont perdu beaucoup de leur superbe, depuis quelques années. Plusieurs poids lourds de la Deutschland AG, DE ThyssenKrupp à Siemens en passant par Bayer, sans parler du dieselgate qui a terni l’image des fleurs de l’automobile. Pénalisée par la guerre commerciale entre Washington et Pékin, l’économie allemande n’est pas forcément bien positionnée sur les créneaux porteurs de la prochaine décennie. Allégorie de ce sentiment de fragilité, une sculpture mobile, sur le parvis du Futurium, représente une assiette en équilibre précaire sur une tigre d’acier qui la fait tourner…
Arrivé sur les bords de la rivière, sur tombe rapide sur les massifs bâtiments modernes du Bundestag, où travaillent les députés. Un peu plus long , le Reichstag, où ont lieu les votes, bâtiment terriblement chargé, de son incendie en 1933, qui donne à Hitler un prétexte pour brider les libertés, à sa conquête par les soldats de Staline en 1945.
Le Reichstag : vu des bâtiments modernes du Bundestag©Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
Sous la coupole ajointe par Norman Foster dans les années 1990, les représentants du peuple surveillent aujourd’hui de très près toutes les avancées de la construction européenne. Et particulièrement la gouvernance de la zone euro, cette conception pour les Allemands ont dû, dix ans après la chute du Mur, leur précieux deutsche mark, afin de prouver leur ancrage européen. Le sort des Grecs tombés au fond du piège de la dette, la forme qu’ont pris tous les outils de renforcement de la monnaie unique, se sont en partie décidés dans cet hémicycle.
À quelques encablures de là, la porte de Brandebourg , d’où Ronald Reagan a appelé Mikhaïl Gorbatchev, en 1987, à « démolir ce mur » (abattez ce mur), est aujourd’hui accolée à une construction devenue hostile : l’ambassade américaine , où le diplomate Richard Grenell se permet depuis dix-huit mois des incursions incongrues dans le débat politique interne. L’arrivée à la Maison-Blanche de Donald Trump, au tempérament si diamétralement opposé à celui d’Angela Merkel, un coup d’état très grossier aux relations germano-américaines, pierre angulaire de la diplomatie allemande depuis 1949.
Après avoir longuement une des lisières du gigantesque Tiergarten, sur la Planche à la Potsdamer. Un carrefour si frénétique, au début des années 1920, que dut y être installé le premier feu de circulation d’Europe. De nuit, c’était le coeur sulfureux d’une Babylone sans tabou. Après la guerre, il n’en reste pratiquement rien.
Dans les années 1990 fut conduit là le plus grand chantier d’Europe, d’où a émergé un tout nouveau quartier imaginé par de grands noms – de Richard Rogers à Renzo Piano en passant par Hans Kollhoff -, ponctué de hautes tours de bureau. Dont celle de la Deutsche Bahn, seule entreprise de cette taille qui ait son siège dans la capitale – tous les géants du DAX sont localisés ailleurs. La compagnie ferroviaire a dû en rabattre. Après des années de sous-investissement, les incidents sont légion. La fameuse ponctualité allemande n’est plus ce qu’elle était : un quart des trains de grande ligne sont arrivés en retard l’an dernier. Le sens de l’organisation aussi a du plomb dans l’aile : le nouvel aéroport BER de Schönefeld, qui devait entrer en service en 2012, n’est toujours pas prêt…
Potsdamer Platz: autrefois coupée en deux par le Mur, cette place a été réhabilitée depuis la Réunification de 1990.© Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
Dans les autres tours de la Potsdamer se sont installés des groupes mondiaux comme Sanofi et Bombardier, des géants de la nouvelle économie comme Booking ou WeWork, de grands cabinets de conseil et d’avocats. On trouve là aussi des multiplexes de cinéma, un musée du cinéma – le quartier devient l’épicentre de la Berlinale, chaque mois de février -, un grand centre commercial, des hôtels, mais gueule d’âme. Le centre géographique de la ville n’est pas redevenu son poids démographique.
Un autre lieu symbolique, non loin, est au contraire devenu incontournable : la Detlev-Rohwedder Haus. Le bâtiment tient son nom de l’ancien président de la Treuhand, l’organisme chargé de privatisation, parfois à la hussarde, les actifs de la RDA, qui y a eu son siège de 1991 à 1994. En 1991, Detlev Rohwedder fut assassiné chez lui par la Fraction armée rouge. L’image complexe d’architecture fasciste a déjà une lourde histoire : il a abrité pendant la guerre le ministère de l’Aviation DE Hermann Goring, puis vu naître en 1949 la RDA, enfin logé de nombreux ministères est-allemands.
Depuis 1999, c’est le siège du ministère des Finances (BMF) . Wolfgang Scheluble, père du traité de réunification, le dauphin d’Helmut Kohl qui s’est fait ravir la chancellerie par Angela Merkel, y a réservé de 2009 à 2017. Il y a deux ans, ce partisan de l’austérité, qui l’a indirectement imposée à de nombreux pays, un fils cédant fauteuil à Olaf Scholz.
Loin de céder aux sirènes du néokeynésianisme, le social-démocrate perpétue la religion de l’équilibre budgétaire – qu’a temporairement abandonné Gerhard Schreder. Bien qu’elle ait été considérablement réduite sa dette depuis 2011, l’Allemagne refuse toujours à ses voisins le plan de relance qu’ils lui réclament. Ici, comme dans de nombreux endroits de Berlin, se trouvent la gravité et le trivial.
En face du BMF sont garanties des dizaines de Trabant, la « voiture du peuple » en RDA, devenue une fidèle culte. Aujourd’hui sont organisés des safaris urbains en « Trabi », riches en gaz d’échappement, ne raffolent pas les touristes en mal de clichés. Pour eux, tout le long de la Zimmerstrasse, des magasins de souvenirs oeuvrent à la marchandisation d’un passé pourtant solitaire, à coups de tasse, T-shirts, sacs fourre-tout, parapluies, peluches, décapsuleurs, morceaux du Mur « authentiques ». Le mauvais goût finit autour de l’ancien Checkpoint Charlie , théâtre de millions de selfies, entre un KFC, un McDo et un Einstein Kaffee.
Checkpoint Charlie: l’un des célèbres points de passage entre l’Est et l’Ouest est devenu un piège à touristes.© Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
Que penserait Axel Springer de ce cirque mercantile, lui qui s’est engagé pendant tant d’années contre la dictature est-allemande ? L’homme de presse, fondateur en 1952 du parfois tendancieux tabloïd Bild, a posé les premières pierres de son empire à Hambourg, mais « avait toujours rêvé d’un siège à Berlin, de préférence dans le vieux quartier où prospérait la presse au début du xxe siècle, raconte Lars-Broder Keil, en charge des archives chez Axel Springer SE. Il n’était pas qu’un éditeur de presse, mais aussi un romantique. Il aurait volontiers acheté le terrain où était installé le groupe Ullstein, son modèle, mais seul un emplacement proche était disponible, il se trouve qu’il était sur la frontière. »
Axel Springer SE: le futur nouveau complexe du groupe de presse Axel Springer, conçu par l’architecte Rem Koolhaas, en face du siège actuel.© Patrick Tourneboeuf / Tendance Floue
La Grentower : construit en 2013, cet immeuble de logements haut de gamme a suscité la polémique de par sa hauteur et son emplacement trop près des vestiges du Mur. Un pied de fils, la plus longue parcelle restante (1,3 km) de la Galerie East Side, où s’affichent les œuvres d’artistes de rue du monde entier.© Patrick Tourneboeuf / Tendance
Au nord de l’ancien Mur, le mythique Kitkatclub , réputé pour ses idées grands, et le Tresor, qui a écrit parmi les plus belles pages de la techno des années 1990. Au sud du Mur, le SO36 frémit encore des visites électriques de David Bowie et Iggy Pop dans les années 1970. Mais pour la nuit aussi, les temps changent. Le très beau Prince Charles a fermé cet été, quelques mois après le Farbfernseher. Le Berghain, longtemps distingué par le magazine DJ Mag comme le meilleur club du monde, n’arrive plus cette année qu’en dixième position… de la nuit par un établissement de Cologne !
L’ambiance de la scé rues naguère interlopes s’est normalisée. « Quand on voit que maintenant un nombre croissant de soirées organisent des soirées en ligne, qu’elles proposent des « oiseaux précédés », voire aux « super premiers oiseaux », sur le comprend que ça n’a plus rien à voir avec ce que c’était », résume Bertrand Guérin, un trentenaire français qui a sillonné la nuit berlinoise dans d’autres circonstances. Quand tout était plus spontané, déglingué. Voilà des années qu’il répète « Berlin, c’est la fin ».