L’économie des gilets jaunes à obtenir plus de services publics et à payer moins d’impôts se révèle légitime et cohérente
La naïveté de l’Europe libérale ne lui a pas permis de voir que ni les Américains, ni surtout les Chinois ne pratiquaient un libéralisme aussi « pur ». Avec la bénédiction de benêts comme Jean-Claude Juncker, des pans entiers d’industries stratégiques ont ainsi pu passer sous pavillon américain ou chinois. Le savoir-faire des turbines nucléaires d’Alstom appartient désormais à General Electric ; le dumping chinois sur les prix du photovoltaïque a tué leurs concurrents européens ; Siemens et Alstom n’ont pu constituer le champion européen du ferroviaire au nom de règles ubuesques. Une philosophie antitrust qui n’a pas beaucoup perturbé les Américains dans la création de monopoles autrement plus inquiétants, les GAFAM… Ce ne sont donc pas les arguments qui manquent pour critiquer le libéralisme économique bruxellois.
Nombre d’Européens des classes moyennes constatent par-dessus le marché (!) que cette mondialisation dérégulée a permis aux multinationales comme aux plus fortunés d’échapper en partie à l’impôt. Le coût élevé du système de protection sociale de l’Europe repose ainsi de plus en plus sur ses PME et ses personnels issus du secteur privé. Les mêmes se voient exposés aux vents glacés de la globalisation, de la concurrence exacerbée du coût horaire du travail et de ses délocalisations. Tandis que salariés du public, de banques multinationales ou retraités, ils sont des millions à être protégés par notre modèle social taillé sur mesure par eux et pour eux. Enfin, qu’ils paient des impôts ou vivent des minima sociaux, l’arrivée massive d’une immigration illégale, africaine, musulmane et masculine ne leur a pas échappé – ni la complaisance des autorités européennes à son égard. Ce libéralisme sociétal se nomme également progressisme et il se manifeste dès qu’une minorité sexuelle ou ethnique pointe à l’horizon. La liberté de circulation des hommes et des marchandises semble par ailleurs menacée par le défi écologique — combien de temps encore allons-nous faire venir à Paris des fraises du Chili ou des Français en shorts à Angkor ?
On peut en effet dénoncer le libéralisme de la Commission européenne tout en se révoltant contre la dérive des finances publiques françaises. Notre pays s’affirme année après année, comme le champion du monde des impôts tout en offrant des services publics dégradés, voire inexistants dans certains secteurs de relégation rurale ou urbaine. Il existe par exemple, au cœur de Nantes, le « hangar à bananes » – une ancienne friche industrielle reconvertie en aire de festivités nocturnes (restaurants, bars, clubs…). Pour y accéder, on doit passer par ce que des gamins de vingt ans ont surnommé « le couloir de la mort » – une zone d’agression connue de tous. Comment comprendre que la sixième ville de cette Nation championne de la dépense publique n’ait pas les moyens de mettre en place une patrouille de police pour sécuriser ce scandaleux « couloir de la mort » ? Les Nantais, à l’image des Français, n’en ont pas pour leur argent. On ne peut accepter ces tribunaux délabrés, ces prisons insalubres, ces commissariats en ruine lorsqu’on sait que 56,4 % des richesses créées sont censées financer notre modèle social – mais pas des patrouilles de police. Croire qu’il ne faut pas toucher aux retraites ou qu’il suffirait d’augmenter les impôts des riches et de recruter autant de fonctionnaires qu’il y a de chômeurs, c’est s’appeler Nicolas Maduro et rêver d’étendre à la France la famine bolivarienne.