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Les Européens ne peuvent pas «se cantonner à un rôle de spectateurs» face à la course aux armements nucléaires, a-t-il lancé dans un discours très attendu sur la dissuasion française devant un parterre de ministres, d’officiers et d’attachés de défense à l’École militaire à Paris.
«La dernière décennie a vu les équilibres stratégiques, politiques, économiques, technologiques, énergétiques et militaires largement remis en cause et nous voyons aujourd’hui poindre à nouveau ce qui pourrait mettre à mal la paix acquise après tant de drames sur notre continent», a-t-il averti faisant référence aux bouleversements post-Guerre froide.
Les questions européennes
Ce discours est un exercice imposé pour chaque président français, chef des armées et décideur ultime du feu nucléaire, considéré par la France comme la garantie ultime de ses intérêts vitaux. Mais plus que sur la dissuasion française, le président Macron a mis l’accent sur les enjeux européens et sur le débat moral autour de l’arme nucléaire.
Le monde est confronté à «une compétition globale entre les États-Unis et la Chine», à un «délitement accéléré de l’ordre juridique international» et une désintégration de l’architecture de contrôle des armements en Europe, autant de défis auxquels les Européens doivent, selon Emmanuel Macron, répondre par une «plus grande autonomie stratégique».
«La France est convaincue que la sécurité à long terme de l’Europe passe par une alliance forte avec les États-Unis», a-t-il insisté, soucieux de rassurer des partenaires européens très attachés à l’Otan et ébranlés par ses propos sur la «mort cérébrale» de l’Alliance atlantique. «Mais notre sécurité passe aussi, inévitablement, par une plus grande capacité d’action autonome des Européens».
INF Traité dénoncé par Washington
La récente dénonciation par Washington du traité russo-américain de 1987 sur les armes nucléaires de portée intermédiaire (INF), qui interdisait les missiles d’une portée de 500 à 5500 kilomètres, place de nouveau l’Europe au coeur d’une potentielle course aux armements.
«Les Européens doivent être partie prenante et signataires du prochain traité, car il s’agit de notre sol et d’une discussion qui ne doit pas passer par dessus notre tête», a martelé Emmanuel Macron.
Washington menace en outre de ne pas renouveler le traité New Start sur les armements stratégiques nucléaires, conclu en 2010, après son expiration en 2021.
« Sans précédent » de la discussion
Pour les Européens, une telle discussion serait «inédite», les négociations ayant eu lieu jusqu’ici entre les seuls Russes (ou Soviétiques) et Américains, relève Benjamin Hautecouverture, expert à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) à Paris. «Est-ce que Moscou et Washington accepteront ?», s’interroge-t-il toutefois, en notant que les Européens ont sans doute« plus de poids et de »marge de manoeuvre« sur les armements conventionnels.
Emmanuel Macron a aussi proposé à ses partenaires européens »un dialogue stratégique« sur »le rôle de la dissuasion nucléaire française« dans la sécurité collective de l’Europe. La France est le seul pays de l’UE doté de l’arme atomique depuis le Brexit.
Un tel dialogue peut par exemple passer par des exercices communs de dissuasion – le chef de l’Etat a invité les Européens à participer à ceux des forces françaises – ou l’utilisation de bases européennes par les forces stratégiques françaises.
Une « éthique » débat
»Les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension européenne«, a souligné Emmanuel Macron, gravant dans le marbre une corrélation restée jusque-là plus implicite chez ses prédécesseurs.
Le chef de l’État a par ailleurs »reconnu l’existence d’un débat éthique autour des armes nucléaire«, en écho aux propos du pape François à Nagasaki, mais jugé irréaliste à ce stade l’objectif d’élimination complète de ces armes. »Le choix n’est pas entre un absolu moral sans lien avec les réalités stratégiques, et un retour cynique au seul rapport de forces sans le droit«, a-t-il dit.
La France, qui prône une dissuasion »strictement suffisante«, a »réduit la taille de son arsenal, aujourd’hui inférieur à 300 armes nucléaire«, a-t-il souligné. Pour autant, »elle n’adhérera pas à un traité d’interdiction des armes nucléaires », a-t-il dit, en référence à celui voté par l’Assemblée générale des Nations-Unis en 2017. (ats/nxp)
Créé: 07.02.2020, 11:58 heures
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