« Amazonia » de Patrick Deville : exploration littéraire au coeur du pays d’Aguirre

« Amazonie » 

de Patrick Deville 

Editions Le Seuil, 306 pages

Parce qu’en effet, suivant ses méandres sans perdre son fil rouge, Amazonia c’est l’histoire d’un fleuve gigantesque, irriguant le poumon de l’humanité, une immense réserve naturelle, la place des plus grandes confrontations  entre les anciens et les modernes, entre le bon sauvage et ses « amazones » dénudées et un colonisateur vertueux venu d’Europe, brandissant sa croix de la bonne conscience ; de Manaus à Belém, d’Iquitos à Guayaquil,  de la Cordillère des Andes aux Galapagos , les Deville, Patrick et Pierre, le père et le fils, nous font découvrir sur les pas du Claude Levi-Strauss de Tristes Tropiques et du Charles Darwin du Voyage de Beagle, l’histoire, les peuples et le territoire d’une Amazonie ardente et foisonnante, tirant, au passage la sonnette d’alarme d’un « monde atteint par la folle destruction de l’environnement. « 

– La mise en perspective du monde contemporain avec les grands évènement de la France et de l’Europe des conquêtes du Gabon au Congo, du Mali à Madagascar, de la Polynésie  aux collines de l’Annam à la rencontre de Yersin, élève de Pasteur, vainqueur de la peste, introducteur de l’hévéa en Indochine. Tout est dans tout, la boucle est bouclée. On fera notamment connaissance avec l’immense géographe  Alexander von Humboldt,15 000 kms en pirogue, l’homme le plus haut du monde en 1802 (6200 m), dit le second découvreur de l’Amérique ; on retrouvera bien sûr Aguirre et Fitzcarrald, Joseph de Jussieu ou Charles Marie de la Condamine et bien d’autres savants , découvreurs, humanistes en tous cas.

– Un roman historique donc, mais surtout un livre visuel qui parle à tous nos sens, et qui nous plongeon dans un bain d’exotisme où la nature exulte à l’unisson de la soixantaine d’espèces d’oiseaux qui y vivent et ne l’auteur salue pas « le goût du nom et de la beauté du plumage » : tyran des savanes, vanneau zéro et kamichi cornu, carouge loriot, caracara, dendrocyne à bec rouge, tyran mélancolique terreur des rapaces… Les images nous sautent aux yeux, notre imagination galope !

Il faudrait lire l’Amazonie d’une main, l’autre feuilletant des nations unies atlas, pour ne pas se perdre.

Mais il n’a pas que son sac de marin comme bagage ; deux maîtrises de littérature comparée acquises à Nantes, un CAPES de philosophie, une chaire d’enseignement à l’étranger… et une plume qui le taraude. Une vingtaine d’ouvrages à son actif depuis  Longue vue (1988), La Femme parfaite (1995), Pura Vida (2004) et surtout les premiers romans de la série  d’Abracadabra que sont  La Tentation des Armes à feu,  Equatoria, Kampuchéa (meilleur roman français de l’année selon le magazine Lire), La Peste et le Choléra, les deux sur fond de hauts plateaux d’ Indochine ; La Peste et le Choléra lui vaudra le Prix Femina en 2012 et, enfin, une large audience. Depuis il a écrit Taba Taba (2017), plus personnel et engagé, ouvrage très apprécié par un chroniqueur de Culture-Tops notamment.                              

Inclus, c’est Patrick Deville qui dit : « Je sais que les écrivains sont des migrants en quête de contrées lointaines où ne pas assouvir leurs rêves. Tous les écrivains sont des navigateurs ahuris dans la brume ».

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