Avec le kabuki, les drag queens au Japon n’ont pas attendu RuPaul pour exister

ART-du secteur des cosmétiques au milieu de la mode, en passant par le petit écran. Les drag queens sont partout. Comme le souligne l’écrivain américain Simon Doonan dans son ouvrage « Drag, la folle illustrée histoiree des vraies », qui trice ce vendredi 8 novembre en librairie, elles fascinent. Et ce, depuis plus long qu’on ne le croit.

Si le succès de la télé-réalité « Rupaul’s Drag Race » marque de toute évidence un tournant clé dans la démocratisation de cet art du travail, ce-ci n’a pas attendu Netflix pour exister. Au Japon, sur la pratique depuis plusieurs centaines d’années. Il est au cœur du kabuki, un genre théâtral né au début du XVIIe siècle.

Factuellement reconnaissable par sa scène, munie d’un plateau tournant et d’une passerelle entre les spectateurs, permettant aux acteurs de sortir des loges et de faire une entrée majestueuse, cet art dramatique d’un répertoire dense. Il oscille entre la comédie, le drame, les histoires de famille, d’amour ou même de fantômes. Mais surtout, il est uniquement joué par des hommes.

« À l’instar de l’Opéra de Pékin, le kabuki [« ka » pour chant, « bu » pour danse et « ki » pour l’art du jeu, NDLR] connaît de longs atermoiements quant aux rôles féminins. Acteurs ou actrices ? Comme toujours, les femmes sont flouées », écrit le critique de mode. En 1628, elles n’ont plus le droit de monter sur scène. Elles sont assimilées à des « femmes de plaisir ». 

Alors que les troupes deviennent exclusivement masculines, une nouvelle forme de féminité au XVIIIe siècle. C’est l’original, un type de personnage qui désigne à la fois le rôle et l’acteur. Maquillage, costume, gestuelle, registre et voix sont codifiés avec l’arrivée d’un certain Yohizawa Ayame, considéré comme le plus grand travesti de son temps. « Il/elle encourage les interprètes à se composer en femme à la ville, comme à la scène », explique Simon Doonan.

Même si des commissions spéciales se sont penchées sur la question à l’aube du XXe siècle, la tradition est maintenue. Certains acteurs, les plus progressistes, se disent favorables au retour des femmes. « Je verrais sans problème des comédiennes sur scène », a affirmé à l’AFP comédien le comédien Nakamura Schichinosuke II avant une représentation au théâtre national de Chaillot, à Paris, en 2018.

Un avis que Nakamura Shido II, l’un de ses partenaires de scène, ne partageait pas. L’essence même de cet art réside dans le jeu des hommes, selon lui. « Il s’agit justement d’apprécier l’ingéniosité d’une interprétation féminine par un homme. Sur l’essai de montrer de la féminité sans être femme », prétendait ce dernier.

Comme chez les drag queens, il ne s’agit en rien d’une représentation réaliste de la femme, mais «plutôt une vision idéalisée et magnifiée», si ce n’est stéréotypée, note le site de Vivre le Japon. Une démarche que l’on retrouve aujourd’hui tout particulier chez Bandô Tamasaburô, acteur « le plus génial de tous les temps » selon Simon Doonan. « Ses prouesses sur scène, torsions arrivée et mouvements en huit juché sur ses greta noires laquées de 2centimètres de haut, demeure insurgés », confie l’Amateur.

Grand connaisseur de la discipline, il ajoute toutefois que « les dames tiennent leur revanche » avec la revue Takarazuka. Fondée en 1914, elle s’organise autour d’une troupe de drag kings. Ces derniers vivent en homme. Ils parlent d’eux au masculin et ensemble ils évoquent « le genre sous un angle ludique au moyen de toute considération hétéronormative ». Des nations unies point partout.

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