Dans l’attente d’une doctrine claire, la Commission nationale de l’informatique et des libertés a vivement critiqué le projet de deux lycées d’utiliser des dispositifs de reconnaissance faciale. Une technologie déjà déployée il y a quelques mois du carnaval de Nice selon des modalités décrites dans un rapport consulté par la Croix.
Les critiques n’ont pas tardé. « Triste et incompréhensible de la part de la Cnil qui semble bloquée au XXe siècle. « »Cette décision un siècle de retard. « La première phrase est de Renaud Muselier, le président de la région Paca, la seconde, du maire de Nice, Christian Estrosi.
Une application de reconnaissance faciale fait polaire
Dans le viseur des deux élus LR : l’avis rendu fin octobre par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) sur l’utilisation de la reconnaissance faciale dans deux lycées de la région. La Commission s’oppose à l’emploi de l’installation de portiques de reconnaissance faciale, destinée à contrôler les entrées et sorties des lycéens.
Dans son avis, qui n’est pas contraignant mais dans lequel elle estime que « ce dispositif ne saurait être légalement mis en œuvre », la Cnil s’appuie en particulier sur deux principes - la « nécessité » et la « proportionnalité » -, selon lesquels l’utilisation d’un outil exploitant des données personnelles doit être justifiée par le but poursuivi. « Il apparaît que cette finalité, qui est de sécuriser et de fluidifier les entrées au sein des deux lycées considérés, peut incontestablement être raisonnablement atteinte par d’autres moyens, comme par exemple un contrôle d’accès par badge ou encore par la présence de surveillants à l’entrée des lycées », explique la présidente de la Cnil, Marie-Laure Denis, dans une lettre envoyée à Renaud Muselier et publiée par le site spécialisé Next INpact. Elle insiste à plusieurs reprises sur le fait que les individus concernés sont mineurs.
Carnaval de Nice, ce que contient le rapport sur la reconnaissance faciale
Ce n’est pas la première fois que la Cnil doit se prononcer sur l’utilisation de tels portiques à l’entrée de lycées. L’utilisation de la reconnaissance faciale monte en effet en puissance sur le territoire, à tel point que la Commission devrait publier d’ici à la fin décembre un document spécifique sur la question. Une manière pour l’institution de se défendre face à ceux qui l’accusent de freiner des quatre fers face aux nouvelles technologies. « Il y a une nécessité de formaliser une doctrine qui tienne la route, explique un expert, bon connaisseur des rouages de la Cnil. Il y a quelques années encore, l’utilisation de cette technologie était limitée aux aéroports. Mais avec la baisse des coûts, les progrès technologiques et la multiplication des entreprises de sécurité privée, on est en train de changer d’échelle. »
Si l’avis de la Cnil provoque des tensions, c’est qu’il s’inscrit dans un contexte de relations tendues avec certains élus du sud de la France. En particulier Christian Estrosi, le maire de Nice, qui plaide depuis plusieurs années pour une révision de la loi limitant l’utilisation de la reconnaissance faciale (lire les repères).
Dernière expérimentation en date, celle du carnaval de Nice, en février 2019. Avec des résultats qu’il entend promotion. Dans un rapport d’une quarantaine de pages envoyé à la Cnil et que la Croix a consulté, la municipalité plaide pour « la sécurisation des espaces publics », dans un contexte d’un terrorisme.
Ce document fait état des résultats des logiciels pour reconnaître une quarantaine de volontaires dans une foule de 5 000 personnes, toutes consentantes à l’expérimentation. Pour ce qui est du rapport niçois, le logiciel a non seulement été capable d’identifier une personne dans une foule, mais aussi de reconnaître un individu à partir d’une photo prise il y a quarante ans.
Des résultats spectaculaires aussi atteints de la nuit, ou dans le cas de jumeaux : « les deux jumeaux sont rentrés dans la zone ; Seul le jumeau don’t la photo a été fournie a été reconnu, le second n’a jamais été reconnu », peut-on lire dans le rapport. Qui regrette que l’expérimentation n’a pu être menée que « sur une partie de l’une des entrées du carnaval, et non à l’échelle entière de la manifestation ». Des arguments qui plaident, selon la ville de Nice, pour un changement de la loi… Et sur lesquels la Cnil devra se positionner d’ici à la fin de l’année.
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Ce que dit la loi française
Comme tout système exploitant des données personnelles, l’utilisation de la reconnaissance faciale à une réglementation stricte, don’t la loi «informatique et liberté» de 1978 et le règlement européen de protection des données (dit « RGPD ») entré en vigueur en 2018.
La reconnaissance faciale est par principe interdite, sauf exceptions, comme quand la personne est consentante ou en cas de « motif d’intérêt public important ». Celui-ci « doit être proportionné à l’objectif poursuivi ». C’est le cas dans les aéroports.
La reconnaissance faciale échappe aussi à l’interdiction en cas d’utilisation dite « domestique », comme quand elle est intégrée dans un téléphone ou un ordinateur.
Dans un rapport consulté par la Croix, la ville de Nice vante les résultats de l’expérimentation, lors de sa dernière…
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