Les Kurdes « ne nous avons pas aidés » pendant la Seconde Guerre mondiale : pourquoi Trump se trompe

La petite phrase d’un interloqué, parfois choisi. Pour justifier l’absence de réaction américaine à l’offensive turque dans le nord-est de la Syrie, Donald Trump a expliqué que les Kurdes n’avaient « pas aidé » les États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale et le « D-Day » en Normandie. Affirmant s’appuyer sur « un article très très puissant », une tribune de Kurt Schlichter, un ancien militaire, publié sur le site « conservateur » Townhall, le président américain a développé son argumentation… mais en réécrivant l’histoire. 

« Les Kurdes se battent pour leurs terres, il faut que vous ayez fait », a-t-il lâché, avant d’expliquer pourquoi il n’envisage pas de leur apporter un soutien militaire. « Ils ne nous avons pas aidés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ne nous avons pas aidés en Normandie, par exemple ». Certes, Trump a raison de dire que les Kurdes n’ont pas pris part au en Normandie le 6 juin 1944. En revanche, la première partie de sa justification, elle, est erronée. Contrairement à ce qu’a évoqué le président des États-Unis, des soldats kurdes ont bien participé à des opérations fomentées par les Alliés pendant ce conflit mondial. 

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« Les Kurdes se sont battus du côté des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale. Ils ont aidé à briser le siège à la suite du coup d’état pro-nazi de 1941 en Irak et fait partie des lévies irakiennes pro-Alliés. En 1942, les Kurdes ont 25% de cette force. En 1943, 10 des 44 compagnies étaient kurdes », a certifié sur Twitter l’historien britannique Akil Awan, membre de l’Université Royal Holloway de Londres.

Les Kurdes ne sont officiellement souverains sur aucun territoire. Ils se retrouvent dispersés sur une vaste région répartie entre la Turquie, l’Iran, l’Irak sous protectorat britannique et la Syrie sous protectorat français.

Engagés dans les campagnes d’Irak et d’Italie

Au printemps 1941, le Royaume d’Irak, indépendant mais maintenu sous la tutelle britannique, bascule. Le Premier ministre irakien, Rachid Ali al Gaylani, renverse le roi régent Abdul Illah. Il prône alors un rapprochement vers l’Allemagne nazie. À l’époque, le Troisième Reich se présente dans sa propagande comme le libérateur des peuples arabes. Soutenu par un groupe d’officiers pro-nazis, le Carré d’or, le coup d’État diligenté par Ali al Gaylani aboutit. Les Alliés réagissent rapidement avec les « lévies », une force militaire irakienne créée en 1921 et composée de Kurdes et d’Assyriens. Le conflit est éclair. En deux mois, malgré l’appui aérien de la Luftwaffe, la guerre anglo-irakienne tourne à la déroute pour le régime pro-nazi. 

Mais leur contribution à l’effort collectif durant la Seconde Guerre mondiale va plus longue. Dans un article du 9 septembre 1943, le correspondant de The Scotsman « quelque part en Palestine » relate une discussion avec le sergent-major britannique Ronald Fritchley lors de la visite d’une base alliée. Dans leur échange, le militaire lui confirme que des Assyriens et des Kurdes ont gardé les aérodromes de la Royal Air Force (RAF) en Irak se sont portés volontaires pour devenir parachutistes. Dans les mois qui ont suivi, une partie de ce contingent de parachutistes a servi auprès des Royal Marines lors de la campagne d’Italie. 

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Yohan ROBLIN

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