La plupart des Allemands tait couch s quand le Mur a ouvert. Ils prennent connaissance des derniers v nements de la nuit aux informations du matin. D bute alors une v ritable ru e vers la fronti re.
Igor Deperraz, tudiant fran ais en droit : Il fait un froid extrême. Je vais de caf en caf pour me r chauffer et je prends des photos pendant une heure. Quand ils passent la frontière, les Berlinois de l’est sourient mais sans tre d’monstrueux. Il y a surtout de la joie chez les Berlinois de l’Ouest. Certains ont apport des r gimes de bananes [un fruit difficile trouver l’est], mais je trouve une forme de racisme d’Guis , un peu comme des colons du communisme.
Sophie Bornstein, en voyage de classe avec la pr Pa HEC du lyc e Carnot de Paris : les titres des journaux annoncent : « le Mur est tombel», « le Mur n’est plus ». Toute la classe se m le foule et la liesse, sur la distribution des fleurs et des fruits. Il y a un mouvement tr s spontané de g n rosit . Au poste-fronti re d’Validenstra e, les voitures Trabant [constructeur est-allemand] d filent perte de vue.
Des files d’attente s’étendent dans les rues de Berlin, ici Invalidenstra E. (CLASSE préparatoire HEC DU lycée CARNOT)
Igor Deperraz, tudiant fran ais en droit : Beaucoup de jeunes ont pris les Trabant de leurs parents. Ce sont des voitures « en carton », qui roulent avec un mélange d’essence et d’huile. Certains font le plein C T Ouest, sauf qu’ils se retrouvent en panne cause du carburant non m lang . Sur en voir plusieurs avec le capot ouvert. Un peu partout, il y a des files d’attente tr T T devant les magasins.
Pierre Crenner, commandant du déploiement français de gendarmerie Berlin: Les hauts-parleurs de la police R P tente sans arr t: « Arr tez de vous agglutiner ».
Thierry Noir, street-artist fran ais Berlin-Ouest: Depuis plusieurs années [1970], les rares Est-Allemands qui peuvent visiter l’Ouest re oivent 100 deutsche Marks en cadeau [le Begr ungsgeld, ou « argent de bienvenue »]. D’un seul coup d’état, des milliers de gens font la queue devant les banques, avant de valoriser les drogueries pour acheter du coton, du savon, du shampoing du coup, je ne trouve plus de canapés pour ma fille de deux ans et je dois aller hyper loin.
David Hertrich, cuisinier l’Ambassade de France : En allant chercher mon pain et le journal, je vais dans une grande surface et je vois des Allemands de l’est d’être la modernit : un groupe me demande commente les CD, combien a co te on me demande mon salaire l’un d’eux me dit : « J’ai l’impression que chez vous, la liberté , c’est quand sur un de l’argent. »
Cathleen Wunder, tudiante allemande Berlin-Est : A l’école de commerce du Kombinat VEB [un groupement d’entreprises], tout le monde est parti voir le Mur. Pour moi, le quotidien se poursuit. Nous ne sommes que trois, dans une classe de 25 ou 30 ! Le professeur reste inflexible et dit qu’il notera les absences.
Sandra De Rouck, lycenne : Je suis arrivée de Bruxelles la veille au soir, en avion, avec ma m re berlinoise. Apr s une nuit passe e chez mes grands-parents, je tombe la grotte et trouve un marteau dans un bo te outils. J’ai vu des gens casser le Mur la T L vision, mais je suis surprise. En fait, c est terriblement dur ! Je n’arrive qu’à arrêter des morceaux microscopiques. un moment, la T te de mon marteau s’envole. Quelqu’un me pr te un autre outil et je recommence.
Sandra De Rouck essaie de casser des morceaux de mur, le 10 novembre 1989. (SANDRA DE ROUCK)
Michel Thibaudin, salarié dans l’éducation populaire à Lyon : Ça fait dix heures qu’on roule. Arrivés à 30 kilomètres du Mur, on se retrouve bloqués dans les embouteillages avec les trois autres occupants de la voiture. On traverse donc l’autoroute à pied, pour rejoindre un groupe d’Allemands de l’Ouest, qui distribuent café et bière aux arrivants de la RDA. Je baragouine à ces derniers une question : « Vous quittez définitivement l’Est ? » L’absence de bagages dans les voitures me donne aussitôt la réponse : ils veulent simplement profiter d’un week-end de semblants de liberté. C’est une 2×2 voies, mais les Trabant et les R12 circulent en permanence sur trois voies. Finalement, nous faisons demi-tour sans avoir vu le Mur.
Marie-Jos Deschamps, citoyenne française côté Munich: Sur les ponts qui dépassent l’autoroute, des dizaines d’Allemands de l’Ouest agitent des drapeaux.
Pierre Crenner, commandant du débarquement français de gendarmerie Berlin : en ville aussi, le passage des voitures est incessant. Les Trabant envahissent notamment le Ku’Damm, o il n’y a normalement que des Mercedes. des nations unies mauvais envoyé. Forc ment, ces voitures ont des moteurs deux temps. Les Berlinois de l’Ouest sont effar s de voir leur rue pr f r e tre pollue et bouche e de la sorte.
Des cort ges de Trabant se forment pour passer l’Ouest, le 10 novembre 1989. (DPA / AFP)
Elisabeth Sokoll, employer e allemand par le gouvernement militaire France : Au niveau du Reichstag, il y a un mirador de la RDA don’t la garde est habituellement assuré par deux soldats qui ne doivent pas se connaître tre et ne peuvent pas communiquer entre eux. un moment, je vois une porte, jusqu’ici invisible, s’ouvrir dans le mur. Deux Vopos entrent sur le territoire de la RFA par ce entr e don’t j’ignorais jusqu’ici l’existence. C est vraiment irr el.
David Benam, Fran ais en service militaire: le Mur est d j ventr par endroits. Je colle mon il un trou, mais je fais un bond en arrière : un autre soldat regarde lui aussi de l’autre c t ! Je me rapproche et lui demande en anglais s’il est contenu de la chute du Mur : « a ne change rien, je retournerai bientôt dans mon village, apr s le service militaire ». C’est interdit, mais j’insiste pour qu’il m’envoie sa chapka par-dessus le mur, contre mon Bret. Apr s quelques minutes, il fini par accepter.
Dans l’apr s-midi du 10 novembre 1989, David Bena m pose devant le mur de Berlin, dans lequel une faille laisse entrevoir un soldat est-allemand. (DAVID BENA M)
Franck Balbi, danseur au Deutsche Oper Berlin: Dans l’apr s-midi, sur la Potsdamer Platz, des grues commence lever les premiers pans du Mur.
Patricia Hacquin, femme de militaire France : Je fais garder mes trois filles et nous partageons voir le Mur au niveau du Reichstag, pr s de la porte de Brandebourg. Des Allemands aide s’il y a mon mari. Je m’attends ce que a paisible soit de l’autre C t , mais des Vopos bras sont positionn s en face. Certains Berlinois les traited d’ « Idioten », pour les provoquer. Mon mari me propose de monter sur ses paules, mais je refuse. Je ne vais quand m me pas mourir pour l’Allemagne !
Patricia Hacquin et son mari, sur le mur de Berlin au niveau du Reichstag, pr s de la porte de Brandebourg, le 10 novembre 1989. (PATRICIA HACQUIN)
Cathleen Wunder, tudiante allemande Berlin-Est: Apr s les cours, je propose ma petite sur d’aller voir le Mur. Elle a tr S peur, mais je la convaincs. Arriv e au checkpoint de Bornholmer Stra e, je demande un soldat s’il est r que nous allons revenir, car j’ai peur de rester bloqué de l’autre c t. Il me semble étonnant: » Aucun souci, allez-y. » J’ai quand me peur que les autorités me sanctionnent, en tamponnant ma carte d’identité au retour. Il est 17 heures et il fait d j nuit.
La carte d’identité allemande de Cathleen Wunder. (CATHLEEN WUNDER)
M me si nous avons vu des images de l’Ouest la T l , c’est un grand saut dans l’inconnu. De l’autre c t , les gens nous accueillaient, perch s sur des arbres et des lampadaires. Tout le monde nous applaudit, tout le monde crie. Certains tapent sur les Trabant avec enthousiasme. Je ne suis pas tr s rassur e. Ma petite sur ne parle pas beaucoup. Sur les cartes disponibles l’Est, Berlin-Ouest apparaît en blanc. Nous n’avons moyen moyen de connaître les noms des rues.
Denis Thouard, remorqueur fran ais en voyage Berlin: Au checkpoint d’Validenstra e, la BVG [R gie de transports] distribue des cartes de l’Ouest. Quand on vit l’Est, Berlin-Ouest n’existe pas vraiment, c’est juste un pin dans le pied.
Marie-Jos Deschamps, citoyenne française R sidant Munich: Un journal gratuit a t sp cialement r alis par l’office de tourisme de Berlin et le Berliner Morgenpost. C’est comme un gros mode d’emploi destination des Allemands de l’est qui arrive l’Ouest. Ils peuvent y trouver o se garer, o faire ses cours, o aller profiter et penser. Mon mari voit une limousine noire immatricul e l’est qui s’arr te pr s de Checkpoint Charlie, devant une pile de journaux. Une main en tri, exemplaire un, et la voiture poursuit sa route.
Le journal paru le 10 novembre 1989 par l’office de tourisme de Berlin et le « Berliner Morgenpost » pour les Allemands de l’est. (MARIE-JOSE DESCHAMPS)
Eric Franciosi, employer d’une entreprise berlinoise de transports : d’ordinaire, sur n’approche pas la porte de Brandebourg. Mais l, sur r ussit se faufiler sur le C t et la traverse ! Sous le monument, je bois un bi re avec un copain. Sur chiale un peu, comme tout le monde. Mettre le pied l’Est et savoir que ce Mur de merde est tomb , c’est incroyable. Quand j’étais militaire, j’allais une fois par semaine l’est. Il faut se rendre compte du niveau de pauvreté et du d labrement des b timents, avec des tas de charbons dans les arri re-cours Comme la fin de la guerre en France, en fait.
St phane Germain, militaire français: les autorisations militaires français nous demande de rester prudent. Checkpoint Charlie, je monte sur le Mur gr ce une chelle laiss e l. Je suis seul, voiture ma copine allemande retrouve sa famille de l’est. Les gens sont heureux, mais ils n’ont rien se dire. Ne pas se voir pendentif 40 ou 50 ans, vous imaginez ? Le d calage hne standard.
Une foule se dresse sur le mur de Berlin que des soldats les surveillent d’en bas, le 10 novembre 1989. (CHRISTIAN BOURGUIGNON)
Igor Deperraz, tudiant fran ais en droit : Sur Potsdamer Platz, quelqu’un passe No Woman, No Cry de Bob Marley. Les gens de l’est, qui ont un peu de retard sur les modes musicales, représentent la chanson plusieurs fois. C’est tr s mouvant. Ils pleurent la fois parce qu’ils ont R v de voir l’Ouest, mais aussi parce qu’ils pressent la chute d’un continent perdu, l’arrivée du capitalisme arrogant
Christine Ockrent, journaliste Antenne 2 : a 20 heures moins une, au moment o je dois prendre l’antenne, Helmut Kohl, chancelier d’Allemagne de l’Ouest, les yeux embu s, passe C t de moi. Je lui pose une question, il a l’amabilit de moi r pondre. Au combat de quelques minutes, je vois [l’ing nieur] Yves Devillers me faire des grands signes avec les soutiens-gorge. La liaison avec Paris n’était pas tablie, voiture les morceaux de fer contenus dans le mur faussent les calculs pour mettre la liaison satellite. a aurait t un scoop mondial !
Le chancelier Helmut Kohl s’adresse 100 000 personnes messe es devant le Mur, le 10 novembre 1989. (DPA / DPA))
Eric Lange, animateur des matinales sur la radio RFM : Avec ma sur Nadine, sur un pipeaut la Lufthansa pour attaquer un vol Paris-Hambourg en milieu d’apr s-midi, puis le dernier Hambourg-Berlin de la journée e. Elle a fait croire que j’étais journaliste au journal le Monde et qu’elle tait mon assistante a nous a co t une blinde ! Cette nuit-l , tout le monde marche, c’est comme une immense errance. Les gens de l’est ne croient pas du tout ce qui vient de se passer. Seuls les » toc, toc, toc » des milliers de gens qui tapent sur le mur nous ramnent la ralit .
Nadine Lange, tudiante en th se d’histoire contemporaine : Nous montons sur un mirador avec mon fr re et un ami, qui sort une bouteille de champagne et trois coupés. Sur la descente en trois minutes et sur jette nos verres. La ville enti re hne bourr e ! Vers 5 heures du matin, sur voit arriver une grue avec un dent cass e. Elle soul ve un pan du Mur et la foule se a rencontré hurler « Freiheit ! Freiheit ! »(« Libert ! »).