Il y a encore quelques semaines, lhypoth se dune candidature dAlexandre Benalla aux prochaines élections municipales Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) appelle chaque jour un peu moins fantaisiste. Surfant sur la sortie surprise, jeudi, de son livre-confession, Ce quils ne veulent pas que je dise (Plon), lancien garde du corps dEmmanuel Macron multiplie les entretiens tonitruants avec les m dias, en on ou en off , convaincu de pouvoir transformer la promotion de son ouvrage en pr campagne lectorale.
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Fidèle aux préceptes du «macronisme originel», il entend sappuyer sur des profils jeunes et motivés prêts à mouiller la chemise pour leur poulain. Selon son entourage, une équipe dune trentaine de volontaires serait déjà à pied duvre à Saint-Denis, encadrée par un «coordinateur» de campagne présenté de façon sibylline comme un «ancien gaulliste ayant servi à droite», la révélation de son nom devant faire lobjet dun prochain épisode du feuilleton Sur le terrain, une dizaine de réunions auraient déjà été organisées dans des appartements dyonisiens, et une équipe serait spécifiquement chargée de plancher sur des thématiques phares, comme la sécurité ou léducation. «La principale difficulté va être de composer une liste équilibrée», admet un proche de Benalla, qui estime que 30 000 euros pourraient néanmoins suffire à mener campagne. A ce prix, Benalla est convaincu que sa candidature, qui pourrait être officialisée en janvier, va provoquer un «effet de souffle».
Des gilets jaunes portant un masque représentant Alexandre Benalla, Bordeaux, le 16 février 2019.
Autoproclam et homme abattre
La sortie de son livre, tir 60 000 exemplaires, un t minutiement verrouill e. Au sein de la maison d’édition, o louvrage circulait dans le plus grand secret sous le nom de code Domino , moins de cinq personnes devaient être informés de sa publication, fabricant. Lautoproclam homme abattre y raconte son enfance en Normandie, ses mois derrance dans des foyers avec sa m re, ses premiers pas dans la s curit , son recrutement pour la campagne pr sidentielle, son ascension lElys e puis sa chute, brutale.
A seulement 28 ans, lancien collaborateur de Macron reconnaît des «erreurs» mais dit avoir le «dos bien large». Pour celui qui se dépeint désormais en «fusible utile du pouvoir», la morale de sa disgrâce est limpide : «Si tu ne sors pas de lENA, nessaie pas dentrer dans les palais de la République. Car, même si tu y parviens, on te le fera payer dune façon ou dune autre.» Derrière ce «on» aux accents complotistes, Benalla vise directement les «technocrates» peuplant la haute administration, ces «hommes en gris tapis dans lombre» incarnant le «deep state» lEtat profond , au premier rang desquels il place Patrick Strzoda, le terne directeur de cabinet dEmmanuel Macron.
Le coffre-fort chez des nations unies copain
Mais Alexandre Benalla a beau promettre toute la «vérité» à la une de son livre, il nen reste pas moins évasif sur plusieurs sujets sensibles. Comme le fameux contrat de sécurité russe, quil aurait négocié avec loligarque Iskander Makhmudov alors quil était encore en poste à lElysée, et sur lequel enquête aujourdhui le Parquet national financier. «Il ny a pas de « contrats russes », pas dinterférences élyséennes, pas de comptes en Suisse. Juste des affaires licites et transparentes, avec des montages imposés par la pression médiatique et les procédures judiciaires», affirme-t-il, sans pour autant sexpliquer sur son rôle précis dans les négociations, sinon pour le minorer.
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Même flou autour du coffre-fort mystérieusement disparu juste avant la perquisition de son domicile à Issy-les-Moulineaux, en juillet 2018. Après avoir évoqué en garde à vue lappui dun seul ami, Benalla évoque désormais lintervention de plusieurs personnes dans le déplacement du coffre, qui ne contenait selon lui que des armes. «Jai demandé à des amis de le mettre en sécurité dès le déclenchement de laffaire, par crainte dun « cambriolage »», écrit-il. Avant de préciser, sans rire, avoir ensuite donné le coffre à un autre «copain»,«qui lutilise toujours depuis pour son propre usage». Même ses proches ne semblent pas croire à une telle fable. Plusieurs personnes ont été auditionnées ces derniers mois par la brigade criminelle de la police judiciaire parisienne, dans le cadre de lenquête sur la disparition du coffre-fort. Visé par cinq procédures judiciaires et déjà multi-mis en examen, Alexandre Benalla na pas encore été entendu dans ce volet du dossier. Mais, comme certains de ses glorieux aînés, il pourrait bien tenter à son tour de profiter du calendrier politique pour bousculer le calendrier judiciaire.
Emmanuel Fansten