Agathe Demarais : « L’effet des sanctions contre la Russie est un poison lent »

INTERVIEW. Un an d’invasion russe de l’Ukraine. Boycott des hydrocarbures russes, sanctions contre les oligarques, interdiction de télécharger certains équipements technologiques. . . Pour le directeur des prévisions mondiales à The Economist Intelligence Unit, les sanctions de l’Union européenne contre la Russie ne fonctionnent pas toutes et auront un effet principalement à long terme.

Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, lors du sommet UE-Ukraine à Kiev le 2 février. L’Union européenne vient d’interdire l’importation de produits subtils russes.

Agathe Demarais, économiste au laboratoire d’études affilié à l’hebdomadaire britannique The Economist, se spécialise dans l’impact des sanctions sur l’économie russe. Il a publié Backfire, un livre en anglais acclamé par la critique qui examine les effets mondiaux de ces mesures opposées à la Russie de Poutine.

Comment expliquer que les sanctions étrangères aient un si faible effet sur l’économie russe ?

Agathe Demarais. La économie russe est loin de bien se porter. Il a subi une récession l’année dernière et verra probablement une baisse de son PIB cette année. En décembre dernier, les ventes au détail ont diminué de 10 % par rapport à leur niveau de décembre 2021. et l’extraction de carburant, 4 %. Si l’économie russe fait aussi bien que Moscou le prétend, alors les statistiques de l’industrie étrangère ne seraient pas classées comme secrètes. L’Union européenne vient d’interdire les produits subtils russes, en ajoutant du diesel.

Cela change-t-il la donne?

Les exportations de produits russes subtils restent modestes par rapport aux exportations de carburant et de pétrole brut. Cependant, cette mesure n’est pas anodine. Et c’est l’effet cumulatif de toutes les sanctions, mises ensemble, qui aura probablement un effet significatif sur l’économie russe. Moscou restreint davantage la capacité du Kremlin à exporter des hydrocarbures.

Quelles sont les sanctions efficaces?

Ils peuvent être classés en 4 catégories. D’abord, des sanctions – surtout symboliques – contre les Américains ou les entreprises proches du pouvoir. Deuxièmement, il y a la capacité de la Russie à importer des équipements technologiques, tels que des pièces d’avion ou des composants automobiles.

Son effet est fort : la production automobile a chuté de 67% en 2022. Le troisième type de restriction vise les exportations russes, en ajoutant des obligations hydrocar. C’est là que le centre du réacteur frappe: le secteur de l’électricité représente un tiers du PIB de la Russie, une partie des avantages fiscaux et 60% des exportations. Le concept est pour les profits du régime et pèse donc sur sa capacité à financer la guerre en Ukraine.

Enfin, il y a des sanctions à long terme qui empêcheront le secteur russe de l’électricité de créer de nouveaux champs de carburant, en particulier dans l’Arctique. En fin de compte, c’est une situation catastrophique pour le Kremlin.

Nous méritons donc de nous attendre à un impact à long terme. . .

L’effet des sanctions est comparable à celui du poison lent. Nous devons être réalistes: ces sanctions ne peuvent pas tout faire et, en fait, pas rapidement. L’exemple iranien est éclairant à cet égard. Plusieurs années se sont écoulées entre le moment où l’Occident a imposé de lourdes sanctions contre Téhéran et la signature de l’accord nucléaire en 2015.

Au contraire, qu’y a-t-il de concret dans cette guerre contre l’Europe ?

La détermination de la Russie à fermer le robinet du carburant a eu un effet significatif sur les économies européennes. Mais l’augmentation des coûts des matières premières a commencé avant la guerre en Ukraine, ce qui a ensuite accentué cette augmentation des coûts des forces armées. Au final, l’Europe s’en sort mieux que prévu : il n’y a pas eu de coupures d’électricité cet hiver et les clients en récession reculent dans la plupart des pays de la zone euro.

À long terme, l’Europe se débarrassera très probablement du carburant russe. L’Union européenne a accéléré la transition énergétique, intégré le paquet dans la structure des terminaux d’importation de carburants liquéfiés à base de plantes (GNL) et diversifié ses fournisseurs de carburant. Il peut également recommander que l’utilisation d’armes à feu contre l’Europe se soit retournée contre le Kremlin. Elle a montré aux capitales européennes que la Russie n’empêchera rien de les pénaliser. Cela a permis l’adoption de l’embargo européen sur les importations de pétrole russe. Une telle mesure aurait été impensable il y a un an.

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