Emmanuel Macron est-il un président réactionnaire ? Se disant progressiste, son discours est-il rarement empreint de nostalgie et de conservatisme ?La « révolution » promise par le titre de votre e-book approche-t-elle de 1789, 1848, 1917 ?pour dominer l’Europe et le monde dans les années 1980. De plus, la révolution de Macron n’a-t-elle pas des échos de la révolution nationale du régime de Vichy ?Ses discours semblent en attester avec des propos natalistes (« réarmement démographique »), une récupération de l’autorité et la confirmation de la triple préséance « ordre, ordre, ordre », le concept d’uniforme scolaire et une préférence nationale obligatoire sur l’immigration clandestine. Et la résonance lexicale entre la « Renaissance » projetée par le nouveau parti du président et la « renaissance » promise par Philippe Pétain dans ses messages aux Français après le Front populaire est troublante.
Sensible depuis l’été 2017 avec les commandes du travail ou la suppression de l’ISF, le virage à droite d’Emmanuel Macron semble traditionnellement indiscutable dans la durée avec le remède des « gilets jaunes », la réforme des retraites, la loi sur l’immigration votée avec l’extrême droite. L’hyper-présidentialisme (rejet du référendum d’initiative citoyenne, report de la représentation proportionnelle, utilisation répétée de l’article 49. 3, leadership du président sur le gouvernement et le parlement) illustre également une position conservatrice, voire autoritaire, loin d’une VIe République ou d’un représentant parlementaire. démocratie que d’autres exigent.
Mais au-delà de telle ou telle mesure de droite qui est qualifiée avec telle ou telle mesure de gauche dans ce qu’on appelle le « en même temps », c’est l’investigation systématique des discours d’Emmanuel Macron depuis 2017, grâce à Hyperbase, une publication textuelle. logiciel d’intelligence statistique et synthétique développé par le CNRS et l’Université Côte d’Azur, qui témoigne de l’inclination réactionnaire du président.
Nos algorithmes ont appris – par comparaison – à parler « de Gaulle », « Pompidou », « Giscard », « Mitterrand », « Chirac », « Sarkozy », « Hollande » et « Macron ». . Et très probablement, ils diront, sans se tromper, les mots préférés de l’un ou de l’autre, les expressions préférées de Charles de Gaulle ou de François Mitterrand, la composition grammaticale des discours de Valéry Giscard d’Estaing ou de François Hollande, le ton idéologique des discours de Nicolas Sarkozy ou d’Emmanuel Macron.
Pourtant, au grand étonnement du linguiste Hyperbase, Emmanuel Macron a une carte de prédilection. Une carte, parmi tant d’autres, dont l’intelligence synthétique profite pour classer, identifier ou reproduire les discours de l’actuel président. La carte préférée d’Emmanuel Macron, qu’il a mille fois répétée, avec laquelle il convainc son électorat et déploie son idéologie, c’est la dix-huitième lettre de l’alphabet : la lettre R.
Selon la machine, le r- à l’initiale, c’est-à-dire au début des mots, est statistiquement une caractéristique d’Emmanuel Macron. Le préfixe transforme ainsi le discours de Macron en une arme politique sophistiquée.
REtrouver, REcouvrer, REdonner, REfaire, REconstruire, REstaurer, REinventer, REfonder… Les verbes en re- mettent constamment en marche arrière le discours d’Emmanuel Macron qui entend REproduire un passé idéalisé. REstauration, REarmement, REfondation, REvision, REnovation… Les noms en re- renvoient inlassablement les auditeurs à la grandeur éternelle d’une France passée qu’il s’agirait de REconquérir. L’approche quantitative est formelle, et elle chiffre précisément la lame de fond des re- dans la prose d’Emmanuel Macron à hauteur d’un écart réduit de +12,6.
La technique qualitative des discours confirme cette rhétorique dépassée. Autour de la campagne présidentielle de 2022, en effet, Emmanuel Macron a systématisé son discours « en réaction ». Il a changé le nom de son parti, le RENACIMIENTO, en En Marche. Il envisage de réviser la constitution en créant une quatrième chambre : le Conseil national de réapprobation. Dès sa réélection, il crée un nouveau ministère au nom significatif : le ministère du Renouveau démocratique. Le 31 décembre 2023, lors de ses votes, puis lors d’une conférence de presse pour relancer son mandat, il a axé son discours sur l’utilisation d’un seul mot « RÉARMEMENT » : RÉ-armement civique, RÉ-armement industriel, RÉ-armement-État. l’armement, le réarmement économique, le réarmement des services publics, le réarmement démographique, etc.
Si le linguiste peut être étonné qu’un locuteur français puisse se singulariser d’autres par le surusage d’un préfixe – et vous, lecteurs, croyez-vous avoir une lettre préférée lorsque vous parlez ? -, l’historien et le politologue interprètent le phénomène sans difficulté.
En langage politique, le préfixe re- est au service d’un discours réactionnaire, celui du « c’est plus vieux avant », depuis deux siècles (depuis la Résurrection de 1814-1815).
Quelques mois avant la création de la « REnaissance » par Emmanuel Macron, le leader maurassien Eric Zemmour n’a-t-il pas qualifié sa propre motion de « REconquista » ? Avant que Macron ne l’exprime, Nicolas Sarkozy n’était-il pas la récupération de l’autorité, notamment la « récupération de l’autorité du professeur dans les écoles », base de son programme de « liquidation de l’héritage de Mai 68 » ?
Selon les études de sociologie électorale, Emmanuel Macron est arrivé au pouvoir en 2017 et plus encore en 2022 grâce à un électorat vieillissant issu des classes sociales dominantes. Il s’adresse, explicitement ou de manière subliminale, à un public pour qui le maintien de la hiérarchie sociale dominante et le retour à une grandeur mythifiée sont une inclination naturelle.
Plus largement, le discours réactionnaire d’Emmanuel Macron n’est-il que le reflet de la droite d’une France renouvelée, soucieuse de sa pérennité et nostalgique de son passé ?L’examen systématique par l’intelligence synthétique du gigantesque corpus de la presse actuelle ou des débats parlementaires récents, que nous menons aujourd’hui en laboratoire, peut nous renseigner très provisoirement à travers la lecture de la popularité du préfixe re- bien sûr, mais aussi du préfixe de- dont Gabriel Attal vient d’abuser dans son discours de politique générale (débloquer, débureaucratiser, décaféiner).
Par Damon Mayaffre, chercheur CNRS en linguistique computationnelle, Université Côte d’Azur
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