Elections : la mauvaise voix de l’Espagne – Le Monde

Le leader de Vox, Santiago Abascal (deuixème en partant de gauche), après les élections du 10 novembre, à Madrid. Andrea Comas / AP

Editorial du « Monde ». De nouvelles élections, les quatrièmes en quatre ans et les deuxièmes en six mois, semblent conduire à un nouveau blocage politique en Espagne. Aucune coalition de gauche comme de droite ne paraît en mesure de gouverner avec une majorité stable, après le scrutin de dimanche 10 novembre, remporté sur le papier par le premier ministre socialiste, Pedro Sanchez.

Les deux principaux perdants sont les deux partis qui étaient censés rénover la démocratie espagnole : les libéraux de Ciudadanos et la gauche radicale de Podemos, qui ont refusé leur soutien au gouvernement socialiste en espérant profiter de son échec. Ils ont été lourdement sanctionnés, surtout Ciudadanos : il est passé en six mois de 57 à 10 députés, tandis que Podemos recule de 7 sièges.

Mais le vrai vainqueur des élections est le parti dextrême droite Vox. La lassitude des électeurs devant ces scrutins à répétition, lincapacité des partis politiques à surmonter leurs divisions ont provoqué un phénomène impensable il y a seulement deux ans : Vox est désormais la troisième formation du Parlement. Le parti de Santiago Abascal, créé en 2014, bondit de 24 à 52 sièges et atteint 15 % des voix. Il y a moins dun an, il navait aucune représentation politique, dans aucune institution.

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Lextrême droite a bénéficié de lexacerbation du conflit catalan et des violences qui ont suivi à Barcelone les trop lourdes condamnations, le 14 octobre, des principaux responsables à lorigine du référendum illégal sur lindépendance de 2017. Vox a utilisé les images de ces violences pour faire de la surenchère.

Mais Vox a aussi bénéficié de la complaisance des formations de droite qui ont contribué à banaliser le discours dextrême droite. La stratégie du Parti populaire (PP, conservateur) et de Ciudadanos de conclure des accords avec ce parti sulfureux partout où ils en ont eu lopportunité pour gouverner dabord en Andalousie, puis dans les régions de Madrid, de Murcie ou de Castille-Léon sest retournée contre eux.

Certains espéraient modérer Vox en limpliquant dans le jeu institutionnel. Vox na fait au contraire que se radicaliser, en profitant de sa plus grande visibilité, pour durcir son discours. Transfuge du PP, Santiago Abascal fustige, pêle-mêle, « la plaie de limmigration illégale », la « dictature progressiste », à commencer par le féminisme, et lUnion européenne, « une secte qui pourchasse ceux qui veulent en sortir » et promeut « une immigration massive » provenant « souvent de cultures non compatibles avec nos valeurs ».

LEspagne souffre à présent de deux graves problèmes qui risquent de senkyster : la radicalisation de lindépendantisme en Catalogne et lessor de lextrême droite, lesquels salimentent lun lautre.

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Pour y faire face, les partis de gouvernement doivent placer lintérêt du pays avant leurs luttes de pouvoir et leurs rivalités personnelles. Il faut souhaiter que lécho désastreux en Europe du retour de lextrême droite dans un pays qui semblait immunisé par quarante ans de dictature franquiste crée un électrochoc.

Le Monde

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