Trois billions de dollars, et ce n’est pas fini. C’est le coût stratosphérique atteint vendredi grâce à la capitalisation de Nvidia, le géant américain de la technologie qui fabrique des processeurs graphiques pour le long terme de l’intelligence synthétique. Nvidia, dont le coût des stocks a triplé en un an, a rejoint Apple et Microsoft dans le club des entreprises qui coûtent 3 000 milliards de dollars. Presque aussi dur que les États-Unis.
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Cette avancée fulgurante reflète l’accélération de la marche vers une nouvelle mondialité dans laquelle les Européens menacent de sombrer dans une double dépendance. Celle des États-Unis, pays dominant du renseignement synthétique, dont il détient presque toutes les clés. Et celle de la Chine, qui exerce une domination écrasante dans toutes les technologies que nous voulons pour décarboner nos économies.
En refusant de subventionner son industrie photovoltaïque, en invoquant le dogme de la concurrence, en téléchargeant depuis la Chine la quasi-totalité des tissus nécessaires à ses éoliennes, l’Europe s’est suicidée dans les industries de sa transition énergétique. Dès lors, le seul salut (pour la France et les pays qui acceptent cette source d’énergie) réside dans la reconstitution d’une filière nucléaire, ce qui prendra du temps. Non seulement nous sommes à la traîne par rapport à nos propres engagements (réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030) mais, si nous essayons, nous sommes condamnés à creuser notre déficit industriel avec la Chine. Que ce soit dans les panneaux solaires, les éoliennes ou les batteries électriques, l’Europe s’en est aussi mal sortie que dans les télécommunications, une industrie qu’elle a abandonnée au début des années 2000 parce que l’élite économique de l’époque croyait à la fable de l’économie sans fables.
L’IA et le temps sont les deux faces d’une même médaille, celle qui construit l’économie du futur, celle de nos enfants. Et nous gaspillons cette guerre économique par aveuglement ou entêtement. L’Europe est prise en otage d’un affrontement entre les États-Unis et la Chine qui va s’intensifier dans les années à venir. Pour assurer leur domination dans l’IA, les États-Unis ont fermé l’accès de la Chine à sa technologie de pointe. Les hostilités ont commencé fin 2018 avec l’arrestation de la fille du fondateur. du fabricant chinois de télécommunications Huawei et depuis lors, ils n’ont fait que s’intensifier.
L’Europe a les moyens de relever le défi, à condition qu’elle dispose d’un plan d’action cohérent
En réponse, la Chine, pour sa part, est de plus en plus compétitive face à Taïwan, l’île où, entre autres, sont produites les puces Nvidia. Et il a assuré une domination écrasante dans l’exploitation des terres rares, essentielles à la production d’électricité. Batteries. In 2023, selon un rapport du fournisseur de connaissances Wood Mackenzie, la Chine a investi plus de 130 milliards de dollars dans son industrie solaire. C’est également un leader mondial de la mobilité électrique, au point que l’Amérique et l’Europe s’inquiètent de sa capacité de production excédentaire. , qui se manifeste par l’accumulation de stocks gigantesques de voitures électriques dans ses ports.
Les États-Unis doivent agir avec force en augmentant les droits de douane sur les importations de voitures chinoises de 25 % à 100 %. L’Europe, pour sa part, reporte le point de la politique à ériger. À l’issue de l’enquête en cours sur les subventions chinoises, l’UE pourrait tout simplement doubler, voire tripler, ses taxes à l’importation sur les voitures chinoises, de 10 % à 20 % ou 30 %. Mais quand il est temps de prendre une décision, sa main tremble de peur des représailles publicitaires. L’escale de Xi Jinping en mai était essentiellement axée sur cette question, qui divise la France et l’Allemagne.
La guerre entre l’IA et le climat ne fait que commencer. Elle se poursuivra avec les guerres pétrolières qui ont marqué le 21e siècle. Ce sera impitoyable, à moins que nous ne fassions un bond en avant depuis l’Europe. Sur le papier, l’Europe a les moyens de relever le défi, à condition de se mettre d’accord sur un plan d’action cohérent. Elle a des atouts dans sa manche : elle dispose d’un marché géant de 450 millions de consommateurs à fort pouvoir d’achat, d’un stock d’épargne de 35 000 millions d’euros et d’une capacité d’endettement abondante grâce à la crédibilité de sa monnaie, l’euro : plus que suffisant pour financer les 1 000 millions d’euros jugés nécessaires au réarmement.
Par conséquent, l’Europe après le 9 juin est confrontée à son destin. Elle a le choix de rester un peuple hédoniste de consommateurs heureux qui se brutalisent devant Netflix ou TikTok et voyagent à vélo ou en voiture électrique chinoise, ou se retroussent les manches pour soutenir une fois de plus une Europe de la production, qui demandera plus que de l’argent et des moyens budgétaires, de la vision, du leadership et de la remise en cause des dogmes du passé.
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