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Besançon, France
La procureure de la République a requis ce mercredi soir huit mois de prison avec sursis contre un jeune Bisontin de 23 ans. Ce dernier était poursuivi pour avoir créé et géré pendant plusieurs années une plateforme de streaming illégale, appelée seriefr.eu. Le procès a duré plus de six heures ce mercredi au tribunal correctionnel de Besançon. Le créateur du site, un véritable génie informatique, n’était pas seul devant les juges. Trois autres prévenus étaient convoqués pour répondre de contrefaçon en bande organisée, reproduction d’une oeuvre sans respecter les droits d’auteurs et recel.
Les juges ont longuement interrogé le principal prévenu, un jeune étudiant bisontin de 23 ans. Il vient d’obtenir son master 2 d’informatique et de robotique. Son avocat le présente comme extrêmement brillant. Son erreur ? Avoir mis le pied dans un véritable engrenage : « j’ai créé un truc qui m’a complètement dépassé ». A l’origine, le petit génie, qui vit chez son père, n’aime pas les séries.
Mais passionné d’informatique, il décide de créer un site d’hébergement de vidéos, comme la plateforme YouTube. Puis, en 2016, il passe à la vitesse supérieure et créé une plateforme de streaming illégal, avec 2 millions de fichiers vidéos disponibles. Le succès est réel : 700 000 internautes regardent chaque mois des films ou des séries. Le choix est vaste, rappelle le tribunal : les enquêteurs ont comptabilisé plus de 450 séries. « Vous saviez que c’était illégal quand même? « , demande la présidente du tribunal.
La plateforme a généré 200 000 euros : de l’argent que le jeune étudiant en informatique assure ne pas avoir dépensé. Il l’a utilisé pour payer les serveurs, rétribuer les contributeurs qui postaient des vidéos sur son site. Quant à l’illégalité, le pirate reconnaît avoir violé de nombreux droits d’auteurs. Les avocats de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) et le Syndicat de l’édition vidéo numérique évaluent les dommages et intérêts à plusieurs centaines de milliers d’euros.
Le prévenu explique que quelques mois après avoir monté son site et la dizaine de sites miroirs, il crée un logiciel pour supprimer automatiquement les vidéos illégales dès qu’elles lui sont signalées. La procureure de la République est sceptique : « sur les deux millions de fichiers vidéos, ça a dû être minime. » Son avocat plaide l’erreur de la jeunesse. « C’est un excellent informaticien mais un très mauvais juriste. »
Trois autres prévenus, deux hommes et une jeune femme comparaissaient également devant le tribunal de Besançon. Il s’agit d’un autoentrepreneur montpelliérain, d’un informaticien mosellan et d’une agente immobilière de 22 ans, originaire de Rennes.
Ils sont soupçonnés d’avoir alimenté le site de streaming en postant des vidéos. A chaque fois, ils copiaient et collaient les liens des vidéos pour les intégrer à la plateforme, sans télécharger les fichiers affirment-ils à la barre. Cette méthode a largement alimenté les débats. Est-ce que copier des liens hypertextes constitue juridiquement une violation des droits d’auteurs ? Pour l’un des avocats montpelliérains de la défense, Yann Le Targat : « Le droit de reproduction n’est pas violé. Se pose la question du droit de représentation, mais c’est presque une fiction juridique inventée par les tribunaux. C’est l’essence même d’internet que d’avoir des liens qui permettent de relier des pages à des pages. »
Un argument qui n’a pas convaincu les avocats des parties civiles. Pour Me Yvan Diringer, l’avocat parisien de la SACEM, la jurisprudence est claire : copier des liens hypertextes constitue bien une infraction. « C’est un acte de communication publique, ça viole le droit de représentation. En posant ce lien hypertexte, vous donnez accès à une oeuvre mise illégalement en ligne, donc vous propagez l’illégalité initiale. C’est un acte de contrefaçon. »
La procureur de la République, Margaret Parietti, a requis des amendes avec sursis pour deux des contributeurs, trois mois de prison avec sursis pour l’autoentrepreneur montpelliérain. C’était l’un des plus actifs sur le site. Le tribunal doit rendre sa décision le 15 janvier prochain.
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