Samantha Geimer, Robin, Valentine Monnier? les différentes affaires et accusations impliquant Roman Polanski – Blog Le Monde

Depuis le 11 mars 1977, plusieurs femmes ont accusé Roman Polanski davoir été agressées sexuellement ou violées. Tous les faits allégués nont pas donné lieu à des dépôts de plainte, et certains sont prescrits. Le point sur ces affaires.

Cest la première mise en cause de Roman Polanski, la plus emblématique, la plus médiatisée. Le 11 mars 1977, le cinéaste, alors âgé de 43 ans, est arrêté, accusé davoir drogué et violé la veille Samantha Geimer, 13 ans, lors dun reportage photo dans la villa de Jack Nicholson à Hollywood.

Samantha Geimer affirme devant un grand jury du comté de Los Angeles, lors de son témoignage, le 24 mars, quil lui a fait prendre un sédatif avant davoir des rapports sexuels avec elle :

« Il ne voulait pas me faire de mal () mais il ne comprenait pas que jétais trop jeune. Il ne voyait pas que javais peur. »

Inculpé pour six motifs et notamment pour viol, Roman Polanski plaide dabord non coupable. Mais en août 1977, un accord juridique est engagé avec la famille de la plaignante pour éviter un procès public, et M. Polanski plaide coupable pour détournement de mineure. Cette démarche est caractéristique du plea bargain (littéralement « négociation de requête ») omniprésent dans le droit pénal américain, où un accusé reconnaît sa culpabilité en échange dune réduction des charges portées contre lui ou dune peine plus légère, toutes les parties se soustrayant alors aux incertitudes dun procès avec jury.

Le cinéaste, redoutant un nouveau placement en détention bien plus long, senvole le lendemain pour Londres, puis Paris. Pendant ce temps, en Californie, laccusation, le procureur et la défense dénoncent le comportement du « Marteau », qui est déchargé du dossier en février pour « irrégularités ».

En 1993, Roman Polanski envoie une lettre dexcuses à Samantha Geimer et lui verse 225 000 dollars ; ce qui met un terme au procès civil.

Samantha Geimer au tribunal de Los Angeles, où elle a demandé la fin de la procédure judiciaire contre Roman Polanski, en juin 2017. FREDERIC J. BROWN / AFP

Mais la fuite du réalisateur a fait passer laffaire dans une autre dimension : il est désormais un fugitif, et la justice américaine naura de cesse de tenter de mettre la main sur lui lors de ses voyages à létranger, mandat darrêt international à lappui. La France, où il réside et où il sest marié, refuse de lextrader. En 2008 sort le documentaire de Marina Zenovich Roman Polanski : Wanted and Desired, qui, selon la recension du Monde, décrit un « invraisemblable déraillement judiciaire ».

En septembre 2009, il est arrêté à Zurich alors quil se rend au Festival du film pour y recevoir un prix. Il passe deux mois en prison puis est assigné à résidence pendant huit mois dans son chalet à Gstaad. En juillet 2010, la Suisse rejette finalement la demande dextradition des Etats-Unis.

En octobre 2014, la justice américaine tente sa chance en Pologne, où M. Polanski sest rendu pour linauguration dun Musée de lhistoire des juifs. Après un long combat judiciaire dans lequel simplique même le ministre de la justice, Zbigniew Ziobro, la Cour suprême polonaise met un terme définitif à la procédure dextradition en 2016.

En juin 2017, Mme Geimer témoigne en faveur de Roman Polanski devant le juge Scott Gordon à Los Angeles. Celui-ci annonce en août quil refuse de mettre un terme aux poursuites, et la procédure nest pas close à ce jour.

Dans plusieurs interventions, Mme Geimer a exprimé davantage de ressentiment contre la procédure que contre le réalisateur. Dans une tribune au Los Angeles Times en 2013, intitulée « Juger le film, pas lhomme », elle rappelle que ce que M. Polanski lui a fait est « indubitablement horrible », pour préciser ensuite que « la médiatisation autour de tout cela a été si traumatisante que ce quil ma fait semble pâlir en comparaison ».

Elle développe ce point de vue dans un entretien, en 2017, avec la chaîne de télévision Good Morning Britain :

« Je lui ai pardonné il y a beaucoup, beaucoup dannées. () Ce qui est arrivé au tribunal et avec les médias a traumatisé toute ma famille, a changé toute leur vie (). Jétais une adolescente sexuellement active, je nai pas été traumatisée par le sexe comme tout le monde voudrait que je le sois. () »

En mai 2010, lactrice britannique Charlotte Lewis organise une conférence de presse à Los Angeles et y accuse le réalisateur davoir « abusé sexuellement » delle lors dun casting organisé chez lui en 1983, alors quelle avait 16 ans. A ses côtés, lavocate des droits des femmes Gloria Allred, célèbre aux Etats-Unis. Dans une déclaration, celle-ci ne dit pas que sa cliente a déposé plainte, mais quelle se tient prête à « témoigner » devant la justice.

Trois jours plus tard, Libération exhume un entretien de Mme Lewis avec le tabloïd anglais News of the World, datant de 1999, qui sème le trouble. La version de lintéressée y diffère sensiblement : « Je savais que Roman avait fait quelque chose de mal aux Etats-Unis, mais je voulais être sa maîtresse. Je le désirais probablement plus que lui ne me voulait », dit-elle alors selon Libération, qui ajoute que « jamais dans linterview Charlotte Lewis ne fait allusion à déventuels abus sexuels ».

Lintéressée maintient cependant ses accusations, assurant que « nombre de citations qui [lui] sont attribuées dans larticle de News of the World ne sont pas exactes », et précisant :

« Jen reste aux déclarations que jai faites à la police et au procureur du comté de Los Angeles, et je serais heureuse dêtre confrontée à Roman Polanski. »

Charlotte Lewis à Los Angeles, en mai 2010. DAVID LIVINGSTONE / AFP

En août 2017, une femme identifiée comme « Robin »accuse Roman Polanski de lavoir agressée sexuellement lorsquelle avait 16 ans. Son dossier est également pris en charge par lavocate Gloria Allred. Les faits qui auraient eu lieu en 1973 sont prescrits.

Dans une déclaration, laccusatrice explique pourquoi elle a mis si longtemps à prendre la parole :

« Récemment, jai vu Samantha Geimer aux informations, défendant visiblement M. Polanski et disant quil avait fait tout ce quil avait à faire. Cela ma rendu furieuse ! »

Gloria Allred précise sur son site Internet que sa cliente « a choisi de ne pas déposer plainte » et que sa démarche, comparable à celle de Charlotte Lewis, vise plutôt à témoigner dans lhypothèse où M. Polanski retournerait devant la justice américaine dans laffaire Geimer :

Lire :Lembarras du cinéma face à Roman Polanski

En septembre 2017, Renate Langer, une ancienne actrice, dépose plainte pour viol, affirmant avoir été agressée en 1972 à Gstaad alors quelle avait 15 ans. Elle sest confiée au New York Times. Le 8 novembre de cette même année, la justice suisse déclare que les faits allégués sont prescrits.

Quelques mois après cette accusation, en 2018, la prestigieuse académie des Oscars avait décidé dexclure le réalisateur.

Plus que les autres, cette accusation agite le monde du cinéma français. LARP, Société civile des auteurs, réalisateurs et producteurs, réfléchit à déventuelles sanctions à lencontre de ses membres mis en cause dans des affaires de violence sexuelle, une décision qui pourrait concerner le réalisateur.

Lactrice Adèle Haenel, qui avait dénoncé le 3 novembre auprès de Mediapart des « attouchements » quaurait commis sur elle le réalisateur Christophe Ruggia quand elle était adolescente, a appelé samedi à « soutenir » Valentine Monnier.

En réaction au témoignage de Mme Monnier, lavocat du réalisateur, Hervé Temime, a dit à lAgence France-Presse que son client « conteste fermement toute accusation de viol » et qu« à [sa] connaissance » aucune procédure judiciaire autre que celle concernant laffaire Geimer nétait engagée contre son client. Roman Polanski dit réfléchir à une riposte judiciaire.

En 2017, après les accusations de Mme Lewis, le même Me Temime avait diffusé un communiqué :

« Les seuls faits quon peut reprocher [à Roman Polanski] sont ceux qui concernent Samantha Geimer quil a reconnus dès sa première audition il y a quarante ans et à légard desquels Mme Geimer sest encore exprimée récemment, en réaffirmant à la fois son pardon à M. Polanski et les reproches quelle faisait à la justice américaine. La justice suisse et la justice polonaise ont estimé quil avait exécuté sa peine, et au-delà. Il conteste toutes les autres accusations sans fondement dont il a fait lobjet. »

Julien Lemaignen

Contribuer

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *