Est-ce que tout le monde est au niveau à l’université ? C’est l’annonce qui vient d’être faite par l’intermédiaire du Chef de l’Etat, dont les actions, les orientations et les actions ont marqué son destin. Regardons de plus près un président par intérim.
Dans ce palais de l’Elysée, sujet aux changements spectaculaires et aux portes qui claquent, le sien est au premier étage. Arnaud Jolens, scénographe d’Emguyuel Macron, officie depuis l’aile dédiée aux communicants. Le type qui, sur son ordinateur portable, a dessiné la conférence de presse du président le 16 janvier, en deux puis en trois dimensions : la scène, le pupitre qui domine les journalistes, au centre de la salle de réunion de la ville, la « toile de fond de la scène », une variation de « bleu marine » et de « sang rouge », et ce personnage pixélisé, au centre de l’écran : le chef de l’État.
« Directeur de projets dans le domaine de l’image, des cérémonies et des événements primaires » dans l’organigramme présidentiel, l’homme de 40 ans accompagne Emmanuel Macron depuis 2016. Leur métier : « faire en sorte que la forme soit au service du fond ». Et cela peut exacerber un sentiment, une distorsion. À l’heure de la photographie où le quotidien de la politique se décompose en « séquences », ce consultant méticuleux s’assure de chorégraphier toutes les représentations du grand protagoniste du pouvoir. Leurs entrées, leurs sorties, leurs discours. . . Ce n’est pas un hasard si Emmanuel Macron a eu l’aide d’un professionnel sur scène. Tant dans sa vie personnelle que dans sa conception du pouvoir, le théâtre est écrit en lettres majuscules. C’est peut-être même le fil conducteur de son existence, qui l’aide à revenir sans cesse à lui. . .
En pleine crise pandémique, en février 2020, le chef de l’État a pris la décision de se rendre en Italie, défiant les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui s’est ensuite opposée aux voyages. Le nord de La Botte est déjà confiné. L’enjeu diplomatique est important : il s’agit de consolider les liens de la France avec ce pays, après deux années de climat exsangue. Si les vacances ne sont pas un caprice, un détail intrigue : Emmanuel Macron insiste pour que cette rencontre avec Giuseppe Conte, président du Conseil, se tienne à Naples. Il exprime un autre souhait à ses conseillers diplomatiques : s’arrêter au théâtre San Ferdinando. Son personnel, comme la plupart des profanes, ignore que les productions sont liées à celles du dramaturge Eduardo De Filippo. Sur place, la presse locale, également intriguée, l’a interrogé sur son lien avec cette ville. « Naples me coûte très cher », confie-t-il. Eduardo De Filippo est un écrivain spécial pour moi car grâce à lui j’ai rencontré ma femme. « L’Art de la comédie » n’est pas en fait sa plus grande œuvre napolitaine, mais c’est une belle pièce. Je l’ai adapté quand j’étais au lycée, à l’université, et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré ma femme, donc il a une place particulière dans mon cœur. »
J’ai découvert que nous nous connaissions
La trame se tisse vingt-huit ans plus tôt, au lycée La Providence, à Amiens, où il est né. L’élève de seconde s’inscrit à l’atelier animé par une certaine Brigitte Auzière. La professeure de lettres et de latin initie les élèves de cet établissement catholique aux joies des planches. En fin d’année, l’ardent novice interprète un épouvantail dans « La Comédie du langage », de Jean Tardieu. Le jeune Macron découvre le vertige de la scène. La sensation si particulière qui étreint les acteurs, le trac, l’adrénaline, la lumière des projecteurs, la voix qui dévore le silence, les applaudissements. Il est conquis. À la rentrée suivante, l’élève souhaite adapter une pièce, « L’Art de la comédie », donc, de l’Italien Eduardo De Filippo. Or, ce texte, critique radicale du pouvoir, compte moins de rôles qu’il n’y a d’élèves. L’apprenti comédien propose alors à l’enseignante d’écrire ensemble de nouveaux personnages. Comment résister à une telle audace, à tant d’ardeur ? Les vendredis soir, au domicile familial des Auzière, ils modèlent l’œuvre, à quatre mains. Leurs cœurs s’emmêlent, aussi. « La pièce écrite, nous décidions de la mettre en scène ensemble. Nous parlions de tout. L’écriture devint un prétexte. Je découvrais que nous nous étions toujours connus », confiera-t-il*, des années plus tard. Au printemps 1994, la première est donnée à la Comédie de Picardie, théâtre du centre-ville d’Amiens.
À l’époque, François Mitterrand était encore président. Le jeune Emmanuel n’avait même pas quatre ans lorsque la France porta le sphinx à la tête de l’État. Il a 17 ans lorsque ce dernier quitte le pouvoir après deux mandats de sept ans. Quatorze ans de règne théâtral, décisifs pour le citoyen en herbe. Brigitte Macron le répète à ses visiteurs : « Pour Emmanuel, le style d’incarnation, c’est Mitterrand. Bruno Roger-Petit, conseiller de réminiscence à l’Elysée, abonde dans le même sens : « Son cerveau a été façonné par la théâtralité de la force, la mise en forme d’un sacré pour donner un visage à la République. »
Dès le soir de son élection, Emguyuel Macron l’a acclamé. Ce sens théâtral partagé – ou cette recherche de filiation – n’échappe pas au consultant audiovisuel de François Mitterrand. En mai 1981, Serge Moati filme la marche solitaire du socialiste à travers le laviarinto des héros de la République. Trente-six ans plus tard, le 7 mai 2017, le réalisateur suit à la télévision les premiers pas de l’homme qui s’apprête à prendre le pouvoir. Le Louvre Mitterrand », dit-il. Symbolisme, sacralisation républicaine, tout ! Quand Mitterrand a terminé sa tournée des sous-sols, il a rejoint la lumière et est devenu président. Ce passage de l’ombre à la lumière, c’est ce qui s’est passé au Louvre.
Comme son accès à l’Elysée le jour de son investiture, le 14 mai 2017. Une balade tranquille, des pas lents pour adopter la démarche d’un roi. La solennité du monarque qui prend possession de son palais, la sérénité des élus qui ont gagné l’onction du suffrage universel. Une façon de se démarquer de son prédécesseur, qui avait terminé cette aventure en seulement trente secondes, cinq ans plus tôt. Cependant, les experts se sont moqués de cette interprétation. « C’est comme être dans une pub Armani, c’est trop grossier. « On s’attend à voir une grue qui semble faire un plan large », dit un réalisateur qui avoue toutefois avoir « un certain sens de la mise en scène ».
Selon Moati, soigner ses effets, son discours, ses gestes, sa mise en scène serait inhérent à l’exercice présidentiel. Mieux encore, à un exercice présidentiel réussi. Mais attention, être un acteur intelligent ne veut pas dire non dans ce que vous dites, dit-il. Il faut être un acteur intelligent pour transformer les mots en actes et les émotions en gestes et en intonations. Anne Fontaine, réalisatrice du film « Présidents », dans lequel Jean Dujardin et Grégory Gadebois incarnent respectivement Nicolas Sarkozy et François Hollande, évoque aussi cette petite et inexplicable âme supplémentaire qui marque l’empreinte des grands : « C’est curieux, chez les hommes politiques, tout ce qui est cadeau, comme pour un acteur de cinéma. Il y a ceux qui passent la rampe, qui ont du charisme, de la magie, de l’expressivité et d’autres qui sont beaucoup plus tranchants injustement. Quand vous donnez une audition à des acteurs pour un rôle, il y en a certains que vous pensez que vous êtes comme, « Oh mon Dieu! »Vous les mettez derrière la caméra et rien. C’est la même chose avec les politiciens.
Emmanuel Macron avait-il cela en tête ? Bien qu’il ait étudié le théâtre dans un lycée et donné des cours de théâtre à des adolescents lorsqu’il était à l’Ena, son talent n’a pas été acclamé. Dans « Emmanuel Macron, le banquier qui voulait être roi », François-Xavier Bourmaud** raconte comment l’apprenti comédien a tenté de se faufiler dans le monde du cinéma, sans succès. « Il s’inscrit au Cours Florent de l’élégance décontractée et va même jusqu’à des castings, dont un pour un film avec Jean-Pierre Marielle. Mais ils ne comprennent pas. A la veille de sa prise du pouvoir, le candidat Macron se rend compte qu’il va devoir progresser. Il travaille ses textes, répète ses discours, sa diction, prend des cours, notamment pour mettre sa voix sur le terrain avec un baryton, Jean-Philippe. Lafont : « Je lui ai demandé s’il accepterait d’admettre qu’il parlait trop vite, qu’il n’articulait pas assez, qu’il ne faisait pas attention à la ponctuation, qu’il ne respirait pas bien et qu’il enchaînait les phrases les unes aux autres. Très à l’écoute, l’intéressé acquiesce. C’est un élève extraordinaire », dit son coach vocal, faisant référence à ses progrès constants.
Le 6 avril 2016, le ministre de l’Economie a présenté son mouvement En Marche !Cette première n’est pas vraiment une réussite. Debout sur une estrade, mal à l’aise avec le micro qu’il tient près de son cœur, les gestes d’Emmanuel Macron ne sont pas optimaux. Sa scénographe nouvellement recrutée est passée à l’action lors de sa première rencontre, le 12 juillet 2016, à la Mutualité. Comment t’appropries-tu la scène, comment bouge-toi, parles-tu, pose-t-on les bras ?aux micros-cravates HF pour lâcher vos mains, parce que vous le souhaitez, pour avoir des expressions plus aériennes. C’est un tournant », se souvient Arnaud Jolens. Une fois élu, au début de son mandat, à la recherche d’une incarnation « jupitérienne », Emmanuel Macron tâtonnait et se déguisait.
Supporter de l’Olympique de Marseille, pilote militaire, plongeur. Il a également joué et dirigé au 55 rue du Faubourg-Saint-Honoré. À l’instigation du couple, le corridor du village a accueilli une assemblée artistique mensuelle au début des cinq années. Mandat de l’année. En mars 2018, le chef de l’État a endossé le rôle de narrateur du conte musical de Prokofiev « Pierre et le loup ». En janvier 2019, pour sortir de la crise des gilets jaunes, le président a enfilé sa blouse, sur les manches de sa blouse, une excursion de stand-up politique – le merveilleux débat national – qu’il avait lui-même créée pour (re)conquérir l’opinion publique. Micro à la main, il installe une exposition dans les couloirs municipaux, travaille sur ses silences, ses effets manga.
En 2020, alors qu’il était privé de contact avec son auditoire, le confinement, un soin infini a été apporté au cadre de ses discours. Il cherche à jouer le rôle du père de la patrie qui entre dans la maison. Après sa réélection, l’actuel président a travaillé sur son corps, s’est mis à la boxe, comme le ferait un artiste pour être plus productif lors de ses prochaines performances. Pour durer, il faut être prêt physiquement », sourit l’un de ses proches. Un acteur ne dirait pas le contraire.
Emmanuel Macron le sait, lui qui les fréquente si souvent. « Il voit plus de comédiens et d’acteurs que d’écrivains », appuie un de ses collaborateurs. Dans son entourage officieux, le producteur de spectacles Jean-Marc Dumontet occupe une place de choix. Le Président aime cet art, apprécie la compagnie de ceux qui le font. Les acteurs Pierre Arditi et François Berléand, tous deux présents à la brasserie La Rotonde, le soir du premier tour de la présidentielle, en avril 2017. Fabrice Luchini, qui a prêté au couple sa maison de l’île de Ré, en 2016. Christian Hecq, sociétaire de la Comédie-Française, que les Macron affectionnent particulièrement. Mais aussi Guillaume Gallienne, Michel Fau… C’est à des acteurs que le Président réserve son tout premier dîner à l’issue du dernier confinement. Éclectique dans ses Président. Ce n’est pas tout à fait pareil. Cette fonction impose d’avoir un certain maintien, une certaine tenue, mais pas uniquement. Comment être familier, proche, tout en étant solennel ? C’est un rôle impossible », assène-t-il, avant de défendre la « présidence normale », érigée en mantra par François Hollande. « Même si elle a été beaucoup critiquée, poursuit-il, cela reste une conception politique que d’être un Président qui ne tombe pas dans les excès, qui n’est pas dans l’emphase, qui n’est pas dans cette distance pouvant être prise pour du mépris, qui ne commet pas d’indélicatesse ou de vulgarité. »
Une analyse balayée par le scénographe du Président. « Les Français ne veulent pas un Président normal. Ils veulent un être en surplomb, plus beau qu’eux, plus fort qu’eux, plus brillant qu’eux. Et qui l’incarne », plaide Arnaud Jolens. Les électeurs, eux, ont tranché ce débat et consacré l’interprétation présidentielle d’Emmanuel Macron en l’élisant à deux reprises… Denis Podalydès, qui a interprété le personnage de Nicolas Sarkozy dans le film « La Conquête », en 2011, repousse le parallèle. « L’incarnation que réclame cette fonction devrait être la plus sobre, pas théâtrale ni pseudo-goûts, il se rend régulièrement au théâtre avec son épouse. Aux Bouffes du Nord, à la Comédie-Française, au Théâtre Antoine, où il lui est arrivé de dîner en cuisine, à l’invitation de la directrice déléguée des lieux, Stéphanie Bataille, à l’issue de représentations, en compagnie d’acteurs… Le Président, un comédien parmi les autres ? L’expérience scénique que décrit cette proche du chef de l’État le laisse penser, en filigrane : « Quand on est sur les planches, on a un rapport au temps différent. Il y a un côté éternel, on est dans la plus grande liberté. Si, subitement, on a envie de se mettre à poil, on fait ce qu’on veut. Le sentiment de liberté est total. On le sent dans son corps. »
L’idéal servirait-il de rôle ? Un ancien collègue d’Emmanuel Macron, collègue du quinquennat de François Hollande, le dément : « Être président suppose des figures de rhétorique, des figures au sens protocolaire, des discours solennels. Mais on ne joue pas à être président, on a être » président. Ce n’est pas exactement la même chose. Cela constitue un appel à un soutien sûr, à un soutien sûr, mais pas seul. Comment pouvons-nous être à la fois familiers, proches et solennels ? C’est un rôle », a-t-il déclaré, avant de défendre la « présidence normale » que François Hollande a érigée en mantra. « Même si cela a été très critiqué », poursuit-il, « être un président qui ne tombe pas dans les excès, qui ne se met pas en valeur, qui n’est pas dans cette distance qui peut être confondue avec le mépris, qui n’est pas dans cette distance qui peut être confondue avec le mépris, qui ne consacre pas un manque de délicatesse ou de vulgarité. »
Une enquête ignorée par le scénographe du président. Les Français n’ont pas besoin d’un président général. Ils ont besoin de quelqu’un au-dessus d’eux, plus beau qu’eux, plus puissant qu’eux, plus brillant qu’eux. Et qui l’incarne », argumente Arnaud Jolens. Les électeurs, quant à eux, ont tranché ce débat et consacré l’interprétation présidentielle d’Emmanuel Macron en l’élisant deux fois. . . Denis Podalydès, qui a joué le personnage de Nicolas Sarkozy dans le film « La Conquête » en 2011, rejette le parallèle. L’incarnation de cela sert d’exigence qu’il soit aussi sobre que possible, pas théâtral ou pseudo-grandiose. C’est une datation de la vérité, du sens, de l’autorité, de la nation, des valeurs démocratiques, en d’autres termes, des choses résumées qui n’ont pas besoin d’être soulignées ou exagérées. « C’est exactement ce que j’ai appris quand j’ai ‘incarné’ Sarkozy », nous écrivait-il il y a quelque temps. Quand on cherche un personnage, une pose, une posture, qu’on se divise en deux, comme le fait un acteur entre un personnage et une personne, il y a « C’est une menace de mensonge, de romantisme, d’imposture. Monsieur le Président, ce n’est pas un rôle.
* « Révolution », d’Emmanuel Macron (XO Éditions, 2016).
** « Emmanuel Macron, le banquier qui aspirait à être roi », par l’intermédiaire de François-Xavier Bourmaud (ed. L’Archipel, 2016). Cet article complète et actualise un texte écrit par Ava Djamshidi publié dans « Deux mille vingt-deux, los angeles fabrique de los angeles présidentielle », acte 1, le 25 novembre 2021 (éd. Robert Laffont).