Cest lune des principales revendications du mouvement social qui secoue le Chili depuis la mi-octobre : remplacer la Constitution héritée de la dictature dAugusto Pinochet (1973-1990). Les partis politiques chiliens sont parvenus, vendredi 15 novembre, à un accord historique au Parlement pour organiser un référendum en avril 2020 en ce sens, afin de tenter dapaiser cette crise sociale inédite.
Après plusieurs heures de négociations au Parlement, la coalition gouvernementale et les principaux partis dopposition ont signé un « accord pour la paix et la nouvelle Constitution » qui prévoit un référendum comportant deux questions : lune sur la révision ou non de la Constitution et lautre, le cas échéant, sur la méthode pour la rédiger, a expliqué le président du Sénat, Jaime Quintana, lors dune conférence de presse.
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Cette seconde question devra déterminer quel organe sera en charge de la rédaction du nouveau texte : soit un Congrès mixte idée soutenue par la coalition gouvernementale composé à parts égales de membres élus à cette fin et de parlementaires en exercice, soit une assemblée constituante intégralement composée de membres élus à cette fin idée soutenue par lopposition.
Si le projet de révision est validé par référendum, lélection des membres de lune ou lautre de ces instances se fera en octobre 2020, au suffrage universel, en même temps que les élections municipales et régionales. La ratification de la nouvelle Constitution seffectuera au suffrage universel, avec vote obligatoire pour loccasion.
« Une victoire contre la violence »
Laccord est intervenu au sein dun Congrès où aucun bloc ne dispose dune majorité des deux tiers nécessaire pour une révision constitutionnelle. « Cest une réponse de la politique au sens le plus noble du terme, la politique qui pense au Chili, qui prend son destin en main et qui assume ses responsabilités », a affirmé M. Quintana, membre du Parti pour la démocratie (opposition de centre gauche), qui sexprimait au côté dautres responsables de partis politiques chiliens à lexception du Parti communiste.
« Nous sommes heureux davoir pu conclure un accord qui marque une victoire contre la violence », a assuré de son côté Jacqueline van Rysselberghe, présidente de lUnion démocratique indépendante (UDI, conservateur), pilier de la coalition soutenant le président Sebastian Piñera.
« Les gens ont été capables de faire bouger les barrières de la politique, a observé Catalina Perez, présidente de Revolucion Democratica (gauche radicale). Oui, nous pouvons rêver dune Assemblée constituante. »« Cet accord constitue un premier pas, mais cest un premier pas historique et fondamental pour commencer à construire notre nouveau pacte social dans lequel la citoyenneté va tenir un rôle prépondérant », a déclaré de son côté le ministre de lintérieur, Gonzalo Blumel.
La révision de la Constitution héritée de la dictature dAugusto Pinochet (1973-1990), toujours en place dans sa majeure partie malgré le retour à la démocratie il y a trente ans, figure en bonne place dans les revendications des manifestants qui protestent depuis le 18 octobre. La contestation avait démarré contre une hausse du ticket de métro à Santiago et sest vite transformée en une explosion sociale sans précédent dans ce pays sud-américain. Les manifestations, qui ont fait 22 morts et plus de 2 000 blessés, restent massives près dun mois après leur début.
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Une Constitution sur mesure
Le président Sebastian Piñera a changé de discours, annonçant samedi préparer un projet de modification de la Constitution, alors que durant les neuf premiers jours de la contestation il avait déployé larmée dans les rues pour la première fois depuis la dictature.
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Approuvée le 11 septembre 1980 lors dun plébiscite controversé en plein régime militaire, lactuelle Constitution avait été faite sur mesure pour que les secteurs conservateurs de la société puissent se maintenir au pouvoir, y compris après la fin de la dictature, avec notamment des quorums très élevés pour tout changement de fond.
Augusto Pinochet (1915-2006) na réellement quitté la vie politique que dix ans après la fin du régime militaire, restant commandant en chef de larmée jusquen 1998 et sénateur jusquen 2001.
La loi fondamentale, dont lidéologue dextrême droite Jaime Guzman a été assassiné en 1991 par un commando dextrême gauche, a subi une dizaine damendements depuis 1990 et la fin de la dictature, notamment en 2005 après un large accord politique pour permettre de limoger les chefs militaires sans accord préalable du Conseil de sécurité nationale ou stipuler que les sénateurs soient désormais tous élus.
La présidente socialiste Michelle Bachelet avait proposé à la fin de son deuxième mandat (2014-2018) une révision constitutionnelle quavait écartée son successeur Sebastian Piñera.
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