Finkielkraut sur LCI: retour sur une invraisemblable polémique – Le Figaro

Cest lironie du sort: lémission avait pour thème «Toutes les opinions sont-elles bonnes à dire?». Sur LCI mercredi 13 novembre, plusieurs personnalités étaient réunies sur le plateau de David Pujadas pour débattre de la liberté dexpression en France. Dans une atmosphère tendue, les invités (parmi lesquels les avocats Georges Kiejman et Emmanuel Pierrat, la militante féministe Caroline de Haas, le dessinateur Philippe Geluck, le journaliste Frédéric Taddeï ou le philosophe Alain Finkielkraut) se sont parfois vivement apostrophés sur des sujets comme lhumour de Pierre Desproges ou de Jean-Marie Bigard, ou encore laffaire Polanski.

Mais la passe darmes la plus vive est celle qui oppose Caroline de Haas et Alain Finkielkraut, la première reprochant à lacadémicien de minimiser la gravité du viol. «250 femmes adultes sont violées en France chaque jour. […] Quand vous avez des personnes qui passent à la radio très régulièrement, qui disent que par exemple quand un homme de quarante ans viole une fillette de treize ans, ce nétait pas vraiment un viol parce quelle nétait plus vraiment une petite fille, comme la fait Monsieur Finkielkraut, de fait je suis désolée, ça banalise la réalité du viol. […] Quand vous dites ça, Monsieur Finkielkraut, le message que vous envoyez à toutes les petites filles qui ont été violées dans ce pays, cest que ce nétait pas grave.» Visiblement agacé, Alain Finkielkraut lui répond: «Violez, violez, violez! Voilà, je dis aux hommes: violez les femmes! Dailleurs, je viole la mienne tous les soirs!» «Vous navez pas le droit de dire ça, ce nest pas drôle», soffusque alors la militante. Le présentateur David Pujadas précise alors: «non, mais cest du second degré!»

Sur le moment, le débat se poursuit sans que ce trait dironie suscite le scandale. Mais le lendemain matin, Caroline de Haas sindigne sur son compte Twitter de cette séquence, dont elle conclut que son interlocuteur «a besoin daide».

Hier, sur @LCI, Alain Finkielkraut a dit : « Je viole ma femme tous les soirs, elle en a marre ». Je ne sais pas quoi faire de cela. Soit ce monsieur est violent, soit il trouve ça drôle de caricaturer le viol conjugal. Soit les deux. Dans tous les cas, il a besoin d’aide.

? Caroline De Haas (@carolinedehaas) November 14, 2019

Quatre députés de la France insoumise, Mathilde Panot, Danièle Obono, Ugo Bernalicis, et Bénédicte Taurine ont par ailleurs saisi le procureur de la République de Paris sur la base de larticle 40 du code de procédure pénale pour provocation «à la haine ou à la violence à légard dune personne ou dun groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre».

Rentré chez lui, le philosophe navait pas eu limpression davoir fait polémique. Il reçoit un coup de fil inquiet de France Culture: «Vous vous rendez compte, vous êtes en tendance sur twitter!». «Quest-ce que jen ai à faire dêtre numéro 1 sur twitter», leur répond-il. Lui est bien loin des réseaux sociaux et de leurs polémiques: il na même pas de téléphone portable. «Comment peut-on prendre ça au sérieux une seconde?» se défend auprès du Figaro lintéressé. «Jai été accusé de faire lapologie du viol car je défendais Polanski. Cest une accusation monstrueuse, et cest cela qui devrait susciter lindignation. Face à cela, javais deux solutions: soit hurler, soit rire. Jai choisi la seconde, et pour faire apparaître le caractère absurde dune telle mise en cause, jai surenchéri» explique-t-il. «Aujourdhui, on ne comprend plus lironie: il faut être littéral, autrement les gens nentendent rien.» Déjà familier de ce genre de polémiques, le philosophe se réjouit toutefois que des contradicteurs aient pris sa défense, tel Claude Askolovitch: «On peut penser que Finkielkraut a gravement tort, cest mon cas, sans faire semblant de prendre une ironie de plateau télé pour un appel au viol» a exposé le journaliste dans un tweet.

Présent ce même soir le plateau de LCI, Frédéric Taddeï navait pas entendu parler de la polémique avant dêtre contacté par Le Figaro. «Cétait évidemment du second degré, on ne va tout de même pas sous-titrer tout ce qui est dit à la télévision!» sétonne-t-il. «Il ny avait aucune ambiguïté possible» confirme de son côté lavocat Emmanuel Pierrat, qui participait lui aussi à lémission. «Cest une polémique artificielle, que Caroline de Haas entend récupérer a posteriori. Même si je ne partage pas ses idées, je peux comprendre quAlain Finkielkraut ait employé un ton vif: ses propos étaient sans arrêt détournés. Exactement ce que lémission était supposée dénoncer!»

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Une pétition réclamant son éviction de France Culture, où il anime depuis 30 ans lémission «Répliques», a été lancée sur change.org relayée par lactiviste féministe Fatima Benomar connue pour avoir demandé linterdiction des hôtesses sur le tour de France. Elle ne rassemblait vendredi après-midi que 5000 signatures. «Ça fait 20 ans que ça dure. Il y a déjà eu des pétitions.», soupire Raphaël Enthoven. «Ce serait monstrueux. On ne vire pas les gens pour des délits dopinion! Supprimer «Répliques» serait un crime pour la transmission. Tout le monde doit défendre cette émission merveilleuse. Peu de gens ont donné autant la parole que lui à ses adversaires.»

Contactée par Le Figaro, la directrice de France Culture Sandrine Treiner réagit à la polémique. «Je ne doute pas du second degré des propos tenus par Alain Finkielkraut. Je ne pense pas quil appelle à violer qui que ce soit. Je pense néanmoins que le débat public a besoin de calme plutôt que dhystérie, et je pense quil ferait mieux de sabstenir de participer à ce genre démission.» La directrice de France Culture déplore «cette façon de pourfendre à tout va le politiquement correct.» «Un jour on finira par le regretter, le politiquement correct. Si je suis à France culture, cest précisément par ce que je pense que le débat a besoin de mesure. Cest pourquoi je suis attachée à ce quil y a de meilleur dans Répliques.» Elle balaye toute éventualité darrêt de lémission. «Je ne réponds pas aux injonctions à virer qui que ce soit. Cette émission a totalement sa place à France Culture».

Elle sera dailleurs à lantenne samedi 16 novembre, avec pour thème: le cinéma de Woody Allen.

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