Des militants de Greenpeace ont déployé une banderole portant la mention « déforestation en cours » sur la bioraffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), en signe de protestation contre limportation dhuile de palme par Total, le 29 octobre. BORIS HORVAT / AFP
La décision suscite un tollé chez les associations écologistes et parmi les députés. Jeudi 14 novembre, lAssemblée nationale a voté, sans débat, un report à 2026 de leffacement de lhuile de palme de la liste des biocarburants, qui bénéficient dun avantage fiscal. Cette mesure est favorable au groupe pétrolier Total pour sa nouvelle bioraffinerie de La Mède, près de Marseille.
Des députés de la majorité et de lopposition ont aussitôt réclamé un nouveau scrutin, mais « à ce stade », le gouvernement ne prévoit pas de nouvelle délibération. La commission des finances de lAssemblée doit se réunir à la mi-journée sur ce point, le rapporteur général Joël Giraud (La République en marche, LRM) ayant demandé une nouvelle délibération.
Report à 2026 de la fin de l’avantage fiscal huile de palme : la commission des finances de l’Assemblée se réunit e https://t.co/Q0I4zMGI1D
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Les députés avaient adopté lan dernier la sortie de lhuile de palme des biocarburants à compter du 1er janvier 2020. Mais jeudi, « lamendement est passé en deux secondes » avec « avis défavorable du rapporteur général, favorable du gouvernement, sans aucun débat ! Cest une erreur à rattraper en deuxième lecture », estime Bénédicte Peyrol (LRM) sur Twitter.
« Beaucoup ne savaient même pas de quoi il était question », assure une autre députée LRM. « On sest fait niquer ! () Si le groupe me le demande, je réclamerai une deuxième délibération », réagissait auprès de lAFP M. Giraud dans la nuit de jeudi à vendredi. Le député LRM et candidat à la mairie de Paris Cédric Villani a déploré que la majorité envoie ainsi des « signaux contradictoires » sur le thème environnemental. Or, « cest un devoir davoir une attitude claire et ferme face à ces enjeux écologiques majeurs », a-t-il exhorté sur LCI.
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« Cadeau fiscal »
Lamendement voté en plein examen du budget 2020 est cosigné par des élus du Mouvement démocrate (MoDem), de la République en marche (LRM) et des républicains (LR) des Bouches-du-Rhône où est installée la raffinerie. Il na fait lobjet daucun débat en séance.
Au MoDem, Bruno Millienne, qui avait porté la sortie de lhuile de palme des biocarburants lannée dernière, se dit « dégoûté », dautant que lamendement est cosigné par son collègue Mohamed Laqhila. Le groupe centriste souligne que le vote de jeudi « nest pas un amendement de groupe mais un amendement individuel ».
Le sort de l’huile de palme dans les biocarburants – soit de la forêt en Asie – a donc été expédié en moins de 20se https://t.co/yZN2nCE1NS
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Chez Libertés et Territoires, Matthieu Orphelin, proche de Nicolas Hulot, « demande une nouvelle délibération, un recul serait inacceptable ». Pour le président (ex-LR) des Hauts-de-France Xavier Bertrand, « cest un coup de poignard fait au développement local des biocarburants ! Dautres solutions [que lhuile de palme] existent et ne sont pas responsables de désastres écologiques ! »
Ce vote a également suscité lire des Amis de la Terre. Selon cette association écologiste, « les députés de la majorité, avec la complicité du gouvernement, viennent de céder au lobbying éhonté de Total », et de faire un « cadeau fiscal évalué entre 70 et 80 millions deuros ».
Concurrence européenne
De son côté, Total renvoie aux déclarations de son PDG, Patrick Pouyanné, dans Le JDD fin octobre. Ce dernier avait affirmé vouloir « juste être au même niveau de compétition que nos concurrents européens qui, contrairement à nous, bénéficient dun avantage fiscal jusquen 2030 » :
« Une solution gagnant-gagnant serait que la France arrive à convaincre ses partenaires européens de sortir plus tôt de lhuile de palme, par exemple dans cinq ans, en 2026, et non en 2030. [] Lenjeu de Total, ce nest pas lhuile de palme, puisque lusine de La Mède peut fonctionner avec des huiles de colza ou de tournesol. »
La raffinerie dagrocarburants de La Mède, une des plus grandes dEurope, a démarré début juillet, employant directement 250 personnes. Selon le groupe pétrolier, la raffinerie doit traiter 650 000 tonnes dhuiles et graisses par an et sapprovisionner en huile de palme « durable et certifiée » à hauteur de 300 000 tonnes au maximum.
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Son activité est régulièrement dénoncée par les militants écologistes, dont Greenpeace, qui a bloqué son accès fin octobre en laccusant de « déforestation massive » pour produire de lhuile de palme. Sur un plan judiciaire, Greenpeace France conteste devant le tribunal administratif de Marseille lautorisation préfectorale délivrée à Total pour ouvrir cette raffinerie.
Le vote du Parlement lan dernier devait signifier la suppression de lavantage fiscal dont bénéficiaient les carburants à base dhuile de palme, au titre de biocarburants. Total avait tenté un recours, mais le Conseil constitutionnel a débouté le groupe pétrolier le 11 octobre, en jugeant que le Parlement pouvait tout à fait supprimer cet avantage fiscal.
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