L’Etat investit des milliards d’euros dans des aides à l’investissement locatif, mais s’y retrouve grâce aux recettes générées par le secteur de la construction (TVA, cotisations sociales). C’est l’argument mis en avant par les professionnels de l’immobilier pour défendre les incitations fiscales qui se sont succédé depuis les années 1990 (Scellier, Robien, Borloo, Duflot, Pinel)
Un rapport publié ce jeudi par l’Inspection générale des finances (IGF) et le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) remet en cause ce discours : « L’impact budgétaire net du dispositif est négatif pour l’Etat quelles que soient les hypothèses retenues », estiment les auteurs, à qui le gouvernement a commandé une évaluation du dispositif Pinel, dont l’échéance est pour l’instant fixée à 2021.
Cette conclusion sonne comme une réponse à
une étude publiée par les professionnels en septembre et qui concluait à un bilan globalement positif
. D’après la mission d’inspection, cette étude réalisée par le cabinet Primeview comparait le coût de l’avantage fiscal aux recettes de TVA liées à la construction et ne mesurait donc pas l’effet du Pinel sur la croissance.
La mission a évalué l’effet des aides sur les finances publiques en testant plusieurs hypothèses en fonction du comportement des bailleurs et des locataires. Le bilan ressort chaque fois négatif. Or, le coût budgétaire total des aides à l’investissement locatif frôle désormais les 2 milliards d’euros par an, contre 500 millions d’euros il y a dix ans.
Un rendement souvent négatif
Pour les particuliers,
investir en loi Pinel n’est pas toujours une bonne affaire
en raison notamment d’une décote de 30 % des prix dans l’ancien par rapport au neuf. « L’attrait de la réduction fiscale semble masquer dans la moitié des cas un rendement net global négatif au bout de 9 ans, hors effet de la hausse du prix de l’immobilier », note le rapport.
En clair, la « carotte fiscale » est le plus souvent l’élément déclencheur psychologique, et éclipse souvent
la question du rendement locatif
ou de la plus ou moins-value à la revente. C’est ce dernier élément qui est déterminant dans la rentabilité d’un investissement locatif. La mission montre qu’« un investissement Pinel a un rendement global positif, si les prix de l’immobilier ont augmenté de plus de 11 % en neuf ans, soit une croissance annuelle de 1,2 %. ».
« Standardisation des logements »
Un autre effet négatif est souligné par ce rapport : le Pinel incite les promoteurs à concevoir les logements pour attirer les investisseurs. D’où une offre qui ne correspond pas toujours aux besoins locaux, par exemple en logements familiaux. Les auteurs ont constaté « une certaine standardisation des logements » et une « dégradation plus rapide des copropriétés dans lesquelles la part des investissements locatifs Pinel est importante ».
Pour autant, le rapport ne recommande pas de supprimer toutes les aides, sans quoi la construction de logements risque de s’écrouler. Mais il faut passer d’une « logique de guichet ouvert » à « un soutien maîtrisé et orienté au regard des besoins de logements des habitants ». La principale proposition consiste à limiter le nombre de réductions fiscales accordées et à les allouer dans chaque région selon des critères prédéfinis (croissance démographique, vacance et qualité du parc).
Ceci pose une question d’égalité devant l’impôt. « Cette exigence n’est pas a priori incompatible avec le contingentement du dispositif », souligne le rapport, qui avance également la piste d’une transformation de cette réduction d’impôt en aide budgétaire.