Antoinette Guhl, adjointe à la maire de Paris et Julien Bayou, le 1er juin après un vote pour désigner le candidat EELV à la mairie de Paris. BERTRAND GUAY / AFP
Cest à la fois une réaffirmation et un avertissement. Les militants dEurope Ecologie-Les Verts (EELV) devaient désigner, samedi 16 novembre, les 400 délégués qui les représenteront lors du congrès du 30 novembre, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ces délégués sont issus des quatre textes soumis au vote : celui de la direction sortante, « LEcologie au pouvoir, grandir ensemble pour gagner enfin », porté notamment par les porte-parole Julien Bayou et Sandra Regol ; la motion de lancienne députée de lEssonne Eva Sas, « Le Temps de lécologie » ; et deux contributions plus marquées à gauche, « Le Souffle de lécologie » du secrétaire national adjoint Alain Coulombel et « Démocratie écolo » de Philippe Stanisière et Christine Juste.
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Selon les estimations des différentes motions, le rapport de force interne se cristallise autour de ces résultats non définitifs samedi soir : le texte de Julien Bayou arrive largement en tête avec un score aux alentours de 44 % des suffrages. Suivent ceux dEva Sas (environ 27 %) et dAlain Coulombel (22 %). Celui de Philippe Stanisière et Christine Juste récolte, quant à lui, 7 %.
Le résultat est clair : les Verts ont donc voulu reconduire léquipe de David Cormand, qui passe la main lors de ce congrès. Avec ce score, Julien Bayou revendique logiquement la place de secrétaire national. « Cest le choix clair des adhérents, on va proposer cette logique, déclare-t-il au Monde. On arrive largement en tête. On va proposer un rassemblement. Avec ces quatre motions, il y a une réaffirmation de lécologie. Cela sest déroulé dans une ambiance apaisée. »
Désaveu
Lautre leçon de ce vote interne est lavertissement adressé à Yannick Jadot. Lhomme fort des Verts, dont la liste a récolté 13,5 % des voix lors des élections européennes de mai, soutenait officieusement la motion dEva Sas. Certes, il na signé aucun texte et ce nest pas exprimé sur le sujet. Mais sa préférence était un secret de polichinelle. « Yannick na pas prévu de sexprimer sur le sujet, il ne sen est vraiment pas particulièrement occupé. Il ne faut vraiment pas voir [dans le score de laile gauche] un truc contre Yannick, vraiment pas », fait savoir lentourage de leurodéputé.
Avec un retard compris entre 15 et 20points, cest un désaveu pour laspirant présidentiable, le premier depuis deux ans. Les militants ont surtout voulu sanctionner un eurodéputé réputé trop « centriste », trop « à lallemande ». M. Jadot devra faire avec : EELV reste un parti ancré à gauche quand lui ambitionne de réunir, autour du combat pour lécologie un large spectre au-delà des clivages traditionnels, que lon pourrait résumer ainsi : de « Jean-Louis Borloo à François Ruffin ».
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M. Jadot avait dailleurs senti les prémices de cette réaffirmation de lidentité de gauche à la base dEELV lors des journées dété, en août, à Toulouse. Son discours de clôture sen était ressenti et avait reflété une nette inflexion sociale.
Eva Sas réfute toute idée de sanction envers Yannick Jadot : « La direction sortante na pas la majorité, cest aussi un désaveu ! Nous sommes satisfaits, notre objectif est rempli. » Elle ajoute : « La ligne Jadot est représentée dans toutes les motions, ce nétait pas un pour ou contre Jadot. Et désormais, il a près dun quart du parti qui le soutient. Ça le conforte. »
Faiseur de roi ou de reine
Alain Coulombel dont le texte a été signé par deux figures des Verts, Yves Cochet et Alain Lipietz se retrouve dans la meilleure position : celle du faiseur de roi (ou de reine) puisque personne na la majorité. Son score révèle aussi une volonté de sancrer à gauche puisque la motion défend notamment la « construction dun espace politique avec une partie de la gauche qui est en voie décologisation » ; comprendre la gauche « non productiviste » comme Génération.s, Nouvelle Donne ou Place publique, voire La France insoumise.
Souvre désormais une période dintenses négociations dici au 30 novembre. M. Bayou devra proposer une alliance aux autres listes, pour arriver le plus « unis » possible au congrès de Saint-Denis. Il pourrait être majoritaire avec la liste de gauche de M. Coulombel. Mais difficile de faire sans les « jadotistes » « Tout est ouvert. On rentre dans la phase de discussion. Et personne na la majorité », rappelle Mme Sas.
Le jeu reste donc ouvert. Théoriquement, une motion unique est possible, tout comme une contre-alliance pour empêcher le militant parisien de prendre les rênes du parti. Ce scénario est, malgré tout, hautement improbable.
Abel Mestre
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