« Oliver c’était un prince, un beau gosse, il avait toujours le sourire aux lèvres. Ce n’était pas un bandit. Aucun père, aucune mère ne mérite ça. C’est vraiment de la barbarie. » Les mots de ce père pour Oliver, son fils lynché à mort, arrachent les larmes de la foule rassemblée en sa mémoire ce samedi sur les bords de canal de l’Ourcq à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). C’est à quelques mètres qu’Oliver, 17 ans, a été vu pour la dernière fois en vie. Après voir été passé à tabac, dix jours avant, par une bande de Noisy-le-Sec, il avait été jeté dans un coffre de voiture et retrouvé mort jeudi dans la région de Tours (Indre-et-Loire).
Près de 500 personnes ont participé à une marche entre le quartier Rougemont, à Sevran, où Oliver a grandi et Noisy-le-Sec. Une colonne silencieuse a parcouru ces 5 km, souvent en file indienne, empruntant le chemin de halage. Une très grande majorité des participants est de la génération d’Oliver. Sur un tee-shirt, ils arborent le portrait de leur ami tragiquement disparu : un jeune homme au regard doux, qui pose sur des gradins, peut-être avant un match. Certains ont une rose blanche à la main.
Parmi les anonymes, on remarque un visage reconnaissable entre mille. Celui d’ Assa Traoré, du collectif la Vérité pour Adama. « On devrait tous être indignés par cet acte barbare, s’exclame-t-elle. Oliver, un jeune homme noir des quartiers populaires, est mort. On fait une marche et c’est tout. Les quartiers sont asphyxiés et on ne leur apporte aucun soutien! »
Un peu plus loin, des jeunes filles ont déployé un grand drap : « Grand remerciement à la police judiciaire de Bobigny. » Un hommage rendu à l’enquête hors norme qui a mobilisé tout le service départemental de la PJ de Seine-Saint-Denis. Quatre suspects ont été interpellés à ce jour. Trois d’entre eux sont écroués, dont un adolescent de 17 ans. Deux jeunes de 26 et 27 ans, accusés d’être impliqués dans le meurtre d’Oliver, ont été présentés ce soir à un juge d’instruction et mis en examen pour séquestration avec actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort.
LP/Philippe Lavieille
Une heure trente plus tard, le cortège parvient au pied du Decathlon de Noisy, là où tout a basculé. Une cinquantaine de jeunes hommes encerclent la famille face au canal dans un silence pesant. Rassemblant ses forces, Ismène prend le micro : « Une semaine, c’est long sans son enfant. » On sent poindre aussi l’exaspération : « Vous savez tous qu’il était gentil. Mon fils n’était pas un trafiquant de drogue, ni un voyou, ni un délinquant. »
L’enquête, qui n’a pas encore révélé le mobile du lynchage, explore toutes les pistes. Des jeunes filles du quartier acquiescent : « La cruauté dans laquelle Oliver nous a quittés ne correspond pas à la personne qu’il était. » Dans l’assistance, des garçons baissent la tête pour refouler leur chagrin. Le dernier interlocuteur tente de les consoler avec ces mots émouvants : « Nous n’aurons pas de meilleur monument à t’offrir que ta vie dans notre cité. N’oublie jamais de veiller sur nous, petit frère. »