En Russie, les proches touchés par la Covid-19

Les médecins russes tirent la sonnette d’alarme concernant la situation sanitaire du personnel soignant dans les hôpitaux : les soignants manquent d’équipements de protection individuelle (EPI) et ne sont pas suffisamment testés. Le nombre de malades et de décès augmentant dans leurs rangs, certains hôpitaux se trouvent en surtension.

Début mai, un collectif de médecins a décidé de constituer une base recensant le nombre de médecins et autres soignants victimes de la maladie. Pour cela ils ont créé un site baptisé “La liste de la mémoire”, où apparaissent par ordre alphabétique leurs nom, âge, fonction et lieu d’exercice de leur métier. À la date du 15 mai, cette liste comptait 222 noms.

Comme le rapporte le quotidien Nezavissimaïa Gazeta, le ministre de la Santé russe lui-même l’a reconnu. “La situation sanitaire est sous contrôle, mais malgré l’ensemble des mesures prophylactiques, nous avons dénombré 400 foyers infectieux dans les hôpitaux”, a déclaré Mikhaïl Mourachko.

De nombreux experts l’avaient signalé avant lui, estimant que les établissements hospitaliers étaient devenus “quasiment les principaux foyers d’infection, et le personnel hospitalier le premier diffuseur du coronavirus”. La première raison de cet état de fait est le manque d’EPI pour les soignants, mais on constate aussi un mauvais monitoring des affectations des malades et des mesures de quarantaine, relaie le titre.

“Nous constatons que des défaillances se produisent non plus dans les ‘zones rouges’ (hôpitaux ou sections hospitalières reprofilés pour recevoir les malades du Covid-19), mais dans les autres maillons de la chaîne médicale et hospitalière”, a encore dit le ministre, soulignant l’importance du monitoring et de la planification pour éviter la pénurie d’EPI. Des réserves doivent être constituées, a indiqué le ministère.

Interrogé par le site Lenta.ru, le cardiologue moscovite Alexeï Erlikh, cofondateur de “La liste de la mémoire”, estime que l’un des principaux problèmes des centres de soins en Russie actuellement réside dans les hôpitaux “généralistes”, à savoir ceux qui reçoivent les autres malades que les Covid-19.

“En effet, explique-t-il, dans ces hôpitaux, le personnel ne porte pas particulièrement d’EPI et se trouve d’autant plus soumis au risque de contamination que l’on ne sait pas exactement de quoi souffrent les patients qui y atterrissent, et que l’on trouve constamment parmi eux des personnes infectées par le coronavirus. C’est ce qui se passait dans mon hôpital avant qu’il soit entièrement reconverti pour les patients Covid-19.”

Et le cardiologue d’affirmer que son service hospitalier a dû rester fermé deux semaines pour quarantaine, car plus de 30 % des soignants étaient malades ou testés positifs au coronavirus.

C’est pourquoi le médecin insiste sur le fait que les soignants de tous les hôpitaux, quel que soit leur profil, doivent être équipés comme les soignants des hôpitaux en ‘zone rouge’. Les patients hospitalisés pour d’autres pathologies que le Covid-19 doivent intégrer des espaces hospitaliers aussi bien protégés que les espaces consacrés au Covid-19, “car le risque d’infection dans ces hôpitaux non conçus pour les malades Covid-19 est plus élevé que n’importe où ailleurs”, alerte le médecin.

Tandis que la question de la santé des médecins et du personnel soignant est préoccupante, un autre “scandale” a fait l’objet de nombreux traitements dans la presse russe, celui de la “prime présidentielle” octroyée aux médecins de la première ligne.

En effet, comme le rapporte le tabloïd Moskovskié Novosti, un mois après la promulgation du décret, 4,5 milliards de roubles (57 millions d’euros) de prime seulement avaient été versés, sur les 27,5 milliards (348,7 millions d’euros) de l’enveloppe globale. Le président Vladimir Poutine a dû frapper du poing sur la table pour secouer les administrations régionales, et même le Comité d’enquêtes fédéral s’est saisi de l’affaire.

Un autre “leader” a jugé nécessaire de sévir ce week-end. Il s’agit de Ramzan Kadyrov, l’autoritaire dirigeant de la Tchétchénie. Comme nous en informe le quotidien Kommersant, il a exigé l’expulsion des “provocateurs” de l’hôpital de la ville de Goudermès qui ont osé dénoncer le manque d’équipements de protection individuelle : “Il faut licencier les provocateurs ! Nous ne manquons de rien, ni de blouses, ni de masques, ni d’appareils ! Nous avons tout ce qu’il nous faut”, a-t-il martelé.

Selon le titre, après l’intervention de Kadyrov, les médecins en question se sont excusés. La Tchétchénie a officiellement comptabilisé 943 personnes infectées par le coronavirus, 580 ont été guéries et 9 sont décédées. Selon le quotidien Gazeta.ru, on dénombrerait 50 soignants parmi les personnes contaminées. Au Daghestan, république du Caucase du Nord voisine de la Tchétchénie, 40 médecins seraient infectés.

La Protection de l’. Ce régime à porter le masque en Russie?

Redémarrez. Decomine commence en Russie, mais pas à Moscou

Victimes. En Russie, flambée de violences domestiques pendant le confinement

La mortalité. La controverse sur le nombre réel de décès dus à Covid-19 en Russie

Vue le fil de discussion.

Découvrez toutes nos offres d’abonnement à partir de 1€

Créez votre compte pour profiter de l’édition abonnés sur le site et les applications

Découvrez tous nos hors-séries, livres, DVD, accessoires, produits…

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *