Le scénario inédit provoqué par le coronavirus nous permet de communiquer et de nous engager dans ce que l’on appelle la communication de crise.
Après tout, le président Macron semble avoir pris la mesure de la gravité des événements en faisant une déclaration officielle le jeudi 12 mars.
Samedi soir, le ton est monté d’un cran. Une étape importante a été franchie avec la mise en œuvre de mesures plus radicales. Le Premier ministre Edouard Philippe a appelé à la fermeture des lieux « qui n’affectent pas la vie du pays » et la France est entrée dans le niveau 3 de l’épidémie.
Dans le même temps, cependant, les grands magasins de tabac ont été autorisés à rester ouverts et la première circulaire des élections municipales a été maintenue.
Ces incohérences ont été vivement critiquées par certains experts, qui considéraient la tenue des élections comme purement « politique ». . .
Mais ce moment nous donne l’occasion de revenir sur les erreurs et les obstacles dans la gestion de cette crise.
Bien sûr, il faut être rassurant dans la gestion de crise, il faut aussi prendre des décisions. Les écoles, les crèches, les universités sont fermées, les médecins retraités sont convoqués, les lieux non essentiels sont fermés.
Cependant, le maintien de la première circulaire des élections municipales met en évidence la difficulté de la cohérence du discours d’Emmanuel Macron face à une situation évolutive : « Les plus vulnérables sont poussés au maximum pour endiguer l’épidémie ; cependant, nous pouvons approuver et voter », est le message.
La crise est complexe à gérer, de l’avis de nombreuses parties prenantes. Surtout, c’est complexe si vous avez la bonne quantité d’actions, de mots et d’anticipations.
Une dose presque difficile à atteindre, car il est difficile de tout maintenir en même temps : l’économie, la liberté de tous dans un pays démocratique, la politique au moment des élections et, bien sûr, la santé. Cette combinaison est au cœur de l’enjeu de la gestion de crise, et de la gestion de crise en particulier. Nous sommes confrontés à un équilibre dangereux à trouver.
On peut d’ailleurs estimer que le ton juste n’a été découvert que jeudi dernier. Pour la première fois, on assiste à un changement d’attitude de la part du président Macron, qui affirme que la forme physique est une priorité : « La santé passe avant tout ». Et la tendance va se poursuivre samedi avec l’intervention d’Edouard Philippe, qui prend des décisions lourdes de conséquences sur le quotidien des Français.
Défenseur à tout prix du pays « start-up », face à une crise qui s’aggrave, Emmanuel Macron semble aujourd’hui être revenu aux notions d’État-providence, à la réalisation souveraine de sa tâche, évoquant la solidarité, le pays, et la forme avant tout. Tout cela devant l’économie. . .
Ce « changement de cap » est révélateur ; celle des limites politiques d’un pays émergent et avec elle les difficultés du « nouveau management public » face à la crise.
En fin de compte, l’État-providence – et c’est Macron lui-même qui l’appelle de ses vœux dans son discours – s’avère être le détail le plus puissant et le plus approprié pour répondre à une telle urgence sanitaire. Ce point de basculement va-t-il se poursuivre ? Le long terme nous le dira.
Une crise peut être contrôlée, et les moyens pour le faire sont classiques. Mais les obstacles sont nombreux et les erreurs sont rarement évitées.
La crise sanitaire du Covid-19 que nous vivons, que l’OMS a qualifiée de pandémie, est un phénomène anxiogène qui est lié à un contexte inédit et à une incertitude sur l’évolution de la situation : incertitude sur le taux de létalité, la chaîne de transmission de l’épidémie, la vitesse d’évolution de l’épidémie, mais aussi l’incertitude sur les effets économiques et monétaires de cette crise. Et face à l’inédit, l’individu devient irrationnel.
Il s’agit de gérer sereinement une situation douteuse et complexe. . . éviter l’hystérie, la dérive, le débordement d’anticipation, sans paniquer. Le président dans son discours aurait été rassurant, rationalisé et en même temps vraiment effrayé. , comme en témoigne l’attaque des consommateurs contre les supermarchés.
D’autre part, compte tenu des enjeux sanitaires, économiques et politiques, l’objectif de toute communication de crise est de mettre en évidence l’efficacité et la pertinence des mouvements et des décisions sélectionnés pour gérer le problème. Ainsi, la stratégie de communication consiste à informer sur la situation et à préserver toute crédibilité dans la maîtrise de cette crise.
À cette fin, l’exécutif devra tenir compte des attentes, des désirs et des perceptions contradictoires de la population, des parties prenantes et des médias.
Le jeudi 12 mars, le président Macron a misé gros, de peur d’être le Jupiter brutal et arrogant du passé. Il fallait laisser tomber l’ironie, les blagues douteuses, la brutalité envers les chômeurs, les gilets jaunes.
Il fallait être le dirigeant d’un pays, pas n’importe lequel, le pays de la France au sein d’un bloc européen. Il a su lâcher – au moins un instant – la « start-up » Macron et a dû gérer la crise, dans un discours qui cherche à corriger les erreurs du passé, sans parler (encore) du niveau 3, malgré tout ce qui a été annoncé samedi soir. . .
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Dans son discours, le président a rappelé les réponses progressistes de l’exécutif à l’évolution de la situation, optant pour une communication classique.
À la fois 1, il s’agit toujours d’éviter l’hystérie. C’était le temps de « l’étape 1 du plan Covid-19 » où les procédures ont été mises en place (publication du 20/02/2020 par un conseiller méthodologique pour se préparer à la menace épidémique du Covid-19 pour les professionnels du fitness), c’est aussi le temps de la diffusion des ordres et alertes sur le virus dans tous les canaux de communication. Cette communication autour de ces procédures rend imaginable et a rendu imaginable la recherche, la collecte et l’analyse de données pour générer des rapports de scénarios.
Mais ce niveau 1 a été marqué par des interventions inattendues, notamment de l’ancienne ministre de la Santé, Agnès Buzin, qui a déclaré le 21 janvier 2020 que « le risque d’introduire des cas similaires à cet épisode en France est faible ». La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a déclaré le 12 mars au LCI qu’il n’est pas nocif de passer aux cadres dans les entreprises de plus de 1 000 salariés ; Enfin, le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a déclaré le 11 mars sur BFMTV que la fermeture des écoles n’était pas une option.
Dans la nuit du 12 mars, Emmanuel Macron dira le contraire. . .
Au temps 2, les questions sont plus nombreuses. Bien que certains faits aient été prouvés, certaines conséquences de la crise (économiques, financières, etc. ) aient été identifiées, il reste encore beaucoup d’incertitudes (ampleur de ces conséquences, taux de mortalité, sur la chaîne de transmission de l’épidémie, etc. ).
Par conséquent, la communication de crise vise à amplifier les messages rationnels. C’est le moment où l’opinion publique et les médias sociaux influencent les décisions publiques et exercent une pression pour télécharger immédiatement les données.
L’absence de réaction concevable de la direction est temporairement perçue comme une tentative de cacher quelque chose ou comme une incapacité à gérer la situation. Et bien que l’intervention publique du gouvernement par l’intermédiaire d’un de ses ministres soit à tout moment un exercice trompeur, voire nuisible, comme nous venons de le montrer, la communication est essentielle, attendue, analysée et scrutée.
De ce fait, les messages rationnels sur les gestes barrières et les mesures de précaution contenus dans le niveau 2 du plan Orsan et sa formule d’organisation de l’assistance activée le 20 février, sont largement diffusés à travers des publicités vidéo dans les entreprises. Tout cela est expliqué de manière formulée dans les interviews réalisées à travers le logo du nouveau ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran.
La communication d’Emmanuel Macron du 12 mars visait donc à réaffirmer la légitimité de l’exécutif face à cette crise. Le défi pour le chef de l’État était, d’une part, de se positionner comme le moteur des décisions et des mouvements pris en Europe. et, d’autre part, d’identifier (ou de réidentifier, après la panne de communication lors de l’incendie de l’usine Lubrizol de Rouen le 26 septembre 2019) accepter comme vrai auprès de la population et des acteurs impliqués dans la maîtrise de cette crise.
La communication avec la population et les experts se fait de ce point de vue. Le dirigeant cherche à être informé de ses expériences au-delà.
Dans le cas de la crise des gilets jaunes, les discours ont été perçus par la population comme condescendants.
Dans le cas de Lubrizol, les messages se voulaient rassurants, mais ils avaient un ton paternaliste et manquaient d’empathie. Au lieu d’éviter la panique après l’incendie, ils ne l’ont fait qu’amplifier. D’autant que les messages des porte-parole du gouvernement étaient généralement en contradiction avec ceux des experts, contribuant fortement au sentiment de méfiance de l’exécutif quant à sa capacité à gérer la crise.
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Le discours d’Emmanuel Macron et l’intervention d’Edouard Philippe ont été relativement réussis à cet égard – bien que trop attendus – et en opposition aux crises passées : empathie, compassion, compréhension et aussi responsabilisation des citoyens, acteurs du contrôle des crises à leur échelle.
Ainsi, des gestes barrières qui semblaient un peu ridicules (éviter les poignées de main, etc. ) ont été consolidés et les entreprises ont décidé de mettre en place toutes les mesures pour l’organisation du télétravail. Et enfin, le samedi 14 mars, malgré la tenue des élections, Edouard Philippe a annoncé la fermeture des bars, boîtes de nuit, restaurants. . .
Cette crise primaire a mis l’exécutif au pied du mur ; Les discours d’Emmanuel Macron et d’Edouard Philippe ont fini par remettre sur le devant de la scène les éléments fondamentaux de la communication et de la politique : l’intérêt général, l’intérêt de tous, la couverture de tous.
Quelles que soient les critiques, l’exécutif a pu gagner son pourcentage de légitimité par rapport à ce que nous appelons la « gestion de crise » en essayant d’y faire adhérer le plus grand nombre de personnes possible.
Ici aussi, les discours doivent être structurés autour des professionnels du fitness ; soit en les rendant explicites, soit en faisant écho à leur expérience.
La cohérence avec les messages des experts contribue à la bienveillance et à l’empathie et à l’impression que le contrôle de la crise par le gouvernement est bien coordonné avec les professionnels.
Le but n’est pas d’aggraver les troubles dont souffre la formule hospitalière depuis plus d’un an, mais surtout de lui permettre d’affronter la pandémie dans les conditions les plus productives. C’est une autre façon de mettre en valeur la qualité de l’industrie du fitness. en France, ils sont confiants dans la qualité des soins prodigués à la population.
L’annonce de mesures en faveur des entreprises, de l’économie, des populations les plus vulnérables et l’annonce d’un plan de relance national et européen ont donné une nouvelle dimension à la communication de l’exécutif.
Mais les inconnues qui persistent et les plaintes concernant la lenteur de la mise en œuvre des mesures suggèrent que les conséquences sanitaires de la crise du Covid-19 sont derrière nous ; et que la crise politique ne persistera que temporairement à la lumière de la controverse émergente sur la tenue d’élections municipales.
Tout cela souligne l’importance de l’anticipation, qui prend tout son sens dans cette crise ; Une anticipation qui manquait ici. En tout état de cause, une fois la crise maîtrisée, il sera temps de contrôler l’après-crise.
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Par Laurence Le Poder, Professeur de gestion de crise et d’économie, Kedge Business School et Virginie Martin, Docteur en Science Politique, HDR Sciences de Gestion, Kedge Business School
L’édition originale de cet article a été publiée dans The Conversation.
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