Emmanuel Macron, « à la fois » inébranlable et délinquant de gauche

Forum final de cette collection. Nous sommes début février. A moins bien sûr que d’ici le 10 avril Emmanuel Macron et Valérie Pécresse soient reconnus coupables de détournement de fonds et interdits de vote, si la Corée du Nord lâche une bombe atomique sur Paris, si le choléra ravage le pays, si l’Azerbaïdjan envahit l’Europe, si le CAC 40 chute. à 2 000 émissions et le chômage franchit la barre des 50 %, la probabilité que la gauche remporte les élections présidentielles est précisément nulle. Une probabilité conforme au spectacle qu’elle offre depuis de longs mois : le clown d’Arnaud Montebourg, l’entêtement pathétique d’Anne Hidalgo et l’accès abusif au niveau de Christiane Taubira l’ont couronné de cynisme et de sarcasme aux interprétations maximales excessives : désespérées. À gauche. Des partisans de l’aile, hilarants envers leurs adversaires. Heureusement pour ces personnages anciens qui ne meurent pas à cause du ridicule. Parlant de vieux chiffres : que dire de l’ancien ministre de la Justice, qui ose semer le chaos – et rivaliser sans programme – alors qu’aucun électeur socialiste ne peut laisser son narcissisme et sa vanité influencer la candidature de Lionel Jospin ? La deuxième circulaire des élections de 2002 a-t-elle vraisemblablement privé la France d’un quinquennat rose, bien plus heureux que la léthargie dans laquelle Jacques Chirac l’avait chloroformée ? A l’heure où nous rédigeons ces lignes, l’hypothèse d’un déraillement et d’une désintégration définitive de la locomotive de gauche, le Parti socialiste, n’est même pas exclue ; Minée par le vide idéologique, le vide propositionnel et les luttes de force et d’ego, elle est concrètement menacée de disparition.

La France n’est pas en mauvaise santé à gauche, mais elle est à gauche. Dans toute l’Europe, de l’Allemagne (SPD) d’Olaf Scholz au Portugal d’Antonio Costa, de l’Europe du Nord – la social-démocratie domine en Suède, en Norvège et au Danemark – à l’Espagne de Pedro Sánchez, la coalition allemande de gauche est au pouvoir. Preuve que le cas français n’est pas un symptôme parmi d’autres d’une fatalité généralisée. Ni l’ampleur de ces pages, ni les capacités de l’auteur ne permettent d’enquêter sur les racines historiques, sociologiques et politiques de cette décrépitude. Mais il y a une voie qui mérite d’être explorée : et si cette descente aux enfers avait son origine dans le fait qu’Emmanuel Macron s’est avéré être un président de gauche ?Et donc cela aurait détourné une très grande partie de l’électorat historique – promis, cumulativement (bien que cette règle ne s’applique pas), à moins de 30% des intentions de vote en ajoutant Europe Écologie Verts (EE-LV).

Il y a beaucoup de preuves qui invalident cette hypothèse. Et en effet, au moment même où nous commençons à écrire, la publication du rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur l’habitat insalubre sonne comme un symbole sans équivoque. Réforme inique de l’APL, augmentation incontrôlable des valeurs, « dégradation » des services publics, nombre record de sans-abri (300 000, soit deux fois plus qu’il y a dix ans), plus de 4 millions de personnes « mal logées », infrastructures cruellement insuffisantes, coupes budgétaires sanglantes et regrets profonds : la question du logement est absente du plan France Relance, Doté d’une centaine de milliards d’euros et axé sur l’écologie, la compétitivité et l’esprit d’équipe, comme si le logement ne nécessitait pas ces trois éléments !En fin de compte, l’acte d’accusation est clair : « Le logement n’a jamais été une priorité du quinquennat. » Le logement pour tous et la lutte contre la pauvreté sont deux des grands jalons de la gauche.

Cependant, il serait inepte de priver Emmanuel Macron de ses attributs de gauche et de « l’injustice » même à laquelle ses belligérants limitent leur politique globale. La réalité est nichée au centre de l’échiquier, à la croisée de projets et de législations ambivalents dans de nombreuses tactiques. Cette vérité, bien sûr, n’est pas manichéenne, elle n’est ni noire ni blanche, elle adopte des gris plus ou moins doux ou foncés selon les thèmes et les circonstances. De plus, il y a un fossé profond entre les paroles et les actes. C’est comme si l’élève de Paul Ricoeur possédait une vraie conscience de la gauche et « en même temps » le contexte, la vérité de la gouvernance, de la stratégie électorale et de l’opportunisme, peut-être aussi une conviction intime mise à l’épreuve des faits, lui dictait un droit « En même temps » : c’est à ce décalage que s’applique le plus fécondement ce mot dont il est emblématique.

Dans son numéro de janvier, Alternatives économiques fait le point sur le quinquennat. Et le nom est explicite : « Le président de l’injustice ». Qu’il s’agisse des impôts, des affaires, de l’emploi, de la pauvreté, de la protection sociale, de la jeunesse, de l’éducation, de l’environnement (climat, énergie, biodiversité), des transports, de la santé, de l’administration publique, des territoires, de la sécurité, de l’immigration, de la politique étrangère, de la culture et, bien sûr, du logement, rien dans la politique d’Emmanuel Macron ne séduit la gauche mensuelle – applicable. Et la liste n’est pas exhaustive. On peut simplement souligner, par exemple, l’indifférence, voire le mépris manifesté par l’exécutif à l’égard des instances intermédiaires, les syndicats industriels en tête, au détriment d’un débat social que ces cinq années n’ont pas cherché à réactiver.

Très peu d’arguments des rédacteurs sont discutables. Cependant, ils ne suffisent pas. Et un examen moins unilatéral permet de mettre en évidence l’échec de la mise en œuvre des initiatives de gauche. Encore une fois, le « en même temps » montre davantage l’incohérence entre la rhétorique et les faits que le déploiement d’une politique intentionnellement « de droite ». Les « montagnes ont engendré des souris », mettant en lumière l’une des expériences du jeune homme d’une quarantaine d’années, nourri de prouesses intellectuelles et de charisme ordinaires : sa science de l’imprimerie, des mots et des images.

Exemples? Nicolas Hulot, nommé ministre d’État chargé de la Transition écologique et solidaire. Quelle perspective passionnante. . . pour les résultats finaux que nous connaissons. Le Grand Débat puis la Convention citoyenne pour le climat et la création du Haut Conseil pour le Climat ? Des initiatives démocratiques audacieuses et alléchantes… imparfaitement conclues, et auxquelles la loi Climat et Résilience apporte un soutien insatisfaisant et frustrant. Et le Haut Commissariat au Plan, ressuscité en 2020 après la dissolution brutale par le Premier ministre Dominique de Villepin de son prédécesseur, le Commissariat général au Plan, en 2006 ? N’est-il pas « gauchiste » de faire revivre les notions cardinales de perspective, de long terme et de direction, que les tyrannies de l’immédiateté, de la réaction et de la marchandisation ont balayées ? Certainement. Mais dans le cas d’opérations politiques sordides, la confier à François Bayrou, qui l’exploite pour profiter de sa visibilité médiatique et de ses intérêts tactiques partisans, est pire qu’une erreur : une erreur. De toute façon, quel est le but dudit haut-commissariat ? La question fait sourire ou rapprocher les observateurs. À qui sert-il ? Cette fois, la réponse est évidente. Actes ratés : c’est ainsi que la politique d’Emmanuel Macron peut être en partie résumée sous une loupe « de gauche ».

Alors, Emmanuel Macron est-il définitivement un dissident de la pensée de gauche, et même un traître de gauche ?Rien n’est moins sûr, du moins en ce qui concerne les sentiments. Un sondage Ipsos-Sopra Steria, réalisé en collaboration avec le Cevipof (IEP Paris) et la Fondation Jean-Jaurès, offre des réponses sophistiquées : 36 % des électeurs de François Hollande en 2012 se sont engagés à voter pour Emmanuel Macron dix ans plus tard, contre 46 % en 2017. Avec le recul, ce n’est pas une surprise, mais le seuil est resté élevé. même si le même sondage montre que les « Hollandais 2012 » n’ont cessé de se déplacer vers la droite depuis.

Ni droite ni gauche, ni gauche et droite : quelle que soit la sémantique choisie, il est indéniable qu’Emmanuel Macron aura réussi le pari – et ce quels que soient les espaces – de faire exploser le mur des doctrines qui ont soutenu la gauche et la droite républicaine. . ont été hermétiquement cloisonnées, l’extrême droite de cette dernière et son radicalisme xénophobe sur l’immigration et la sécurité constituent une dynamique à laquelle personne n’échappe. L’exemple de la Suède et du Danemark est à cet égard éclairant : la social-démocratie y prospère parce qu’elle a suivi une position difficile à cet égard, réclamée par l’intermédiaire des électeurs. Mais méritons-nous d’être surpris ? Qui souffre le plus de l’insécurité, de la violence et de la traite ? Qui est le plus exposé à l’arrivée d’immigrés abandonnés à leur sort, défavorisés par les dispositions obligatoires (en matière sociale, d’éducation, de soins, de logement, de formation) : les citoyens de la rue de Passy dans le 16e arrondissement de Paris ou ceux de la France ? Des villes insalubres et vides de services publics au nord de Marseille ? Yannick Jadot, affirmant que le phénomène migratoire « n’est pas un défi en France », ferait bien de s’adresser aux deux populations qui en souffrent : les immigrés eux-mêmes et les populations qui subissent les conséquences d’un accueil migratoire erroné et indécent. Ne pas traiter l’immigration franchement avec humanité (et lucidité) et ne pas traiter la sécurité avec franchise et autorité (et sensibilité), c’est laisser fleurir les deux poisons que fleurissent les équipes populistes d’extrême droite de la Reconquista ! et le Rassemblement National se présentent à tort pour obtenir des avantages pour leur public.

Quels que soient les domaines, le chef de l’Etat a su galvaniser puis concrétiser cette implosion de l’ancienne composante-mentalisation. Et d’autres réalités que celles implacables évoquées plus haut peuvent au contraire témoigner d’une certaine conscience de gauche : le blocage des projets Notre-Dame-des-Landes et Montagne d’or en Guyane, la loi Pacte, la Loi EGalim (de l’Assemblée générale de l’alimentation), loi d’orientation des mobilités (favorisant de légères possibilités de conduite autonome), réduction drastique du chômage, progression des apprentissages (15 milliards d’euros alloués au plan d’investissement dans les compétences), lutte contre la pauvreté (8,5 milliards d’euros de le Plan Pauvreté alloué comme composante aux premières années de formation et d’insertion), aide aux jeunes (9 milliards d’euros promis dans le cadre de la solution « 1 jeune 1 », contrat d’engagement jeunes pour le service national universel de précarité maximale, prolongé contrôle flexible des naissances avant 15 ans et jusqu’à 25 ans), fractionnement des premières catégories en scolarisation prioritaire (avec la création de 15 000 postes à la clé), rejet de l’ENA dans l’appel à la lutte contre les inégalités et à la diversité, pro-européen projets et engagement, cause des femmes (en réaction aux violences ou aux inégalités de genre avec la loi Rixain), directive sur le droit d’auteur, procédure de restitution des objets d’art spoliés par la colonisation, etc.

Bien sûr, comme le montre la mesure que Ségur fait du malheureux scénario organisationnel, managérial et social des hôpitaux, chacun de ces projets a sa part d’ombre. Mais aussi, il faut bien l’avouer, son pourcentage de « lumière ». . . à gauche. Et toutes les mesures mises en place depuis le début de la crise pandémique dans l’économie, l’emploi, la culture ou la scolarisation (aucun pays n’a maintenu les écoles ouvertes aussi longtemps) ne peuvent qu’illustrer le sens de l’État auquel Emmanuel Macron est rattaché (ou a adhéré). .

Il existe cependant une erreur spécifique qui constitue une trahison de la principale « valeur » de la gauche : la lutte contre les inégalités et l’injustice. Cette trahison est favorisée par la fiscalité (notamment la suppression de l’ISF et, notamment, la réduction des impôts sur les sources de revenus du capital avec la création du taux unique forfaitaire), qui a contribué à enrichir copieusement les plus riches et les plus riches. à creuser certaines inégalités. Quant aux effets attendus sur la « relocalisation » (celui des fortunes exilées et celui des investissements), aucune étude depuis n’a pu les aider. Et l’inaction face aux trésors indécents accumulés pendant ou plutôt grâce à la crise pandémique, acquis indirectement (et rarement directement) grâce à de nombreux plans d’aides d’État, frise l’incompréhension. Les 137 milliards d’euros de bénéfices générés en 2021 par les sociétés du CAC 40 doivent-ils essentiellement servir aux portefeuilles d’actionnaires et/ou financer des rachats d’actions ? Il suffit à tout un chacun – universel, quelle que soit son idéologie – de se plonger dans le rapport d’Oxfam 2022 pour s’étouffer : « Les milliardaires français ont levé 236 milliards d’euros supplémentaires depuis le début de la pandémie il y a dix-neuf mois. Les cinq plus grosses fortunes des Français sensés ont doublé « Le monde a connu un nouveau milliardaire toutes les 26 heures, tandis que 160 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans la pauvreté.

Cette couverture des riches avait (en partie) coûté à Nicolas Sarkozy sa réélection en 2012, après avoir servi de slogan à François Hollande, déterminé à concentrer ses flèches sur une cible, « le monde de la finance ». Il est peu probable que le même argument ait les mêmes effets dix ans plus tard. L’apathie de l’électorat classique de gauche à l’égard de la position d’Emmanuel Macron en la matière ne cesse de susciter des interrogations : la croyance aux inégalités et aux injustices n’est-elle plus aussi prégnante qu’autrefois ?N’est-ce pas la lutte pour réduire les inégalités injustes ? Ne sont-ils plus aussi cardinaux à gauche ?La solidarité et la fraternité, ces deux attributs de l’identité gauchiste, sont-elles en train de s’éroder, voire de se ruiner dans une société qui n’a peut-être jamais été aussi fragmentée et individualiste ?

Au final, Emmanuel Macron a observé à travers le prisme de la gauche que ce sont de grandes promesses et des réalisations insuffisantes. C’est aussi une question : peut-on faire fondre le libéralisme économique et ses corollaires sur le travail, le mérite, etc. ? -Dans les revendications de justice exprimées à gauche ? Manuel Valls en fut le premier en France à s’en convaincre et, sans aucun doute, la fameuse « troisième voie », fécondée à la fin du XIXe siècle et relancée par le trio Blair, Schröder et Clinton, existe. Depuis 2017, Emmanuel Macron a travaillé pour le rendre transparent, mais il reste encore trop de mauvaises herbes qui le recouvrent. Une certitude cependant : s’il est déclaré vainqueur dans la nuit du 24 avril puis dégagé de toute contestation de réélection cinq ans plus tard, il aura les clés pour révéler qui il est, il aura la liberté d’honorer ce qu’il est réellement. est : un adepte ou un imposteur de gauche, un contempteur ou un fantôme de droite. Il sera alors obligatoire de lire en détail sa politique en faveur de l’environnement (climat, énergie, transports, biodiversité, etc. ), car elle est appelée à constituer l’ossature de toute politique générale – économique, sociale, infrastructurelle. , éducatif, agricole, etc. -. Si l’électorat de gauche lui donne une seconde chance, c’est à lui de ne plus leur nuire ni les trahir.

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