À 22 h 05 Jeudi, un convoi de berlines noires s’est arrêté sur la place des Palais à Bruxelles, le long d’un parc géant entouré de barrières de sécurité. « Tu viens ! Allons nous promener. Emmanuel Macron, enveloppé dans un manteau de laine noire, conduit la délégation française dans une promenade nocturne. C’est un rituel immuable à chaque Concile européen, le soir du premier jour, quand le temps est trop mauvais.
« C’est à l’Europe de prendre sa défense en main »
Les bras croisés dans le dos, le président de la République fait sereinement le point sur l’avancée des négociations entre les chefs d’Etat avec Alexis Dutertre, conseiller pour l’Europe, et Philippe Léglise-Costa, représentant permanent de la France auprès de l’Union européenne. Jean-Noël Barrot, le nouveau ministre des Affaires européennes, qui est venu ici pour s’imprégner des codes et coutumes de ces merveilleuses routes où se déroule une partie du quotidien des Français. « Monsieur le Président, Giorgia Meloni doit venir à l’hôtel », a déclaré le Sherpa. — Oui, oui, très bien.
« Une petite séance de soins avec des câlins, c’est sûr », poursuit la conseillère. « J’ai fait l’impasse sur son G7 pour inaugurer le Salon de l’Agriculture, j’aurais aimé le G7. . . », avoue le président. « Ma femme et moi avons dormi là-bas pendant la visite d’État ! », a déclaré Macron à son chef du protocole. Oui « Je n’oublie pas que l’épouse du roi Albert II a fait rénover les plafonds des salles avec des scarabées dorés », acquiesce le monsieur de l’Elysée : « Incroyable ! »
Le petit cortège, flanqué d’agents de sécurité, traverse la pelouse du Mont des Arts, suscitant l’intérêt des promeneurs occasionnels qui ont du mal à identifier la personnalité qui se déplace avec leur entourage à une heure tardive. Rue du Mont des Arts, une foule d’autres personnes en tenue de soirée se dresse devant la devanture d’une boîte de nuit.
« Macron, une photo avec une drag queen ? », s’exclame un fêtard. Après dix minutes d’errance, un signe rassurant de notoriété s’est tout de même fait sentir. Le président français est revenu sur ses pas, « une photo que je ne connais pas, mais comment allez-vous ?Deux hommes grands, sublimes et barbus, entourent le chef de l’Etat et échangent quelques plaisanteries. Le cortège s’en va. Rue des Angeles Violette, les terrasses des restaurants grecs et des kebabs sont bondées. Macron, c’est le plus fort !crie un invité. Applos angelesuse. Le président a la banane. Alors, qui est la star ? Il s’avère qu’il se vante d’être en tête du peloton.
La délégation a été accueillie par le directeur de l’Amigo, un hôtel auquel les présidents français étaient habitués. Jacques Chirac a invité des journalistes français en mars 2005 à dénoncer l’attitude des Britanniques et des Allemands, en pleine négociation sur le budget de l’UE. Le président français était rentré directement à Paris, provoquant une crise diplomatique avec ses homologues.
Il est un peu plus de 22h30 et le président invite son équipe au Bar Magritte, une circulaire de bières et de planches de charcuterie. Pendant deux heures, la discussion s’engage, le ton s’échauffe. Deuxième circulaire sur la bière. Au JDD, le président se déploie : bilan du sommet, campagne électorale, politique française, crise agricole, premiers pas du nouveau Premier ministre. . . Plus les questions sont directes et pointues, plus le président s’intensifie, provoquant le rire ou l’étonnement de ses collaborateurs qui ne sont pas familiers avec des échanges aussi directs et non filtrés entre le président et un journaliste.
Emmanuel Macron informe ses partisans de l’avancée des négociations par SMS
En début d’après-midi, Emmanuel Macron s’est adressé au Conseil avec un objectif ambitieux. Peaufiner la position offensive de l’UE à l’égard de la Russie – sans exclure aucune option – et libérer des investissements pour développer une industrie européenne de l’armement à un moment où 63 % des pays membres achètent aux États-Unis. Le projet final est distribué aux délégations, tandis que les chefs d’État se réunissent autour de la table du Conseil vers 15h00. Aucun travailleur n’assiste au sommet, nous communiquons les uns avec les autres de leader à leader. directement, sans témoins. Emmanuel Macron communique l’avancée des négociations à son équipe par SMS.
Philippe Léglise-Costa, Jean-Noël Barrot et Alexis Dutertre, assis dans la salle du président, restent fermes dans le développement des négociations, tandis que certains chefs d’Etat formulent des exigences : « Les Roumains ont besoin de voir le président de manière bilatérale. Il doit protéger sa candidature au poste de secrétaire général de l’OTAN. . . » ; « Il y a aussi le grec, pour parler d’un problème technique. »Dans la pièce voisine, un colonel, adjoint du chef d’état-major de la Défense, est en train de noter des documents classifiés. Il demande que la porte de sa maison soit fermée à clé, pour des raisons de secret.
« Il arrive ! » Les choses sont agitées dans la délégation, le sommet est en pause, le président s’approche, précédé de 4 membres de la garde présidentielle (GSPR) qui se positionnent pour « sécuriser » l’espace. Macron se précipite dans son bureau. C’est long, mais Orbán ne bloquera peut-être pas. Nous allons de l’avant, tout est réglé », a déclaré le président. Le Roumain veut le voir pour l’OTAN », a déclaré Dutertre. « D’accord. » « Il faudra qu’il y ait un mot dans la déclaration finale sur Haïti, nous ne pouvons pas permettre à d’autres personnes qui ne sont pas intéressées par la région des Caraïbes », a poursuivi le PR, « je vais dire quelques mots à ce sujet à Charles Michel ». Les membres du conseil Asiente. Se veulent soulever une question délicate et l’agent des communications fait signe aux journalistes de quitter la salle. Quelques minutes plus tard, Emguyuel Macron est parti. « En pleine forme? », lance-t-il au canton, en faisant un clin d’œil au garçon qu’il rencontre.
16h30 Retour à la table du Conseil. Le Français reprend sa place entre le Tchèque et le Slovaque. Légèrement à sa droite, de l’autre côté de la table en forme d’ellipse, Viktor Orbán vient de demander à son porte-parole Zoltán Kovács de publier un message sur X dans lequel il félicite Vladimir Poutine pour sa réélection, soulignant en substance que la Hongrie et la Russie poursuivent leurs échanges fructueux malgré les tensions géopolitiques. Un petit bras d’honneur pour leurs homologues européens, alors que la mention d’une condamnation de la tenue d’élections russes dans les territoires annexés de l’Ukraine vient d’être abordée. Orbán ne s’y oppose pas, mais il manifeste sa désapprobation, à sa manière. Provocation ? Viktor Orban n’a pas bloqué les choses comme il l’a fait dans l’au-delà pour le contrepartie pas facile, explique Emmanuel Macron. Cependant, il continue de se démarquer pour montrer aux Chinois et aux autres qu’il n’est pas un suiveur.
« Nous parlons de l’Ukraine, de l’élargissement »
La délégation française dispose de beaucoup de temps pendant que les dirigeants discutent. Un conseiller diplomatique partage ses souvenirs de Bruxelles avec un membre du personnel permanent du bureau. Je n’oublie pas Montebourg, ministre de la Relance, qui a payé le commissaire à la concurrence, Almunia, devant tout le monde !Hollande avait été contraint de l’inviter à dîner à l’Elysée afin de rétablir des relations générales avec le commissaire. « Ségolène Royal. . . J’ai passé 3 ans avec elle au Conseil européen au moment de la COP21. L’Irlandais était bloqué sur le facteur de stabilité du marché du carbone. Elle m’a dit : ‘Qui est-ce ?’ C’est le ministre irlandais, madame. »
19h50 Les chefs d’État commencent le dîner. SMS présidentiel à Alexis Dutertre : « Nous avons parlé de l’Ukraine, de l’élargissement. J’ai fait valoir nos points de vue et nous aurons une position inhabituelle sur le Moyen-Orient. Entre soulagement et fierté, l’équipe note l’aboutissement de trois semaines de négociations tendues, les scènes pour convaincre l’ensemble des partenaires de la France, dont la Hongrie et la Slovaquie, qu’il faut faire un pas de plus dans la réaction promise à la Russie.
En politique étrangère, chaque mot compte. À l’engagement de l’UE aux côtés de l’Ukraine « aussi longtemps qu’il le faudra » dans la guerre, la France obtient un engagement sur les moyens : « aussi longtemps et avec autant d’intensité que nécessaire ». Le président Macron voit dans ce changement en Europe le point culminant de l’alerte déclenchée le 26 février lorsque, face à l’option d’un déploiement de troupes françaises en Ukraine, il a répondu : « Rien ne mérite d’être exclu, nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre. »
Malgré les réactions très originales de certaines chancelleries, l’Elysée a persisté et, selon son édition, n’a pas eu à se battre pour convaincre tout le monde. « Nous nous sommes mis d’accord sur les positions de chacun sur l’Ukraine. Avec Volodymyr Zelensky, nous avons découvert « que nous nous habituons à l’impasse, au blocus des Hongrois, à un adversaire qui ne dit jamais clairement ce qu’il veut ni ses objectifs de guerre », a confié le président au JDD. « Nous avions besoin d’un coup de pouce et c’est ce que nous faisons. »transformer le cadre et donner de la visibilité à notre détermination.
Sur le terrain, force est de constater que la contre-offensive ukrainienne a rencontré des difficultés.
C’est d’autant plus obligatoire que l’Ukraine traverse de grandes difficultés ces derniers temps. « Le scénario sur le terrain montre que la contre-offensive ukrainienne a rencontré des difficultés », a déclaré Emmanuel Macron. Le 26 février, nous nous sommes mis d’accord sur un certain nombre de nouvelles mesures très importantes pour les Ukrainiens en surface. D’où la nécessité de prendre au sérieux l’effort de guerre occidental. Les 27 ont accepté de permettre aux tirs à longue portée d’atteindre les Russes profondément dans le sol ukrainien. Il a accepté de participer aux opérations d’entretien du site et les Polonais superviseraient l’éducation au déminage.
Autre mesure immédiate, la source de revenus des avoirs russes gelés en Europe (entre 2 et 3 milliards d’euros chaque année) sera utilisée pour profiter de l’aide à l’Ukraine, en ajoutant le financement d’armes capables de récupérer l’argent. Plus qu’un réarmement ponctuel, la France a aussi défendu et convaincu de la nécessité d’une défense européenne, financée par de nouvelles ressources. Qu’il s’agisse d’euro-obligations ou de prêts de la Banque européenne d’investissement (BEI), la Commission a jusqu’au mois de juin pour faire des propositions. Pour le président français, il s’agit d’un changement d’époque qui rompt définitivement avec l’équilibre de la guerre froide : « Ce qui change aujourd’hui, c’est que l’Europe sort d’un État géopolitique minoritaire. Jusqu’à présent, nous comptions sur les États-Unis pour nous protéger. Cette fois, nous ne savons pas s’ils le feront. C’est donc à l’Europe de prendre en main sa défense.
Tout au long du sommet de deux jours, les menaces concurrentes de Moscou contre la France ont convaincu le président que le message de Poutine d’un durcissement européen plus dur avait été bien compris. Les déclarations du vice-président de la Douma, Piotr Tolstoï, proche du Kremlin, déclarant que la Russie allait « tuer tous les soldats français » ou menaçant Paris d’une attaque nucléaire sont, selon Emmanuel Macron : « le signe d’une fièvre et d’une perte de sang-froid de la puissance russe ». Un argument de plus pour unir les Européens autour d’une résistance plus offensive.
Il y aura une autre réunion du Conseil vendredi matin, suivie du Conseil de la zone euro. Les 27 adoptent le principe d’une loi Egalim au niveau européen pour garantir une valeur minimale aux agriculteurs. Les avantages des exonérations seront réduits et réglementés de manière à ne pas dépasser certains volumes. S’adressant aux membres de la zone euro, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, s’est montrée optimiste : « Nous avons gagné la guerre contre l’inflation. »L’Europe a évité la récession et Christine Lagarde prévoit une reprise significative de l’économie pour la seconde partie de l’année.
Après un dernier échange avec Ursula von der Leyen, le président a rencontré la délégation française vers 14h00. « Tout le monde est content, nous avons fait un travail intelligent », a-t-il déclaré. La dernière étape avant de rentrer à Paris est de se rendre en salle de presse pour répondre aux questions des journalistes français. Peu après 15h00, le convoi présidentiel a quitté le Conseil européen pour se rendre sur le tarmac de l’aéroport. Le déploiement impressionnant des forces de sécurité cellulaires, ainsi que la présence d’un hélicoptère en vol de surveillance à proximité de la zone aéroportuaire, rappellent que le contexte géopolitique s’est soudainement détérioré.
A bord du Falcon 7X de la République française, le président se souvient de son tête-à-tête avec Giorgia Meloni, avec qui les relations ont été apaisées. Au fur et à mesure que nous roulons, nous pouvons voir l’Airbus de la délégation allemande en position de décoller en bout de piste. « Ce sont les Allemands qui sont en face de nous », a déclaré Emmanuel Macron. Allez-y, les gars, appuyez sur l’accélérateur !»