Des manifestants bloquent une route à Téhéran, samedi 16 novembre. Majid Khahi / AP
Des « dizaines de morts » selon lOrganisation de Nations unies (ONU), « au moins 106 » pour Amnesty International. La répression de manifestations contre une hausse du prix de lessence en Iran fait craindre le pire mardi 19 novembre, alors que les autorités ont coupé laccès à Internet depuis samedi. Du fait de ce « black-out », la situation est très difficile à évaluer à léchelle du pays, après quatre jours de troubles. Téhéran a averti quInternet ne serait rétabli quen cas de retour au calme durable.
Ainsi, « au moins 106 manifestants dans 21 villes ont été tués, selon des informations crédibles », récoltées par Amnesty. Mais pour lONG de défense des droits humains, « le bilan véritable pourrait être bien plus élevé, avec des informations suggérant jusquà 200 tués ». LONG se fonde sur « des images vidéos vérifiées, des témoignages de personnes sur le terrain et dinformations » de militants des droits humains hors dIran.
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Selon Amnesty, les forces de sécurité « ont reçu le feu vert pour écraser » les manifestations. Elle assure avoir consulté des vidéos montrant « des membres des forces de sécurité utiliser des armes à feu, des canons à eau et des gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants » mais aussi « des snipers sur les toits dimmeubles tirer sur la foule et, dans un cas, un hélicoptère ». « Des images de douilles sur le sol, ainsi que le nombre élevé de morts, indiquent quils ont utilisé des balles réelles », précise lorganisation non gouvernementale.
« Alors que la plupart des manifestations ont semblé pacifiques, dans certains cas, au fur et à mesure que la répression saccentuait, un petit nombre de manifestants ont lancé des pierres, ont provoqué des incendies et ont endommagé des banques », poursuit Amnesty, qui demande aux autorités iraniennes de « mettre fin immédiatement à cette répression brutale et meurtrière ».
Plus tôt, mardi, lONU avait tiré la sonnette dalarme. « Nous sommes particulièrement alarmés par le fait que lutilisation de munitions réelles aurait causé un nombre important de décès dans tout le pays », a déclaré à Genève un porte-parole du Haut-Commissariat de lONU aux droits de lhomme, Rupert Colville. « Des dizaines de personnes pourraient avoir été tuées », a-t-il ajouté, parlant également de « plus de 1 000 » arrestations et exhortant « les autorités et les forces de sécurité à éviter de recourir à la force », et les manifestants « à manifester pacifiquement ».
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La mesure à lorigine des troubles est laugmentation du prix de lessence, très subventionnée : le litre est passé de 10 000 à 15 000 rials (11 centimes deuros) pour les 60 premiers litres achetés chaque mois. Au-delà de cette quantité, le prix a triplé, à 30 000 rials. Les autorités assurent que les recettes dégagées doivent bénéficier aux 60 millions dIraniens les moins favorisés, sur une population totale de 83 millions de personnes.
Quelques heures après lannonce vendredi de cette mesure, des dizaines de villes dIran ont été touchées par les manifestations, qui ont rapidement dégénéré en émeutes. Selon les informations publiées dans les médias iraniens, seuls cinq morts ont été officiellement confirmées, dont celles de trois membres des forces de lordre tués « à larme blanche » par des « émeutiers » dans la province de Téhéran.
A Téhéran, des centaines de policiers antiémeute armés de matraques et de canons à eau ont été déployés sur plusieurs places, selon des journalistes de lAgence France-presse (AFP). Dans lest de la capitale, deux stations-service en flammes témoignaient des violences. Dans louest, un poste de police et un grand panneau publicitaire au-dessus dune autoroute urbaine ont également été incendiés.
Le porte-parole de lautorité judiciaire iranienne, Gholamhossein Esmaïli, a demandé « à la population de signaler aux forces de lordre et à lappareil judiciaire les séditieux et ceux qui ont perpétré des crimes ». Sans donner de chiffres, M. Esmaïli a fait état de larrestation de personnes ayant incendié des mosquées ou des banques, et d« individus ayant fourni des films et des informations à des médias étrangers et à des ennemis » de lIran. Les autorités ont accusé des puissances étrangères, notamment les Etats-Unis, leur ennemi juré, de fomenter les heurts. De son côté, Washington a apporté son soutien aux manifestants.
La télévision dEtat montrait pour sa part des rassemblements de soutien aux autorités, à Tabriz (nord) et Chahr-é Kord (centre). A Tabriz, les manifestants ont scandé « Manifester est un droit du peuple, les émeutes sont luvre des ennemis », selon lagence Fars. Dautres manifestations progouvernementales sont annoncées pour mercredi dans diverses villes.
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