La France et ses pêcheurs s’élèvent contre le Royaume-Uni et ses espaces marins

Si ce nouvel affrontement diplomatique entre la France et le Royaume-Uni est loin d’être le premier dans l’histoire de ces deux pays, sa cause est que la couverture de la biodiversité diffère des précédentes. Le 22 mars, à la suite d’une consultation publique lancée en 2022, un arrêté (1) publié le 1er février par l’intermédiaire de l’Agence de gestion maritime (MMO) du gouvernement britannique a renforcé la couverture de 13 espaces marins (AMP) préexistants. Ces derniers sont également soumis à une nouvelle réglementation qui interdit, entre autres, la plupart des activités de pêche de fond ou de « chalutage ».

Une façon, pour Londres, de tenir l’une des promesses de son Plan d’amélioration environnementale mis en place début 2023 et de l’engagement (partagé avec la France), porté à travers la Grande Ambition pour la Nature et les Hommes de février 2022, reprise par la suite dans l’Accord de Kunming-Montréal. Accord sur la biodiversité, pour augmenter la surface des océans à 30%. Mais pour la France, cette nouvelle résolution pourrait être la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Chronique d’une escalade politique

Localisation des 13 espaces marins protégés récemment soumis à l’interdiction britannique de pêche de fond. © Marine Management Organisation La situation a commencé en juin 2022, avec une première série d’arrêtés émis via le MMO. Cette dernière a interdit l’utilisation de chaluts, de sennes coulissantes ou de dragues au sein des quatre premières des plus grandes AMP de la zone économique exclusive (ZEE) des îles britanniques. Puis, en février 2023, le gouvernement du nouveau Premier ministre, Rishi Sunak, annonce la création de trois nouvelles AMP (contre cinq initialement prévues, au grand dam des organisations environnementales du royaume), portant leur nombre total à 181. 40 % de la superficie du domaine maritime britannique, soit près de 93 000 kilomètres carrés. Et pour la première fois, ces nouveaux espaces ont été encadrés sous le régime de protection maximale des réserves naturelles sous-marines, au sein desquelles toute bureaucratie de pêche, de dragage et de construction est interdite. Une manière pour le gouvernement britannique non seulement de maintenir mais surtout de réparer ces habitats à la biodiversité maximale et certains « relativement dégradés » en raison des activités humaines. Certains, comme le domaine de Dolphin Head dans la Manche, « auront cependant des effets sur les flottes côtières françaises », prévient le journal Le Marin. Et avec la résolution adoptée en février 2024, le scénario devient amer.

Même si elles ne sont même pas considérées comme une « protection forte », les 13 AMP désormais concernées par des restrictions de pêche constituent une crainte équivalente pour les pêcheurs français autorisés à opérer dans la ZEE britannique et, avec eux, pour le gouvernement français. Sur France Bleu Nord (2), le président du comité régional de la pêche des Hauts-de-France (CRPHF), Olivier Leprêtre, est le premier à tirer un trait, qualifiant la résolution de « mascarade », accusant le gouvernement britannique de favoriser des pêcheurs locaux « avec filets et casiers » au détriment des pêcheurs hauturiers français qui réalisent « une part énorme de leur chiffre d’affaires » dans ces zones. Et ce malgré le déclin de la fonctionnalité économique de nombreux chalutiers de la Manche. Un décret de septembre 2022 (3), issu d’un accord entre la France et le Royaume-Uni, prévoit même un « plan de sortie de flotte » pour certains de ces navires. Dans une tribune (4) publiée dans Le Marin, Jean-François Rapin, sénateur des Républicains du Pas de Calais, en rajoute une couche et demande au Gouvernement de « régler le problème sans tarder » (comme le président LR de la Région, Xavier Bertrand, et des élus du Rassemblement National du conseil régional). « Cette nouvelle mesure de restriction unilatérale des zones de pêche pour les navires français pourrait tout simplement être une condamnation à mort pour notre industrie de la pêche déjà très fragilisée. »

Bruxelles impliquée

Une opportunité manquée ? Le 19 avril, les représentants Verts du Conseil régional de Bretagne ont soumis au vote une pétition visant à interdire la pêche de fond dans les zones marines protégées du littoral breton, symbolisant la détermination britannique et faisant écho aux souhaits des nouveaux citoyens.  » La Coalition pour la protection des océans était dirigée par Bloom. Les deux tiers des députés bretons ont rejeté cette proposition. Quelques jours plus tard, le secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité, Hervé Berville, alors en Guyane française, s’engageait dans la filière, pour laquelle il avait déjà assuré, en avril 2023, qu’en ce qui concerne les AMP de l’UE, la France veiller à ce qu’aucune interdiction de la pêche de fond ne soit imposée « ni en 2024 ni en 2030 ». Fin mars, Jean-Noël Barrot, ministre délégué à l’Europe, avait à son tour dénoncé une résolution « potentiellement discriminatoire », notamment en ce qui concerne les termes de l’accord de commerce et de coopération (TCA) post-Brexit entre le Royaume-Uni. Royaume-Uni et l’Union européenne, qui ont appelé, avec les autres États membres concernés, à des « mesures de rétorsion ».

Et le 15 avril, c’est déjà fait a priori. Ce jour-là, le Financial Times britannique révélait (5) qu’une réunion informelle des ministres de la Pêche de l’UE avait été organisée par l’intermédiaire de la Commission européenne et que, dans ce cas, l’exécutif bruxellois s’était engagé à procéder à un « examen approfondi » de la situation. . En réponse, le porte-parole du Premier ministre britannique a maintenu le bien-fondé environnemental et clinique de sa résolution et a rappelé qu’elle avait été adoptée après consultation de « toutes les parties intéressées, y compris les groupements de pêcheurs français ».

La Grèce en jeu

« La Grèce vient de montrer qu’il y a des pays qui veulent sérieusement détruire le climat et les espèces vivantes sur Terre » Claire Nouvian, BloomPour l’association Bloom, cette escalade politique met en lumière le « vrai caractère anti-écologique » de la politique du président de la République, Emmanuel Macron. D’une part, l’ONG rappelle que les décisions environnementales du Royaume-Uni violent le TCA qu’il a conclu avec l’UE, qui lui permet « d’adopter des mesures de conservation dans ses propres eaux, à condition que ces mesures s’appliquent à la pêche ». navires de tous les pays, en ajoutant des navires britanniques, comme c’est le cas avec les propositions du Royaume-Uni. Et d’autre part, que la Commission européenne, de l’autre côté de la Manche, est en train de refinaliser depuis février 2023 « l’interdiction du chalutage dans toutes les zones marines de l’Union qui doivent être protégées, à commencer par les sites Natura 2000 jusqu’à fin mars 2024 ».

Mais ce que la France ne devrait pas appliquer, c’est de laisser à un autre pays, la Grèce, le soin de montrer l’exemple sur le Vieux Continent. Lors de la nouvelle conférence « Notre océan », qui s’est tenue à Athènes du 15 au 17 avril, le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis a annoncé la création de deux nouvelles AMP et a promis de protéger tous les « parcs nationaux marins » du pays du chalutage jusqu’en 2026, puis d’étendre cette interdiction à toutes les AMP grecques. qui couvre 32 % de la surface marine du pays. Le tout en s’engageant à investir 780 millions d’euros, notamment dans la mise en place de la surveillance par drone. « La Grèce vient de montrer qu’il y a des pays qui veulent vraiment détruire le climat et les espèces vivantes sur Terre. et que lorsqu’un gouvernement le veut, il le peut, (et) met en lumière l’impardonnable négligence du gouvernement français », a déclaré Claire Nouvian, fondatrice de Bloom. De quoi tourner en dérision la France, qui accueillera la prochaine assemblée des Nations unies sur l’océan, à Nice en juin 2025, mais dont la propre stratégie nationale pour la mer et le littoral est toujours en attente.

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