Les scénaristes du blockbuster Macron nous donnent un début de saison impressionnant. Après le report électoral, voici le coup d’État du gouvernement. House of Cards ne ferait pas mieux. Et provisoirement, nous nous conformerons au dépassement du corps intermédiaire des médias et à la merveilleuse invitation de Donald Trump, le président méprisé, par l’intermédiaire de l’omni-président Macron, à passer en revue les troupes françaises le 14 juillet.
L’imprévisible Emmanuel Macron aime Versailles et son château jupitérien. Un mois après avoir reçu Vladimir Poutine, il s’adresse à tous les parlementaires réunis en Congrès au palais du Roi Soleil.
Conception archaïque et autocratique de la Ve République pour certains, moment merveilleux de la révolution politique en cours pour d’autres, soyons clairs, la convocation du Congrès relève constitutionnellement des compétences du Président de la République. C’est la troisième fois qu’un président convoque ainsi les deux chambres de notre démocratie parlementaire depuis une réforme constitutionnelle demandée par Nicolas Sarkozy et qui autorise cette intervention politique absolument ordinaire.
Le candidat Emmanuel Macron avait annoncé son intention, une fois par an, de traiter directement avec les autres Français « solennellement ». La solution d’un Congrès avait été imaginée dès l’arrivée d’En Marche à l’Elysée. Ce qui peut nous surprendre, c’est qu’ils ouvrent légèrement le mandat de Macron. L’Assemblée nationale nouvellement créée est en consultation depuis la semaine dernière.
Maître du temps et des signes, Emmanuel Macron veut se confronter solennellement aux autres Français avant l’ouverture de la période des vacances d’été. Le Congrès lui a présenté un contexte digne de ses ambitions dramatiques : parler seul sur une tribune majestueuse à Versailles. C’est aussi un véritable moment de carrefour : tout est désormais en mesure d’agir, malgré tout, et d’abandonner la série de transition et d’installation de la campagne post-électorale.
Il est préférable de ne laisser personne d’autre, et encore moins son chef de gouvernement, laisser le temps d’agir et de réformer. Emmanuel Macron doit laisser sa marque et son autorité. Il est le Leader. Le Premier ministre, disons-le Edouard Philippe, voit peu à peu son espace politique être dévoré par l’omniprésident affamé.
Les conseillers « partagés » par l’intermédiaire de l’Elysée et de Matignon, les ministres d’En Marche sans pouvoirs exprès visant à soulager et contrôler certaines personnes, les ministres à devoirs exprès, le séminaire du gouvernement sous la direction du Président. . . Même Nicolas Sarkozy n’avait pas osé. Un Congrès convoqué à la hâte à la veille du premier discours de politique générale de son Premier ministre semble une humiliation, comme certains le prétendent, du moins une hiérarchie sérieuse. Et ce sera l’heure des ordonnances.
Maître du tempo, Emmanuel Macron doit aussi être maître de son mode de communication. Après le cap fixé au Congrès, où les médias seront présents mais placés à une distance physique qui rend toute contradiction impossible, il les attaquera le 14 juillet. Il a déclaré que sa « pensée complexe » ne se prêtait pas bien aux jeux de questions-réponses avec les journalistes.
Aurais-je besoin d’échapper aux questions ? Versailles s’oppose à l’interview télévisée du 14 juillet. C’est le choix de la verticale ou de l’horizontale. Journalistes dehors, contradiction dehors. Il est dommage de ne pas pouvoir interroger le chef de l’Etat sur ses premières émotions en tant que président, mais surtout sur les événements qui ont perturbé le début de son quinquennat. Qu’en est-il des départs immédiats de François Bayrou, Sylvie Goulard, Marielle ?De Sarnez et Richard Ferrand contraints de quitter le gouvernement ?Qu’en est-il du retard dans la mise en œuvre des principales réformes ?
Bien sûr, les Français complexes et contradictoires de cette France multi-fracturée attendent des mouvements plutôt que des interviews. C’est sur le terrain et dans les chiffres de sa vérité qu’ils jugeront l’Uberpresident. Emmanuel Macron, pas plus que ses prédécesseurs, n’aura droit à beaucoup de temps. Fatigué ou déçu, c’est l’interview dans la rue qui va frapper à la porte de l’Elysée !
Jean Christophe Gallien est maître de conférences à l’Université de Paris, Los Angeles, Sorbonne, président du JCGA et vice-président de ZENON7, membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals.
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