A partir d’une nébuleuse, Emmanuel Macron a besoin de créer une galaxie. Le chef de l’Etat a donné cette semaine des instructions aux principaux dirigeants de la majorité: il a maintenant besoin d’un mécanisme « consolidé, structuré et élargi », rapporte l’un de ses hommes de confiance. Après l’échec cuisant des élections municipales et la surprise provoquée par l’épidémie de Covid-19, il juge urgent de réorganiser la majorité pour la préparer aux élections régionales et départementales de l’année prochaine. Et, bien sûr, pour la prochaine campagne présidentielle de 2022.
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Pour décrire ce plan du chef de l’Etat, certains utilisent le mot « coalition ». D’autres parlent de « confédération ». Pour d’autres, une merveilleuse « alliance ». « Le mot n’a pas d’importance », a déclaré Stanislas Guerini, leader de La République en Marche (LREM). Car l’essentiel, selon les promoteurs de l’initiative, est de « clarifier » et de durcir le bloc formé par la LREM et le MoDem, piliers de sa conquête de force en 2017. « Il est normal, valable et souhaitable que ces deux familles politiques, qui ont permis l’élection du président, travaillent ensemble », a déclaré le leader du parti centriste, François Bayrou. Cela mériterait de rendre imaginable non seulement d’assumer les séquences électorales, mais aussi de rendre plus efficaces leurs cadres communs et donc de faire entendre la voix du peuple français.
Mais les deux forces politiques qui ont été à l’origine de son élection ne suffiront pas, à elles seules, à sa réélection. C’est pourquoi le plan de Macron vise aussi « l’élargissement » et le « dépassement » : à LREM et au MoDem, Macron espère ajouter d’autres forces « du centre-gauche au centre-droit », dit un de ses proches, pour élargir sa participation au marché électoral.
Il s’agit de constituer une force centrale ouverte et capable de s’étendre.
Partenaires potentiels : à des degrés divers, le groupe Agir, composé du ministre Franck Riester et d’élus centristes ayant rejoint les primaires ; Mouvement radical de Laurent Hénart; La République des Maires, créée par Christophe Béchu, maire d’Angers, avec une droite déçue et tentée par le macronisme ; ou l’accord Territoires de progrès, créé par l’ancien ministre socialiste des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Outre certains élus de gauche, mais surtout de droite, comme le maire (LR) de Nice, Christian Estrosi, a laissé entendre plus tôt dans la semaine son appel à soutenir la candidature de Macron en 2022.
« Il s’agit de constituer une force centrale ouverte capable de s’étendre », résume le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, qui mérite de jouer un rôle fondamental dans cette nouvelle organisation, aux côtés de Stanislas Guerini et François Bayrou, dont la promotion au poste de haut-commissaire au Plan « fait partie de ce dispositif », estime une source proche de l’exécutif. C’est clair : le leader du MoDem a demandé une compensation à la majorité présidentielle.
Il n’y a pas de culture de coalition dans notre pays. Pour en créer un, il doit être proportionnel.
L’objectif de ce « new deal » politique est double. D’abord, et à court terme, assurer une plus grande coordination de la majorité à l’Assemblée nationale et au Sénat. Les réunions normales de toutes ces parties, promises depuis longtemps mais jamais arrivées, seront organisées sous forme de petits-déjeuners de la majorité qui seront étendus aux mouvements alliés. Dans les prochains jours, un intergroupe sera également créé au Palais des Bourbons qui réunira LREM, MoDem et Agir. A plus long terme, les stratèges de Macron entendent proposer des investitures communes pour les élections départementales et régionales de mars sous le nom de « majorité présidentielle ». Le modèle : les élections européennes de mai 2019, où la majorité a survécu avec 22,4%. Lors des élections municipales, le département a conduit au fiasco.
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La « grève du gong » a été donnée par Emmanuel Macron, selon les mots d’un haut dirigeant de la majorité, lors d’un dîner à l’Elysée le mardi 25 août. Autour des plateaux de fruits de mer et du chef de l’Etat : son secrétaire général, Alexis Kohler ; le Premier ministre Jean Castex; Richard Ferrand, Stanislas Guerini, François Bayrou et Philippe Grangeon, Conseiller spécial du Président. Au menu : la préparation de 2022 et la consolidation d’un socle cohérent pour le premier tour.
« Ce merveilleux espace central de la vie politique française, dont j’ai annoncé qu’il peut triompher de ses propres forces et ne veut pas s’accrocher à droite ou à gauche, devra être organisé », explique François Bayrou. De s’enraciner, d’occuper les campagnes, de protéger les idées, d’être en contact avec les Français. »Pour renforcer une majorité à long terme, des réflexions très complexes sont également menées sur le retour au scrutin proportionnel, sur lequel fonctionne le ministère de l’Intérieur. Macron est convaincu : « Dans notre pays, il n’y a pas de culture de coalition. Pour le créer, vous avez besoin de la représentation proportionnelle. »
Jeudi dernier, lors d’un déjeuner offert à une dizaine de sénateurs LREM à l’Elysée, le chef de l’Etat s’est montré aussi offensant qu’explicite : « Je ne traiterai pas des questions partisanes, mais il est temps de ne pas oublier que le président veut une majorité présidentielle, a-t-il dit. Il va falloir s’élargir, revenir au pouvoir collectif des débuts et aller bien au-delà d’En marche. » Au Sénat, cela pourrait signifier un rapprochement avec certains centristes et radicaux. Ou même avec des membres de l’organisation LR réticents à s’en tenir à la ligne musculaire de leur chef, Bruno Retailleau. Par ailleurs, le chef de l’Etat ne cache pas qu’il veut profiter de la confusion de la droite et de la dispersion de la gauche pour réunir « les modérés et les raisonnables ». », selon l’expression d’un des acteurs de l’opération.
Être meilleur ami de Macron est nécessairement un prix supplémentaire
Le moment ne doit rien au hasard. Cette commission était dans les tiroirs depuis plus d’un an, réalisée notamment par Philippe Grangeon, conseiller spécial de Macron, qui quittera l’Elysée dans quelques jours. Mais si le président accélère, c’est parce qu’il a senti que les divisions, notamment à droite, lui ouvrent une brèche. » Nous appelons tous les élus de droite et de centre-droit à nous rejoindre », déclare Olivier Becht, président de l’organisation Agir à l’Assemblée nationale, qui se déclare « confiant » : « Un certain nombre d’élus locaux, pragmatiques comme d’habitude, nous rejoindront », prédit-il.
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Illusions? La République des Maires de Christophe Béchu accueillera sans doute un nouveau membre le 25 septembre : Édouard Philippe. Mais l’amitié spontanée entre élus pourtant favorables n’est pas garantie. » Si on dit qu’En marche tout seul est un peu court, on fait des progrès, dit l’un d’eux. Et si la majorité s’élargit, je dirai : le meilleur ami !Mais comment ? Sous quelle forme ? Je reste prudent. »Un magnifique LR-élu confirme : « Ce n’est pas forcément un prix supplémentaire d’être le meilleur ami de Macron. Nous avons vu le résultat des élections municipales à Lyon et à Bordeaux. . . »L’opération Coalition est lancée; Elle est encore loin d’être gagnée.