Nous savons que la province de Valence a été relativement épargnée par le Covid rapport à d’autres, comme la Catalogne ou celle de Madrid. Le maire de Valence, Joan Ribo, qui nous recevra dans la matinée, évoque deux études portant sur la pollution et les températures élevées au niveau local… Difficile de savoir quel crédit y accorder.
Un hôpital de campagne a été construit à proximité de l’hôpital universitaire La Fé de Valence qui dépend de la Generalitat Valenciana (la région autonome). Il vient tout juste d’être achevé. À l’intérieur : 370 lits. Tous vides pour le moment. Bizarre. « L’hôpital de campagne n’a pas ouvert. Il n’a pas encore commencé à fonctionner », explique la chargée de communication de l’hôpital. Une information que l’on a un peu de mal à comprendre. On demande à savoir quand l’établissement provisoire pourra accueillir des malades. Mais malgré nos sollicitations, elle ne nous en dira pas plus. Un article du journal El Pais évoque « plusieurs millions d’euros d’investissement » et un « fiasco ».
Changement de décor. Nous avons rendez-vous avec José Ramon Espuig, dans son atelier. Il est artiste fallero depuis l’âge de 14 ans. En clair, comme quelque 230 autres artistes, il réalise des sculptures géantes qui paradent pour l’incontournable fête des « fallas » et qui sont ensuite brûlées. Fête qui attire des dizaines de milliers de personnes, qui devait se tenir du 14 au 19 mars, et qui a été annulée à la dernière minute. « Un désastre », estime-t-il. »Une déception totale » tant sur le plan sentimental qu’économique bien sûr.
Pour cette édition, José Ramon Espuig avait fabriqué la « falla » municipale. Un buste de femme en train de méditer, de 20 mètres de haut, qui est devenue un symbole, « une icône » de la lutte contre le coronavirus. « On a voulu lui mettre un masque pour faire une photo, on comptait l’enlever. Mais cela a eu un tel, retentissement qu’on l’a laissé », explique-t-il. « Sa photo a été publiée en Russie, à New York, à Londres… » Installé sur la place centrale de Valence juste avant la mise en place du confinement, le buste a tout de même été brûlé mais la tête préservée. « Elle tournait à 360 ° en 24 heures, comme le mouvement de la terre ». Elle est désormais entreposée dans la zone des marinas. Une reproduction en bronze serait même envisagée.
José Ramon Espuig, dans son vaste hangar, ne peut quant à lui se mettre au travail. « D’habitude, à cette époque, on signe les projets avec les associations de falleros (elles sont 380). Là, j’ai pu avoir un engagement oral en cas de retour à la normale mais rien d’autre. Tout est paralysé ».
Nous nous rendons à Feria Valencia, le parc d’exposition de la ville, où une large partie des « fallas » terminées par les artistes ont été remisées. C’est Juan Zumalde, le chargé de communication du site qui nous accueille et nous permet l’accès à ce cimetière d’un genre inédit. Là, sur 6 000 m2, au milieu de ces statues hautes en couleurs, on peut prendre la mesure de la tristesse de la population.
Dès notre arrivée à la Valence, la veille, ce chiffre nous a sauté aux oreilles : plus de 700 millions d’euros, tel est le poids financier des fêtes des « fallas ». Et tel serait donc le manque à gagner cette année. Nous décidons de demander au maire de la ville, Joan Ribo, de nous confirmer une telle donnée.
Il nous reçoit avec gentillesse en mairie, dans un superbe salon. Et valide ce chiffre qui lui semble tout à fait plausible. Car les « fallas » font travailler toute l’année « entreprises de pyrotechnie, d’animation, fleuristes… », souligne-t-il. Le souhait du premier magistrat espagnol était de déplacer la fête des « fallas » en juillet. Mais « on ne sait pas si on aura l’autorisation ». Et à ce jour, rien n’est moins sûr. La feria de juillet est également sur la sellette. Joan Ribo, conscient de la situation, n’est pas optimiste et évoque « des répercussions très graves pour le monde culturel ». Il se prépare par ailleurs à une saison « compliquée » avec uniquement l’accueil de touristes espagnols. Cela alors que les touristes étrangers représentent la moitié de la clientèle séjournant d’ordinaire à Valence.
Avant de quitter Valence, il nous reste un témoignage important à recueillir. Comme pour rappeler que le Covid reste d’abord une crise sanitaire grave. Fait essentiel qu’on aurait presque oublié tant la paisible Valence, avec son hôpital de campagne désert, n’affiche pas au premier abord les signes d’une détresse sanitaire.
Enriqueta Cuchillo est docteur au Samu de Valence. Elle a perdu son mari, également docteur au Samu, le 7 avril, victime du Covid. Détruite, elle est confinée dans son domicile de Valence avec ses deux garçons, dont un a été testé positif. Elle accepte donc seulement une interview par téléphone. Encore à vif, elle laisse parler sa colère.