La chute du gouvernement Barnier souligne une impasse structurelle et place le chef de l’Etat, plus fragile que jamais, en première ligne. Au point que l’idée de son départ anticipé, improbable il y a quelques mois, prend de l’ampleur.
Un président de la République, en mondovision, seul face à son prompteur. Le ton est condescendant et moraliste. Les annonces, elles, sont inexistantes. Emmanuel Macron n’a, finalement, pas grand-chose à dire. Ni mea culpa ni nouveau gouvernement. Simplement, il veut l’affirmer : non, il ne démissionnera pas. Comme si le dire permettait de balayer l’hypothèse.
Pourtant, c’est bien l’effet inverse que le chef de l’État a obtenu après sa prise de parole jeudi 5 décembre, à la suite de la censure par les parlementaires du gouvernement Barnier. En martelant qu’il s’accrocherait à son pouvoir, il a démontré, plus que jamais, la fragilité de sa situation politique.
« La question de la démission n’est pas encore tout à fait mûre. Emmanuel Macron a encore trente mois de mandat, c’est énorme. Il l’a répété à plusieurs reprises. Pour l’instant, on n’en est pas encore là, mais l’hypothèse est de plus en plus palpable », analyse Rémi Lefebvre, professeur de sciences politiques à l’université de Lille. « Palpable » parce que, depuis quelques jours, elle transcende les différences d’une large partie de la classe politique.
Malgré la composition de l’Assemblée, il y a un blocage. Et ce blocage se trouve à l’Élysée.
En France Insumisa (LFI), ils défendent la demande de démission du chef de l’État. Selon les Insumisos, convaincus que toute la politique française « commence par le président », seul le départ du locataire du palais d’Eliseo – provoquant ainsi une première élection présidentielle pour laquelle Jean-Luc Mélenchon se prépare – peut prendre la France de la politique politique crise. « Nous pouvons voir que, malgré la composition de l’assemblée, il y a un blocus. Et ce bloc est inévitablement la question de sa démission Pour les élections au sein de la LFI.
Depuis quelques jours, les insoumis constatent avec saveur que l’idée est reprise par des élus de droite et du centre. Le président de la région Normandie, ministre de la Défense sous Nicolas Sarkozy et actuel chef de file des centristes, Hervé Morin, s’est déclaré favorable à la démission d’Emmanuel Macron. Tout comme le maire Les Républicains de Meaux, ministre sous Jacques Chirac, Jean-François Copé.
Une position d’autant plus inattendue qu’il prône d’ici 2022 une alliance immédiate entre son parti et Macron. Charles de Courson, figure du groupe LIOT, député centriste depuis plus de trente ans et général répulsif au rapace du général. Budget à l’Assemblée, rejoint également la position d’InSumise.
En observant que le concept marche, les rebelles ont relancé leur croisade de communication la plus charmante autour d’une démission d’Emmanuel Macron et peuvent re-protecter une procédure de licenciement « au bon moment », selon le député LFI Danièle Obono. « La diversité politique des personnalités qui nécessitent [la démission du président] indique qu’aujourd’hui est une situation politique très spécifique de quitter la crise », observe Nicolas Roussellier, Historien et la Force gouvernementale. La force exécutive en France, XIX-XXie siècles (Gallimard, 2015).
Ce scénario est d’autant plus nouveau que, sous la Ve République, la démission était un chiffon rouge brandi par le chef de l’État. « Le général de Gaulle a toujours fait face à la démission », se souvient le professeur au Centre d’histoire de Sciences Po. Mais aujourd’hui, la spéculation vient de l’opposition et ajuste le rapport de force.
Le président bénéficie de l’onction démocratique d’un chef de l’Etat choisi pour son programme.
Ce concept de renoncement ne sort pas de nulle part. Il a même marqué lors d’événements les deux mandats du chef de l’Etat depuis son élection en mai 2017. Et ce, depuis le mouvement des gilets jaunes de l’hiver 2018, où les symptômes dépeignant Emmanuel Macron comme un monarque autoritaire coloraient les ronds-points et les avenues parisiennes. « C’est un sentiment très profond de mépris, d’arrogance et de manque d’écoute qui s’exprime dans les questionnaires que nous administrons au cours de nos recherches », décrit Magali della Sudda, directrice des études CNRS au Centre Émile-Durkheim, à Sciences Po-Bordeaux.
Aujourd’hui, cependant, le contexte est différent. « En 2017, Emmanuel Macron est élu, il est soutenu par une Assemblée nationale où il a la majorité, aucune discussion n’est possible. Là, la majorité sortie des urnes en juillet n’est pas celle qui gouverne, et le président a été élu par la menace de l’extrême droite. Il n’a pas l’onction démocratique d’un chef de l’État élu pour son programme », explique celle qui a étudié finement le mouvement des gilets jaunes.
Le renoncement prospectif n’a pas la même portée : proposé par l’intermédiaire d’hommes de droite et du centre, ce concept perd de sa « radicalité » et apparaît, contrairement au chaos promis par ses détracteurs, comme une « solution d’apaisement ».
« Moi ou chaos »: c’est le détail de la langue que le chef de l’État recycle à vérifier pour sauver un mandat de désespoir, difficile à écouter après la fin de l’année où son histoire économique et politique semble à la lumière du jour: Dossier de déficit, grands licenciements, à droite à son maximum, etc. « Le chaos est déjà là, il est politique, économique et social », a-t-il lancé le président du comité des finances et le vice-président de la coquelele rebelle l’examen du mouvement de censure.
Malgré cette situation, la résignation reste un saut vers l’inconnu. A gauche donc, il n’y a pas de consensus sur cette issue. Ni les communistes, ni les socialistes, ni les écologistes ne veulent dépasser cette idée. « Il y a une guerre pour l’attribution du devoir pour le chaos », analyse Rémi Lefebvre. « En démissionnant et en proposant des engagements à gouverner, le PS doit donner des promesses de devoir », poursuit-il.
Pour le politologue, cette stratégie permet de renvoyer « la responsabilité du bordel et du chaos » à Emmanuel Macron. En effet, ce dernier ne semble pas prêt à faire des concessions en remettant en cause sa politique menée depuis sept ans. L’intransigeance du président de la République conduirait les socialistes à ne pas « trahir » le programme du Nouveau Front populaire.
Du côté des organisations syndicales, on ne pousse pas non plus à la démission du chef de l’État. « Le sujet des travailleurs et des travailleuses n’est certainement pas celui-ci. On a besoin d’un gouvernement pour répondre aux exigences sociales maintenant ! » souligne Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, qui rappelle le nombre de plans de licenciements massifs annoncés par des entreprises. « On ne peut pas se permettre d’attendre une présidentielle anticipée, c’est maintenant que l’État doit intervenir dans ces dossiers. »
Les forces de gauche parviendraient à s’organiser en cas d’urgence.
Surtout, dans un contexte d’instabilité, il n’y a aucune garantie que les élections présidentielles prévues auront une issue progressiste. Certains craignent même qu’il ne s’agisse d’une voie secondaire pour Marine Le Pen, pressée de revenir sur le devant de l’électorat alors qu’une certaine inéligibilité plane sur son avenir politique. « Les forces de gauche ne pourraient pas s’organiser dans l’urgence », a prédit Rémi Lefebvre. Jean-Luc Mélenchon doit être candidat le plus rapidement possible pour éviter que les autres partis du NFP ne s’organisent. C’est aussi pour éviter cela que le PS tarifère. »
De plus, si le locataire de l’Élysée changeait, l’Assemblée nationale maintiendrait son état de division excessif. « C’est là le cœur du problème », estime Nicolas Roussellier. Des politiques qui proposent la démission comme solution à la crise font que cet événement électoral relancera la Ve République, avec des élections législatives qui vérifieront la force du Président de la République nouvellement élue. Or, cette suite logique n’existe plus depuis 2022. »
La capacité d’un nouveau choix présidentiel de remplacer la vie quotidienne des Français peut être réduite dans une large mesure. À moins que nous ayons pu introduire des remplacements institutionnels et démocratiques plus profonds, tels que le statu quo d’une sixième République. C’est l’argument que les rebelles présentent déjà.
Penser à la démission du président, c’est recréer la préférence pour avoir quelque chose qui apporterait une solution miraculeuse.
Un renouveau démocratique libéré du présidalisme autorisé, et c’est là le paradoxe, par l’élection d’un nouveau président. Tout cela dans un contexte où le Parlement bénéficie, malgré tout, d’une énergie renouvelée. « Penser à la démission du président, c’est recréer la préférence d’en avoir un autre qui apporte une solution miraculeuse. Et, d’une certaine manière, le Parti socialiste, Olivier Faure, a donné une interview au monde.
Et l’historien d’imaginer une situation délicate si, à l’issue de la présidentielle, les promesses de campagne du vainqueur ne pouvaient pas être appliquées, faute de majorité parlementaire. « Ses électeurs pourraient se sentir bafoués. » Une forme de déni de démocratie pouvant occasionner un choc encore plus profond : « Une crise de régime, estime l’historien, c’est-à-dire un blocage par le haut, et des pressions par le bas, dans la rue. »
« Aujourd’hui, on est dans une crise ministérielle, pas encore de régime. Mais, si elle s’approfondit dans les prochaines semaines et les prochains mois, Emmanuel Macron aura un énorme problème de légitimité », souffle Rémi Lefebvre. Comme il est le seul détenteur du pouvoir de nommer le futur premier ministre, le président de la République conserve encore les clés du chaos entre ses mains.
Après avoir déclaré l’échec d’un gouvernement qui ne défend que son enregistrement, Emmanuel Macron a une option: poursuivant obstinément sa politique économique ou vérifiant pour laisser la gauche gouverner par l’emplacement des engagements, le texte à travers le texte. Il est très peu probable que l’option de moment soit très probable. .
À l’heure où nous écrivons ces lignes, les noms de François Bayrou, Sébastien Lecornu et Catherine Vautrin reviennent avec la plus grande insistance pour succéder à Michel Barnier à Matignon. Loyal envers le chef de l’État qui ne remettra pas en cause sa carrière ou ses politiques. Comment peut-on alors croire qu’un tel gouvernement réussira à faire passer un budget ?Avec une telle sélection et une probable nouvelle censure, Emmanuel Macron serait encore plus affaibli. Et la question de sa démission est encore plus d’actualité.
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