Enregistrement de la migration nocturne des oiseaux

Grives litornes (Turdus pilaris) et Étourneaux sansonnets (Sturnus vulgaris), Flandre zélandaise (Pays-Bas). Photographie : Rob Hille / Wikimedia Commons

La migration est un phénomène qui passionne les humains depuis l’Antiquité : au printemps et en automne, des dizaines de millions d’oiseaux appartenant à près de 2 000 espèces effectuent des trajets parfois très longs pour rejoindre leurs zones de nidification ou  des régions au climat plus doux et riches en nourriture. Si le suivi du passage des hirondelles, des rapaces ou des cigognes (entre autres) est populaire, il ne reflète qu’une petite partie du phénomène migratoire : en effet, beaucoup d’espèces migrent la nuit et passent donc inaperçues, sauf si on a de la chance de les voir voler devant la lune ou si on les détecte avec un radar. La méthode la plus simple est toutefois d’écouter leurs nombreux cris, et si possible, de les enregistrer. Suivre la migration nocturne est une occupation passionnante, et vous pouvez en outre contribuer à faire progresser les connaissances. Cela sera souvent l’occasion d’ajouter des espèces inédites à votre liste locale, que l’on soit en pleine ville ou dans la nature, et les surprises seront souvent au rendez-vous, des espèces inattendues pouvant être détectées comme le Bruant ortolan (Emberiza hortulana), le Butor étoilé (Botaurus stellaris), la Marouette ponctuée (Porzana porzana), la Macreuse noire (Melanitta nigra) ou le Pluvier guignard (Charadrius morinellus). Dans cet article, Quentin Dupriez nous donne des conseils pratiques (équipement nécessaire, où et quand enregistrer, format des fichiers, analyse des sons avec Audacity et partage des données), que nous avons complétés par des informations concernant la migration nocturne.

Migration is fascinating phenomenon: in spring and autumn, tens of millions of birds belonging to nearly 2,000 species make sometimes a very long journey to reach their breeding or wintering areas. If the surveys of swallows, raptors or storks (among others) migrations are popular, it only reflects a small part of the migratory phenomenon: indeed, many species migrate at night and therefore go unnoticed, unless we are lucky to watch them flying in front of the moon or if when they are detected with a radar. The most effective and simple method is to listen to their many night calls, when the conditions are favorable, or even better, to use a recorder with a microphone, a simple equipment that can be purchased or even mounted yourself. To study nightl migration is an exciting occupation, and one can contribute to the understanding of this little-known aspect of the migratory phenomenon. This will often be an opportunity to add new bird species to your local list, whether in the city or in the wilderness, and surprises will often be there, as unexpected species can be detected above your garden, such as the Ortolan Bunting, the Eurasian Bittern, the Spotted Crake, the Common Scoter or the Eurasian Dotterel. In this article, Quentin Dupriez gives us practical advice (equipment, where and when to record, files formats, sound analysis with Audacity and data sharing), which we have supplemented with information about nocturnal migration.

De nombreux oiseaux migrent la nuit

Gobemouche noir (Ficedula hypoleuca) se reposant dans le parc natural dels aiguamolls de l’Emporda en Catalogne (Espagne) le 19 avril 2019 : il a certainement migré durant toute la nuit. Photographie : Michel Lerbour

Le suivi du passage des rapaces, des cigognes, des pélicans, des hirondelles, des colibris ou des oiseaux marins rassemble de nombreux observateurs passionnés dans certains endroits privilégiés, comme les cols, les caps ou les détroits, mais en fait, beaucoup d’espèces migrent la nuit : c’est le cas par exemple de la plupart des passereaux (coucous, gobemouches, parulines, fauvettes, vidéos, loriots, orioles, bruants…), des limicoles et des canards. En effet, voyager de nuit offre plusieurs avantages, comme un risque de prédation moindre, une atmosphère plus calme et des températures plus froides (les battements d’ailes constants élèvent la température corporelle), mais elles privent en partie les voyageurs de sommeil. Plusieurs hypothèses ont été proposées pour tenter d’expliquer comment les oiseaux pouvaient se diriger sans la lumière du soleil : ils se baseraient sur la position des étoiles et par temps nuageux, ils utiliseraient un « compas magnétique moléculaire » situé dans leur rétine, dont le mécanisme serait basé sur les cryptochromes, des protéines réceptrices de la lumière bleue (seule une luminosité très faible serait nécessaire) dont les propriétés changent en présence du champ magnétique (lire Le rôle du géomagnétisme dans l’orientation des oiseaux). Toutefois, les lumières des bâtiments et des autres infrastructures constituent de vrais dangers car ils les désorientent, provoquant des millions chaque année des millions de collisions (lire Comment voient les oiseaux et comment limiter les collisions ?). Les migrateurs nocturnes décollent généralement peu après le coucher du soleil, et le maximum de leur passage a lieu autour de minuit. Tôt le matin au printemps ou en automne, on assiste parfois sur les sites de suivi de la migration, comme la pointe de l’Aiguillon en Vendée (lire Suivre la migration des oiseaux depuis la pointe de l’Aiguillon), à de véritables « pluies » de passereaux épuisés ayant volé toute la nuit et qui se précipitent dans les buissons, les roseaux ou les prairies pour reprendre leurs forces.

Regarder les oiseaux passer devant la Lune

Vue du système LunAero, servant à filmer les migrateurs passant devant la Lune. Source : Wesley T.Honeycutt et al / Hardware X

L’un des moyens d’avoir un aperçu de la migration nocturne est de diriger ses jumelles ou sa longue-vue vers la Lune et de compter les silhouettes des oiseaux passant devant elle. Cette méthode simple est assez souvent utilisée par les ornithologues, mais elle nécessite de passer des heures sur le terrain. Afin de faciliter le travail des biologistes, un prototype de système automatisé appelé LunAero a été mis au point : il est composé d’une longue-vue, d’une caméra, d’un adaptateur et d’un ordinateur, sur lequel sont stockées les vidéos. Cet ensemble suit automatiquement la lune grâce à un programme et un support motorisé. Il faut toutefois que le ciel ne soit pas nuageux, qu’au moins une moitié de la lune soit visible, et la lecture des vidéos prend beaucoup de temps. Des tests ont été menés entre février 2018 et mai 2019, et l’analyse de 1,5 heure de vidéos a permis de compter 450 oiseaux, un résultat meilleur qu’à l’œil nu.

L’utilisation du radar

Un autre moyen d’étudier la migration nocturne est d’utiliser un radar, un équipement qui a pour avantage de fonctionner indépendamment es conditions météorologiques et de couvrir une vaste zone. Cette technique fournit des informations sur le nombre d’oiseaux, leur direction et leur vitesse, mais elle ne permet pas d’identifier les espèces.

Nocturne cris

Durant leur migration nocturne, beaucoup d’oiseaux, notamment les passereaux (parulines, fauvettes, grives, bruants…), émettent des cris courts (souvent compris entre 10 et 300 ms) et simples, à haute fréquence et à bande passante étroite, comprise entre 1 à 11 kHz : les fins cris nocturnes des Grives mauvis (Turdus iliacus) sont bien connus (lire Pourquoi certains oiseaux crient-ils et/ou chantent-ils la nuit ?). 

Écoutez ci-dessous un enregistrement des cris nocturnes de Grives mauvis (Turdus iliacus)  réalisé en Finlande le 9 avril 2020 (source : Xeno-canto) :

D’autres oiseaux sont peu loquaces, comme les pics, les corvidés, les alouettes ou les fringilles, et certains sont silencieux, comme les moucherolles, les viréos et les moqueurs. Bien que les fonctions exactes de ces cris nocturnes ne sont pas bien connues, elles stimuleraient les oiseaux, maintiendraient les contacts au sein du groupe (les distances entre les individus sont plus grandes la nuit que le jour) et contribueraient à l’orientation. Pour avoir un aperçu de l’activité de la migration nocturne, on peut donc écouter les oiseaux de passage, de préférence quand il n’y a ni vent ni bruit.

Autonome programmable enregistreurs

L’enregistreur autonome Audiomoth. Source : Openacousticdevices

Pour étudier les sons nocturnes des oiseaux (mais aussi des chauves-souris et des mammifères), les biologistes peuvent utiliser des Unités d’Enregistrement Autonomes (lire Utiliser des Unités d’Enregistrement Autonomes pour étudier les oiseaux). Il en existe plusieurs modèles sur le marché, comme l’AudioMoth d’OpenAcousticDevices, le SM4 de Wildlife Acoustics SM4 ou le Cornell Swift. Une société basée dans l’Hérault (France) a récemment développé l’Audiolog, un enregistreur compact prometteur (lire L’Audiolog, un enregistreur innovant : Julie Ezagouri-Larra et Manon Jouyaux nous en disent plus). Leurs prix sont très variables (moins de 80 euros pour l’Audiomoth et près de 800 euros pour un SM4), des écarts notamment liés aux différences de performances d’enregistrement. De part son prix et sa taille, l’Audiomoth est un choix intéressant, mais il n’est pas étanche et son microphone est moyennement performant. Il fonctionne avec trois piles AA, lui fournissant une autonomie de 15 jours, et est muni d’une carte micro SD pour stocker les sons. Différents réglages permettent de définir les plages horaires de déclenchement des enregistrements et de choisir la qualité d’enregistrement. Le Cornell Lab of Ornithology a développé un système de détection composé de plusieurs capteurs de sons et d’un ordinateur pilotant l’ensemble grâce au programme RADd (Realtime Acoustic Detection daemon) s’exécutant en tache de fond. Chaque capteur, appelé ROBIN (Recording and Observing Bird Identification Node), est composé d’un microphone Knowles EK23132 orienté verticalement et placé dans un cône, d’un processeur et d’une connexion Internet sans fil : il « surveille » en continu l’environnement sonore et transmet régulièrement des enregistrements sonores. Plusieurs exemples d’équipements utilisés lors d’études sonores de la migration nocturne nocturnes ont été décrits : par exemple, sept enregistreurs autonomes Song Meter 2 (SM2) de Wildlife Acoustics, équipés de microphones omnidirectionnels SMX-NFC du même fabricant, placés sur des poteaux de 5,8 mètres de haut et d’une portée maximum de 500 mètres, avaient été installés au printemps et à l’automne 2012 sur la rive nord du lac Érié (Canada). Les SM2 avaient été programmés pour se déclencher entre le crépuscule et l’aube, suivant les recommandations du « Nocturnal Flight Call Count Protocol » mis au point par le site web collaboratif eBird. Au total, 6 237 heures d’enregistrements (fréquence d’échantillonnage de 44 100 Hz), contenant 60 013 cris, avaient été obtenus durant 121 nuits. Ils avaient ensuite classés dans différentes catégories bioacoustiques (cris courts et ondulants, descendants puis montants…), correspondants à des groupes d’espèces.

Équipement de base: un enregistreur portable

Zoom H4n Pro enregistreur numérique. Source: Zoom-na.com

Si l’on n’a pas besoin d’un enregistreur programmable, un simple modèle numérique portable suffira. Deux marques sont utilisées majoritairement : Olympus et Zoom (mais il en existe d’autres, comme Roland). Les prix sont globalement compris entre 100 à 300 euros. Les modèles évoluent vite et de nouveaux arrivent régulièrement sur le marché, toutefois, les enregistreurs Zoom de la série H (H4n et H5), les Olympus de la série LS (comme le LS12), ou le Tascam DR-40X sont appréciés. Ils sont munis d’un microphone interne. Ils ne sont par contre pas étanches, et il faudra donc les tenir au sec et à l’abri des intempéries durant la nuit. Vous aurez aussi besoin :

Comment puis-je choisir un enregistreur?

Pour choisir un modèle de graveur, vous devez vous poser plusieurs questions:

Vous pouvez déjà enregistrer des sons d’oiseaux avec votre smartphone, en utilisant l’application installée par défaut (lire Enregistrer les sons d’oiseaux avec un smartphone). Les fichiers seront générés au format MP3. Utilisez si possible les réglages suivants : haute qualité d’enregistrement, canal mono, niveau de bruit entre 6 et 12 décibels (dB) et gain automatique à « off ». Des micros externes sont aussi disponibles, le VideoMic de Røde étant par exemple conseillé (il peut aussi être utilisé avec d’autres équipements, comme une caméra ou un appareil photo).

Le choix de microphone

Sennheiser ME66 directionnel canon. Source: Sennheiser

Un microphone convertit l’énergie des ondes mécaniques (sonores) en énergie électrique (signaux ) au niveau de sa capsule : ce composant est donc essentiel. Une capsule produit un signal électrique à partir d’un son provenant d’une direction donnée, et on peut en rajouter plusieurs pour capter les sons provenant de plusieurs sources éparpillées. Il est possible d’utiliser le microphone interne de l’enregistreur, mais pour disposer d’une portée supérieure et d’une meilleure qualité sonore, il faudra brancher un microphone externe. Il pourra s’agit d’un modèle canon (ressemblant à un stylo) ou parabolique : le premier d’améliorer la qualité du son en réduisant le bruit ambiant, mais le volume sonore n’est pas augmenté. Un micro canon prend moins de place qu’une parabole, mais il est davantage sensible au bruit du vent : il faut donc le protéger avec une bonnette, de préférence en fausse fourrure. Sinon, une chaussette ou un bas peuvent faire office de premier filtre. Les prix des microphones canon sont variables, allant de moins de 25 euros à plus de 150 euros pour des modèles de qualité, comme le Rode NTG-2 ou le Sennheiser ME66 . Si vous enregistrer depuis votre fenêtre, vous pouvez acheter un petit microphone pour moins de 20 euros qui se branchera sur le port USB de votre ordinateur.

Des capsules pour améliorer les performances

Capsules de microphone. Source : Micbooster.com

Comme nous l’avons évoqué plus haut, la capsule est la partie la plus importante d’un microphone, car c’est elle qui converti les ondes sonores en signaux électriques. Elle détermine la qualité de l’enregistrement, notamment la sensibilité du son et donc son amplification, et lorsque l’on veut enregistrer la migration nocturne, l’objectif est d’obtenir le plus d’amplification (de gain) possible. Vous pouvez donc augmenter la sensibilité de votre enregistreur en achetant une ou plusieurs capsules, le modèle au meilleur rapport amplification/prix étant certainement la Primo EM172. Elle se branche sur la sortie microphone de l’enregistreur (prise Jack 3,5 mm) et remplace alors le microphone interne de l’enregistreur. Un exemplaire coûte environ 15 euros et peut être acheté sur www.micbooster.com.

Différents montages de capsules sont possibles selon les moyens et les besoins :

Deux montages de capsules (cliquez sur la photo pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Le site web www.micbooster.com propose des branchements personnalisés (il faut les contacter) ou de série, mais il est tout à fait possible d’acheter les pièces détachées (câble, prise Jack et capsules) pour réaliser soi-même le montage avec un petit fer à souder, réduisant ainsi le coût : de petits supports avec paroi (pour la stéréo) en Plexiglas ou dans autre matière similaire semblent être la solution optimale pour un maximum d’amplification.

Est une parabole nécessaire?

L’objectif d’une parabole est essentiellement d’amplifier un son provenant d’une direction précise. La nuit, les cris sont émis dans différentes directions et plusieurs essais comparatifs montrent que la parabole n’est pas gagnante (la plupart du temps) face à des micros omnidirectionnels (avec des capsules EM172). Autrement, vous pouvez réaliser vous-même une parabole ou acheter un micro parabolique (les marques Dodotronic, Telinga et Wildtronics sont les plus connues), mais les prix dépassent rapidement les 500 euros.

Augmenter le gain (ou niveau) sonore Pour enregistrer la migration nocturne, il faut une amplification maximale afin de détecter le plus de cris possibles. Outre l’ajout éventuel d’un microphone externe ou de capsules (voir plus haut), il faut optimiser les réglages de son enregistreur. Tous les modèles possèdent en effet un réglage du gain (parfois indiqué « level » ou « recording level ») qu’il est conseillé de paramétrer au maximum. Attention, certains enregistreurs ont également un préréglage du gain, qu’il faut aussi prendre en compte. En poussant ces réglages au maximum, les cris les plus proches seront probablement saturés (bien que ça soit rarement le cas), mais les cris les plus lointains seront mieux détectés.

Protection contre les intempéries

L’humidité est le principal facteur à craindre pour votre enregistreur et votre microphone (les capsules ne sont pas étanches), notamment la pluie directe. Une boîte plastique du type Tupperware percé d’un trou pour le passage des câbles et des micros constitue une solution simple et efficace. Il est aussi possible de placer l’enregistreur dans une chaussette ou une housse et de le disposer dans un endroit peu exposé. Le microphone sera bien protégé par une bonnette contre le vent. Vous pouvez aussi enregistrer depuis une pièce en ouvrant la fenêtre et en pointant le micro vers l’extérieur. Le plus simple sera tout de même d’éviter les nuits à la météo trop agitée.

Quand peut-on enregistrer la migration nocturne ? On peut enregistrer les cris nocturnes tout l’année, mais le printemps (de mars à mai) et l’automne (entre août et novembre) sont bien sûr les plus favorables car ils correspondent aux périodes des passages. Le reste de l’année peut aussi réserver des surprises, y compris en plein hiver (anatidés, Butor étoilé…) ou en été, avec le Bruant ortolan (Emberiza hortulana) en août (lire Repérer le Bruant ortolan par ses cris lors de sa migration nocturne) et la Caille des blés (Coturnix coturnix) en juin. La météo joue un rôle très difficile à prévoir, mais toutes les nuits ou presque peuvent être intéressantes, y compris si elles sont nuageuses et humides (bruine et brouillard). Les fortes pluies et un vent fort restent toutefois défavorables.

Où puis-nuit de la migration sont-ils enregistrés?

On peut enregistrer la migration n’importe où, en rase campagne ou au centre d’une grande ville. En effet, les migrateurs survolent tous les habitats, et des surprises (marouettes, limicoles, canards…) peuvent être au rendez-vous même au-dessus de son jardin, de son balcon ou de sa fenêtre. Il faut tout de même prendre en compte son environnement sonore proche (route, voisinage…).

Comment enregistrer la migration nocturne ? En général, il suffit de lancer l’enregistreur à la nuit tombée (ou même avant), et de l’arrêter au réveil (même s’il fait déjà jour). Les séquences « hors nuit » pourront être supprimées avant l’analyse. Il est important que l’horloge de l’enregistreur soit bien à l’heure pour pouvoir faire facilement coïncider les heures d’enregistrement et de coucher du soleil. Des procédures ont été élaborées pour optimiser les heures d’enregistrement nocturne, comme le « Protocol for Standardised Nocturnal Flight call Monitoring« . Avoir une idée des heures de passage des différentes espèces est un plus : des surveillances radar ont montré que la plupart des passereaux migrateurs volaient entre 45 minutes après le coucher du soleil et minuit.

Fréquence d’échantillonnage et le format de fichier

Un son numérisé est composé d’échantillons. La fréquence (ou taux) d’échantillonnage, exprimée en kilohertz (KHz), conditionne la qualité de l’enregistrement : elle est en général fixée à 44 kHz (ce qui correspond à la qualité sonore moyenne d’un CD : ), ce qui signifie que chaque seconde enregistrée est composée de 44 100 échantillons. Il conseillé de ne pas descendre en dessous de cette valeur sous peine de perdre en qualité. La profondeur de bits est un autre paramètre important : elle correspond au nombre de bits de chaque échantillon, c’est-à-dire à la résolution. Si vous effectuez des enregistrements avec une faible profondeur de bits, vous risquez que les passages sonores les moins forts « disparaissent » dans le bruit de fond, voire soient distordus. Plus la profondeur de bits est élevée, plus le son est précis et donc plus l’enregistrement est fidèle. La profondeur de bits standard pour un CD est de 16 bits. Le débit d’un disque compact audio enregistré avec une fréquence d’échantillonnage 44 kHz et une profondeur de 16 bits sur deux canaux sera de 1,411 Mégabits par seconde, soit 1 411 kbs. Les formats des fichiers sonores les plus répandus sont WAV et MP3. Le MP3 a subi une compression visant à réduire le poids (en octets) du fichier, ce qui réduit également sa qualité. Pour cette raison il est conseillé de ne pas descendre d’une compression de 320 kbps. Le choix doit se faire en fonction des capacités de la mémoire disponible sur la carte mémoire et surtout de la rapidité de son ordinateur, qui va devoir traiter et analyser le fichier : il peut en effet être très long d’ouvrir un fichier WAV de cinq ou six Go avec un logiciel d’édition audio. Pour un enregistrement de la migration nocturne, un fichier MP3 avec un taux d’échantillonnage à 44 kHz et un débit de 320 kbps constituera un bon compromis qualité/poids. Ces réglages peuvent se faire au niveau de l’interface de l’enregistreur, préalablement à l’enregistrement.

Les spectrogrammes ou sonogrammes, des représentations graphiques indispensables

Sonogramme du mugissement du Butor étoilé (Botaurus stellaris) (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Un sonogramme (ou sonagramme) ou spectrogramme, est une représentation graphique bidimensionnelle et (souvent) colorée d’un son : l’axe des abscisses indique la durée (en secondes) et l’axe des ordonnées (en kHz) la fréquence du son. On peut ainsi facilement différencier un son aigu au volume élevé d’un son plus long et moins fort. Il est très utilisé par les ornithologues pour repérer et identifier un son dans un enregistrement, car la représentation visuelle d’un chant ou d’un cri peut être très différente d’une espèce à une autre. Selon la palette utilisée, les sonogrammes seront d’un nuance de gris plus ou moins claire, ou d’une couleur plus ou moins intense, en fonction de la fréquence. Grâce à plusieurs logiciels de traitement audio, comme Audacity (le plus connu, libre et gratuit) ou Raven Lite du Cornell Lab est très populaire en Amérique du Nord, il est très facile de produire un sonogramme à partir d’un enregistrement sonore. Savoir lire un sonogramme est fondamental pour pouvoir analyser les enregistrements de la migration nocturne (lire Stanislas Wroza : l’approche sonore pour étudier et identifier les oiseaux) : on peut ainsi repérer les oiseaux aux cris aigus ou graves, longs ou brefs, les trilles, les sifflements… Le sonogramme du mugissement du Butor étoilé (Botaurus stellaris) est par exemple typique, très différents des cris fins et aigus du Roitelet huppé (Regulus regulus). Les cris du Bruants des roseaux (Emberiza schoeniclus) apparaissent minces et bien définis, tandis que les sifflements de la Grive mauvis apparaissent plus larges et plus flous.

Identifier les espèces

Les cris nocturnes sont souvent assez mal connus, variés et variables, et impliquent de nombreuses espèces : de nombreux enregistrements resteront donc non identifiés. La meilleure solution est de les téléverser sur des sites web spécialisés comme www.xeno-canto.org : ce dernier propose des groupes d’identification et permet d’échanger des courriels avec des personnes expérimentées. Une autre méthode consiste à utiliser un logiciel d’édition audio comme Audacity pour comparer votre sonogramme « mystère » avec celui d’un son identifié avec certitude. Vous pouvez utiliser différentes références :

Enregistrement automatique de classification et d’identification

Lorsque l’on laisse son équipement audio fonctionner durant une nuit complète, des centaines de sons d’oiseaux ont parfois été enregistrés. Après avoir été transférés sur un ordinateur et traités avec un logiciel comme Audacity, il est possible de les visualiser sous forme de sonogrammes : même si cette présentation graphique facilite le travail d’identification des espèces (après avoir acquis une certaine expérience et quelques repères), ce travail d’analyse reste long. Des solutions automatisés de classification et d’identification des sons ont été élaborées ou sont en cours d’élaboration, mais elles ne sont pas encore très performantes car elles ont été développées dans des conditions idéales (sans bruits de fond ni mélange d’espèces), et des cris très courts sont difficiles à distinguer l’un de l’autre et se ressemblent graphiquement. Toutefois, les résultats obtenus par ces techniques s’améliorent grâce à l’intelligence artificielle, et notamment l’apprentissage automatique : une équipe a par exemple élaboré un système de reconnaissance automatique des cris du Vanneau téro (Vanellus chilensis) testé sur le terrain et fiable à 85 %. Pour le moment, il n’existe pas de logiciel de reconnaissance automatique des cris nocturnes des oiseaux d’Europe.

Partager vos sons et faire progresser les connaissances

Les sons enregistrés peuvent être partagés de plusieurs façons, par exemple sur les deux sites web ci-dessous :

L’enregistrement des sons nocturnes des migrateurs et le partage de ses données contribuent à mieux connaître les espèces survolant une région donnée lors des périodes de passage, les trajets suivis, les effectifs et les dates de passage, les changements en fonction du temps, et donc éventuellement les impacts du changement climatique et des nouvelles installations humaines (éoliennes, ponts, autoroutes, immeubles…).

Les étapes de l’utilisation du logiciel Audacity pour analyser un dossier

Audacity est un logiciel gratuit et téléchargeable, qui permet d’analyser les fichiers de sons. L’analyse des sons  est visuelle et consiste à faire défiler le sonogramme, souvent minute par minute, en guettant les signaux suspects que sont les cris. L’analyse d’une nuit d’enregistrements peut durer de 30 minutes (avec de l’expérience de son environnement sonore, et peu d’oiseaux) à plusieurs heures pour des nuits avec forte activité. Une fois Audacity téléchargé, quelques réglages sont nécessaires.

Utilisation d’Audacity : étape 1 – Ouvrir Audacity et importer l’enregistrement (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

En utilisant Audacity: Étape 2 – Par défaut, la « forme d’onde » s’affiche (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source: Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 3 – Sélectionner une courte séquence puis cliquer sur ce logo en haut à droite pour l’agrandir (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 4 – Sélectionner le pas de temps optimal : il faut qu’il soit assez petit pour détecter les cris, mais pas trop pour ne pas y passer trop de temps (une minute constitue un bon compromis) puis cliquer à nouveau sur le logo pour zoomer (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 5 – Cliquer sur la flèche à droite du nom de la piste, puis sur « Spectrogram » (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 6 – Le spectrogramme est généré, mais il faut modifier son affichage pour faciliter sa lecture et son analyse (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 7 – Aller dans le menu « Audacity », puis dans « Préférences » (ctrl+P sur Windows et command+ sur Mac), « Tracks » puis « Spectrograms » (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 8 – Changer les paramètres, notamment l’échelle de fréquences (une plage de 0 à 12 000 Hz est suffisante). Il faut cocher « Greyscale » (l’échelle des gris)(cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 9 – Le résultat est désormais plus lisible (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 10 – Pour améliorer encore la netteté de l’affichage, il faut retourner dans le menu « Préférences », et faire varier la taille (en pixels) de la fenêtre (« Window size »). Dans l’exemple donné, la netteté est maximale pour la valeur 4 096 pixels pour un pas de temps d’une minute. Ce paramètre varie selon les écrans et le pas choisi : quand ce dernier est long (une minute), il faut augmenter la valeur de la taille de la fenêtre, et le diminuer quand il est court (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 11 – Avant réglage, la taille de la fenêtre est fixée par défaut à 1 024 pixels (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 12 – Si on la fixe à 4 096 pixels, la netteté est meilleure, et l’analyse peut démarrer en cherchant visuellement les cris entre les bruits parasites (chiens, voisins, voitures…) (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 13 – En cliquant sur la barre de défilement, le pas de temps choisi se décale (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 14 – Une fois un cri repéré, il faut sélectionner l’extrait et presser la barre « espace » pour l’écouter (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 15 – Pour enregistrer le son, il faut aller dans « File » (fichier), puis dans « Export » (exporter) et dans « Export Selected Audio » (exporter l’audio sélectionné) (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 16 – Il est possible d’enregistrer les sons sous différents formats, les plus conseillés étant le WAV ou le MP3 à 320 kbps. Il est également préférable d’indiquer un maximum d’informations dans le nom du fichier, comme la direction, la date et l’heure d’enregistrement (à déduire en fonction de l’heure du début). (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 17 – Pour voir les détails de l’enregistrement, il est conseillé de l’ouvrir dans une autre fenêtre afin de ne pas perdre la position et l’analyse en cours, et puis de cliquer sur le logo en haut à droite (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 18 – En zoomant, la netteté se dégrade et il faut la réajuster dans « Préferences » / « Window size » en diminuant la valeur de la fenêtre (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : étape 19 –  À 512 pixels, le cri est bien plus net (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin Dupriez

Utilisation d’Audacity : exemple d’une séquence de cris de Gallinule poule-d’eau (Gallinula chloropus) (cliquez sur l’image pour l’agrandir). Source : Quentin DupriezCompléments

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Le délai de livraison moyen est de trois à quatre jours ouvrés après la réception du règlement, mais il pourra augmenter dans certaines circonstances (réapprovisionnement, grèves, intempéries…). Dans la mesure du possible, vous serez tenu informé(e) en cas d’allongement prévisible du délai. Pour toute question, vous pouvez nous envoyer un message à l’adresse [email protected].

Pour les produits d’un prix significatif (à définir), il est possible de demander un paiement en plusieurs (de deux à quatre) fois sans frais, le plus simple étant par chèques (pour les clients français) il suffit de diviser la somme totale (en n’oubliant pas les frais de port) par X et de nous envoyer en une seule fois les X chèques libellés à l’ordre d’Ornithomedia (Ornithomedia, 37 allée Jacques Decour, 93270 Sevran), en nous précisant le planning d’encaissement (une fois par mois). Un paiement par virements programmés est aussi possible pour les clients français et étrangers.

Le client a la possibilité conformément à l’article L 121-16 du Code de la consommation (loi française) de retourner à ses frais les produits ne lui convenant pas auprès d’Ornithomedia dans un délai de quatorze jours à compter de la réception des produits. En cas d’exercice de ce droit de rétractation, le client aura le choix de demander, soit le remboursement sans frais des sommes versées (hors les frais de port et de paiement en ligne), soit l’échange du produit. Ce droit ne sera pris en compte que pour un produit retourné intact dans son emballage d’origine (= en très bon état).

Le site web www.ornithomedia.com est entièrement sécurisé  : vos données bancaires et personnelles sont donc protégées, et aucune information financière sensible, comme votre numéro de carte ou de compte bancaire, nous nous est communiqué.

Ornithomedia.com existe depuis 2001, nous avons donc près de 20 ans d’expérience dans la gestion et le traitement des commandes, ainsi que dans la relation avec des clients souvent exigeants.

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