Gianluca De Ficchy, président de Nissan Europe, a répondu aux questions de la presse automobile spécialisée au sein du nouveau siège de Nissan Europe, à Montigny-le-Bretonneux (le site en Rolle, en Suisse, sera fermé en 2022). Le dirigeant a balayé différents sujets, dont le plan produits de la marque et l’arrivée des nouvelles technologies, les perspectives commerciales, l’avenir du site de Sunderland au Royaume-Uni ou encore les coopérations avec Renault. Verbatim.
« Nous sommes aujourd’hui dans une phase de transition avec une gamme de produits qui arrive à la fin de son cycle de vie. Ces dernières années, nous avons voulu remettre à plat notre approche commerciale, en privilégiant les canaux les plus sains. Nous avons mené une « opération de nettoyage » sur les stocks qui avaient été constitués et sommes sortis des canaux sur lesquels nous avions une présence excessive par rapport au marché. Aujourd’hui, nous lançons des nouveaux modèles. Le Juke constitue la première étape. Il s’agit d’un processus qui va prendre un peu de temps. Par conséquent, je ne m’attends pas du tout à ce que l’année 2020 soit meilleure que 2019, nous anticipons même une nouvelle baisse de nos ventes ».
« Nous avons toujours affirmé que le Brexit, en soi, ne constituait pas un problème. En revanche, la problématique repose sur les conséquences du Brexit en termes de taxes entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Aujourd’hui, le niveau d’incertitude demeure important et l’échéance pour trouver un accord visant à déterminer les règles pour la circulation des biens entre l’Angleterre et l’Europe est très courte, soit avant le 31 décembre 2020. Nous partons du principe qu’un accord sera trouvé pour satisfaire les besoins de l’usine. Sur 100 véhicules produits en Angleterre, 75 partent à l’export, principalement en Europe. Si demain des taxes sont appliquées sur les biens qui sont exportés, le modèle de Nissan en Europe ne sera plus viable. Nous sommes dans un marché automobile où, en moyenne, un constructeur peut gagner 3%, voire 4%. Si on ajoute une taxe de 10% sur un véhicule fabriqué en Angleterre et exporté en Europe, cela signifie que nos véhicules seront invendables. Notre hypothèse à l’heure actuelle est de continuer à être présent en Angleterre. Sunderland est notre plus grande usine, où nous produisons le Juke, le Qashqai et la Leaf, qui représentent le cœur de notre gamme. Utiliser les implantations de Renault pourrait constituer une alternative mais c’est un processus très complexe à mettre en place et surtout très coûteux et très long. Enfin, il faut savoir que l’usine de Sunderland représente un écosystème de 30 000 employés. Déplacer un tel écosystème est inimaginable ».
« Il est important de rappeler que les coopérations avec Renault en Europe existent déjà depuis longtemps. Nissan ne pourrait pas exister en Europe sans la présence de Renault, il faut être très clair là-dessus. Aujourd’hui, la plupart des motorisations qui équipent nos voitures sont fabriquées par Renault. Au regard de nos volumes, nous n’aurions pas pu trouver l’équation économique nous permettant d’investir tout seul dans les moteurs mais également dans leur évolution dans le temps. L’autre exemple concret concerne les véhicules utilitaires. Si nous avions investi pour fabriquer de notre côté l’équivalent des Renault Trafic, Master et Kangoo, nous aurions été en faillite rapidement au regard des quelques dizaines de milliers de véhicules que nous vendons en Europe. En nous appuyant sur Renault, nous faisons des économies d’échelle et diversifions nos activités. Nous sommes dans un continent où la réglementation est très contraignante, qui demande des investissements de plus en plus significatifs pour absorber des coûts qui augmentent fortement. Si nous voulons continuer en Europe, nous devons à l’avenir accélérer et déployer toutes les synergies et opportunités possibles avec Renault, que ce soit au niveau des produits que des technologies ».
« Nous visons une part de 42% de nos ventes à l’horizon 2022 avec des modèles électrifiés, soit un mix bien supérieur à celui du marché, que l’on estime autour de 26%. Cela reposera sur le lancement de nouveaux modèles 100% électriques, à l’image de notre concept de crossover Ariya, mais aussi de l’introduction de notre technologie e-Power, proposée au Japon depuis 2017 et que nous testons actuellement pour l’Europe. Nous avons aujourd’hui atteint un niveau de performance mais aussi d’émissions de CO2 qui nous permet de penser qu’elle peut être un succès dans les marchés européens. On associe souvent l’e-Power à l’hybride alors qu’il s’agit d’une solution tout à fait différente. Il est important que nous la fassions connaître pour démontrer ses avantages aux clients européens. Quant à la technologie plug-in hybride, il est certain qu’elle sera indispensable en Europe à l’avenir mais nous ne pouvons pas annoncer aujourd’hui dans quelle voiture elle sera déclinée ni à quelle échéance ».