Discours d’Emmanuel Macron à la Sorbonne : qu’en est-il de notre « ambition stratégique » ?

Jeudi 25 avril, le président de la République doit prononcer à la Sorbonne un discours qui servira de base au « geste » présidentiel face à la croisade vers les élections européennes du 9 juin. pour reconquérir les cœurs et les esprits de son électorat fuyant la liste Renaissance et ses alliés d’Horizonte, l’UDI, le Modem, le Parti radical, incarné par la croisade très fade menée par sa tête de liste, Valérie Hayer.

Surtout, Emmanuel Macron à retrouver « l’encouragement » et « l’impulsion » que certains avaient perçus dans son précédent « essai » pro-européen, ambitieux mais emphatique, déjà prononcé dans le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne, le 26 septembre 2017. . .

L’Europe « unie » défendue par le président est à peine à l’ordre du jour

Pourtant, l’Europe « unie » que le Président de la République appelait de ses vœux, sept ans plus tard, se profile à peine à l’horizon.

Celle-ci continue de peindre à affirmer sa « souveraineté » face à des adversaires, voire des partenaires, qui tentent, de manière flagrante ou plus subreptice, à des degrés divers et avec des visées opposées, de saper « l’autonomie stratégique » dont se vante le président de la République. Les fissures dans la façade du front euro-atlantique engagées le long de l’Ukraine depuis le 24 février 2022, qui a marqué le début de l’agression russe en Ukraine, se sont dangereusement élargies ces dernières semaines. . .

Le semestre de présidence hongroise du Conseil de l’UE, qui débute le 1er juillet, laisse encore planer au-dessus de sa tête une « épée de Damoclès » qui, malheureusement, devrait ralentir, voire mettre en péril la capacité monétaire et financière inébranlable de l’Ukraine, comme cela a été répété lors des 3 derniers Conseils européens (juin et décembre 2023 et celui de la semaine dernière).

L’élection des chefs d’Etat et de gouvernement, qui mêle euroscepticisme et une certaine forme de « relativisme » diplomatique sur le « régime du Kremlin », comme les élections des Premiers ministres et présidents slovaques et la perspective de se nicher en Croatie la semaine dernière et en Autriche à l’automne prochain, j’ai presque tendance à mettre Emmanuel Macron, dans sa description idyllique d’une Europe démocratique, en désaccord avec lui. comme il s’est aventuré à le faire en 2017.

Les quelque 15 eurodéputés qui pourraient être conquis par l’organisation Conservateurs et réformistes européens (ECR) et les 30 eurodéputés qui viendraient grossir les rangs de l’organisation Identidad

Les six clés et les quatre projets discutés à la Sorbonne en 2017, qui garantissent la refondation d’une Europe « souveraine, unie et démocratique », n’ont guère contribué à assurer une « Europe puissante » dans toutes ses dimensions et sur ses frontières maritimes et terrestres. c’est-à-dire, de part et d’autre de la Méditerranée, vers le continent africain et face à un Maghreb et un Machrek. durablement déstabilisée, dans le contexte d’une guerre « chaude » qui se prépare entre Israël, l’Iran et leurs voisins arabes.

En effet, notre voisinage européen est devenu de facto le reflet de notre relative naïveté et de notre pusillanimité déconcertante face à des flux migratoires non régulés, désormais instrumentalisés par des puissances « souveraines » et « illibérales » dont les aspirations sont radicalement éloignées de nos propres libertés.

Qu’en est-il de la confirmation d’une « Europe puissante » qui serait de fait autonome dans ses choix et ses actions possibles ?

Notre voisinage, tant à l’est qu’au sud, n’est ni caractérisé par la durabilité environnementale ni par la justice climatique, pris dans une asymétrie de développement durable, que nous avons conjointement espérée lors de la Conférence des Parties (COP 21) avec l’Accord de Paris le 12 décembre 2015.

Il en va de même d’un point de vue social et fiscal, compte tenu de la soutenabilité économique et technologique qui a régressé avec la pandémie de Covid-19, à partir de novembre 2019, mais qui, néanmoins, laissait entrevoir la bonne santé financière de l’euro.

Des clients vertueux – bien que nébuleux – pour une Europe qui est une puissance économique qui représente pourtant entre 18 000 et 20 000 milliards d’euros sur les 27 PIB combinés ; s’il n’y avait pas eu les effets de la déconnexion entre une Allemagne qui se réindustrialise et acquiert de l’autonomie dans la commercialisation de son « Made In Germany » et la France, avec ses 3 100 millions d’euros de dette, environ 110,6 % de notre PIB et un déficit public de 5,5 % du PIB, soit 154 milliards d’euros !

Malheureusement, nous devrons aussi l’accabler de la dette qui pèsera sur les citoyens européens, jusqu’en 2058, au rythme des investissements, à hauteur de 807 milliards d’euros, qui constitue l’outil de résilience de la « Next Generation EU ».

Car c’est dans cette configuration chrysogène que se retrouve le même espoir européen humaniste, normatif et réglementaire qui est piégé et questionné. Pourtant, depuis son élection en 2017, le président de la République s’est montré enthousiaste à l’idée de se réapproprier, la plupart du temps, des concepts qui lui sont propres pour y faire face.

À la perception d’« autonomie stratégique » dont se vante Emmanuel Macron, qu’en est-il de la confirmation d’une « Europe puissante » qui est de fait autonome dans ses choix et ses actions possibles ?

Dans la même perspective, « l’ambiguïté stratégique » qu’Emmanuel Macron invoque ad nauseam – trop pour être crédible, d’ailleurs – deviendrait presque absconse, notamment lorsqu’il s’agit d’une éventuelle participation de nos forces armées à une confrontation en Ukraine, dont les résultats finaux dépendront d’une remise en cause radicale de l’architecture européenne de paix et de sécurité.

De plus, avant de parler d’une « économie de guerre » à la fois péremptoirement décrétée et incarnée dans ce qui, à ce jour, fait encore défaut : des commandes importantes pour stocker, améliorer et rationaliser la production d’armes et de munitions. que nos forces armées veulent faire face à la désintégration d’une formule étrangère qui est aujourd’hui en danger, et tout aussi urgentement, aux courageux combattants ukrainiens, qui contribuent à assurer la sécurité du flanc oriental de l’UE et de l’OTAN.

Il convient également de rappeler qu’investir dans une défense autonome de fait contribuera également à garantir notre souveraineté économique, compte tenu des 91 700 millions d’euros exportés entre 2012 et 2021, ce qui nous place au deuxième rang des exportateurs d’armements. , en particulier aux marchés du golfe Persique, porteurs dans le domaine indopacifique et, bien sûr, à consolider, entre les pays européens eux-mêmes.

L’« économie de guerre » ne se décrète pas, en effet !Surtout si les banques et l’épargne des autres Français peinent à être sollicitées et si, au contraire, on va jusqu’à stigmatiser les entreprises de défense, voire à les menacer. avec d’éventuelles réquisitions de personnel, de stocks et d’équipements de production ou en recourant au droit de priorité, comme l’a risqué le ministre de la Défense, Sébastien Le Cornu.

Ne vous y trompez pas. L’expansion d’une industrie de défense contribue particulièrement à la consolidation de notre tissu économique et social. En témoignent les quelque 4 000 entreprises de défense (PME, ETI et « champions industriels »), les 200 000 emplois directs qui en découlent, sans compter les 20 milliards d’euros investis annuellement au niveau national et les 12 milliards d’euros liés à l’exportation de nos systèmes d’armes.

Comme l’ont également souligné les eurodéputés Jean-Louis Thiériot et Patricia Mirallès en février 2022, dans leur rapport parlementaire sur la préparation de la France au conflit de haute intensité, il faut prendre en compte l’effet multiplicateur « keynésien » qui permet de collecter entre 1,3 et 2 € par euro dépensé en faveur de notre tissu commercial militaire.

Est-il crédible pour autant de faire appel à la défense européenne, alors qu’une grande partie des 100 milliards d’euros promis pour le progrès de la Base industrielle et technologique européenne (BITDe) ira à l’acquisition d’armes produites et conçues aux portes du territoire européen ? , et cela au détriment de 73 % – dont 60 % iront aux Etats-Unis – de ceux qui composent les forces armées européennes ?

Nous voulons donc à la fois les capacités cinétiques qui nous manquent en quantité et en durée pour absorber la surprise de batailles et de conflits qui se prolongent, s’hybrident et se complexifient, ainsi que nos « forces morales », qui sont l’épine dorsale de nos sociétés. De ce point de vue, Emmanuel Macron avait raison lorsque, le 13 juillet 2022, il lançait un appel à Thucydide et rappelait que « la force de la ville ne réside ni dans ses murs ni dans ses navires, mais dans le caractère de ses citoyens ». « !

Au-delà de la rhétorique, il va maintenant falloir appréhender calmement et prosaïquement une Realpolitik

C’est le cas de la guerre de haute intensité en Ukraine et de l’admirable résilience des Ukrainiens face à l’agression russe. À l’image de la crise plus hybride qui se prépare à l’œuvre de ceux qui cherchent à exploiter la pression migratoire, de part et d’autre de la Méditerranée. Il en va de même pour ceux qui n’hésitent pas à tenter de déstabiliser le Sahel, discréditant la France et ses partenaires européens. Sans parler des conséquences durables d’un nouvel ordre extérieur qui se dessine au Moyen-Orient, du Maghreb au Levant, en mer Rouge, dans le golfe Persique et en Méditerranée orientale.

Il est donc aisé de percevoir qu’au-delà de la rhétorique, il va désormais falloir appréhender calmement et prosaïquement une Realpolitik telle qu’elle s’impose à l’Union européenne, face à des crises aux racines entremêlées et aux conséquences convergentes, qui interagissent depuis 450 ou 450 ans. Il en va de même pour les citoyens européens, dont beaucoup hésitent encore à se rendre aux urnes le 9 juin pour élire les 81 députés français. qui siégeront parmi les 720 qui composent le Parlement européen.

*Emmanuel Dupuy est Président de l’Institut pour la Prospective et la Sécurité en Europe (IPSE). Secrétaire national des centristes sur les questions de défense.

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