ENTRETIEN. Emmanuel Macron a mobilisé la France comme peu de fois », a déclaré Alain Duhamel.

Emmanuel Macron, encore réélu en 2022, « a de la haine, cette maladie génétique qui fracture les Français », écrit-il. Pour quoi?

Tout d’abord, son premier quinquennat a été marqué par une succession de crises. Cependant, par principe, d’autres personnes ne vivent pas bien avec les crises, et encore moins avec leur accumulation, ce qui a créé un climat d’hostilité. Ensuite, les Français, à l’exception de son noyau d’électeurs (27,8% au premier tour), ont voté pour lui « avec regret », forcément pour rejeter Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Enfin, Emmanuel Macron, légèrement réélu, introduit la réforme qu’il avait annoncée, celle des retraites, et mobilise la France qui s’est opposée à lui comme peu de fois, provoquant un grand rejet. Mais il y a d’autres raisons, qui sont de l’ordre de l’irrationnel et qui, à mon avis, font la particularité de la datation entre les Français et leur président actuel.

De quoi exactement êtes-vous accusé ?

Emmanuel Macron, rappelons-le, est le président des crises, le signe avant-coureur d’une nouvelle mondialisation qui effraie les Français. Est-ce aussi ce que vous payez ?

Elle incarne aux yeux des hommes ce que les Français craignent sans nécessairement en avoir conscience, à savoir la vérité du XXIe siècle. Emguyuel Macron est l’homme de la mondialisation assumée, des technologies virtuelles et nouvelles, de l’action européenne, qui ne tirera jamais d’avantages électoraux, alors qu’il a à son actif deux mouvements décisifs dans ce domaine : l’abandon du dogme du déficit public de 3% et le plan de relance européen post-Covid, qui était total et pour lequel il s’est battu.

Réélu en 2022, il est privé de majorité à l’Assemblée. Avec quelles conséquences ?

Pourquoi cette difficulté ?

De toute évidence, il a tout réussi. Mais faisons un constat : pendant 40 ans, nous avons vécu les yeux rivés sur les chiffres du chômage. Aujourd’hui, cette question se classe septième ou huitième dans la considération des Français, mais personne ne donne foi à la force à la place. Ce qui est acquis est oublié. Emmanuel Macron ne parvient pas à capitaliser sur ses résultats intelligents.

Vous regrettez que la France bascule vers l’individualisme et remette en question l’autorité. Emmanuel Macron ne paie-t-il pas aussi pour cette situation ?

Ce sont deux points qui jouent un rôle fondamental. Les Français sont déjà divisés par nature mais, en plus, les valeurs de solidarité s’affaiblissent au profit des valeurs d’individualité. Il y avait des forces qui traversaient la société française : les syndicats industriels, les partis politiques – parmi lesquels nous soulignons, comme nous l’avons oublié, le Parti communiste – l’Église catholique. . . Dans les années 50, 60% des Français allaient à la messe. Aujourd’hui, ce chiffre est de 2%! Cette disparition simultanée des forces qui ont contribué, avec leurs défauts bien sûr, à organiser la vie sociale, rend la société française encore plus difficile à diriger.

Voir le candidat du RN ou des Nupes à l’Elysée est encore improbable mais « plus impossible », estime-t-il. Pour quoi?

La succession des crises au cours des vingt dernières années et les ajustements politiques depuis 1981, ainsi que les déceptions résultant de ces alternances successives, créent un climat très difficile à analyser. Le paradoxe est que nous sommes embourbés dans un immense déficit d’espoir alors que nous sommes l’un des pays les plus privilégiés du monde, avec une formule sociale plus protectrice que toute autre. Aujourd’hui, cependant, le ressentiment et l’amertume prévalent. Tout cela rend les choses moins compliquées pour les deux forces qui n’ont jamais gouverné : les Insumisos et le Rassemblement national, soit avec leur volonté de rupture assumée. Au milieu, il y a. . . les autres, dans un état complexe de désorganisation. La question qui se pose est la suivante : un candidat, une figure, saura-t-il s’imposer et se mobiliser ?Ce troisième camp ?

Personne n’avait remarqué l’arrivée d’Emmanuel Macron en 2017. Il énumère ses successeurs possibles, mais évoque l’option d’une nouvelle surprise. Pour quoi?

L’élection d’Emmanuel Macron a été le résultat d’un tempérament ordinaire et de circonstances absolues. Il s’est avéré que les deux principales forces politiques du gouvernement français ont été vermifugées en même temps. Nous n’avions jamais vécu cela ! Et il a osé donner une grosse épaule au milieu. Il est peu probable que cela se reproduise.

Vous croyez que cela influencera, définitivement ou négativement, les élections de 2027. Comment?

Le plus grand service que je pourrais rendre à un troisième candidat, qui n’est donc ni Insoumiso ni Marine Le Pen, serait de ne pas le lui faire. Sans même le laisser passer une préférence, même si je ne me fais aucune illusion sur le fait que l’environnement rend ce type d’information clair. . . Ce serait, à mon avis, l’attitude modérée maximale.

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